L’arrivée du printemps se fait toujours main dans la main avec l’arrivée de nouveaux produits qui colorent les étals du marché: légumes primeurs – carottes nouvelles, artichauts bretons, asperges vertes…-, viandes tendres et goûteuses – veaux, agneaux et lapereaux…-, fruits parfumés – fraises gariguettes, rhubarbe… Le printemps est aussi la saison qui marque l’arrivée du premier champignon de l’année et le remplaçant de la truffe noire: la morille.
L’histoire
La morille est un champignon qui, depuis toujours, est présent dans les assiettes. Alexandre Dumas (1802-1870) raconte même une anecdote qu’il a lue dans la vie de Saint Pardoux : un jour, un paysan ayant trouvé de belles morilles, voulait, pour honorer le Saint Homme, lui en faire présent. En chemin, il croisa un grand seigneur qui s’en empara de force. Celui-ci dut s’en repentir, car les ayant mangées, il fut pris d’affreuses coliques qui ne purent être guéries que par absorption d’une huile bénie à cette intention par le saint lui-même.
La saison
L’apparition de la morille dans le calendrier gourmand coïncide généralement avec le départ de la truffe ; la morille est donc le premier champignon nouveau de l’année. Ce champignon est original et reconnaissable : il comporte une tête globuleuse à l’allure d’éponge. La couleur de cette tête, juchée sur un petit pied blanc, se décline dans des camaïeux de beige et de brun qui évoluent en fonction de son emplacement géographique, de la nature du sol, des arbres et du degré d’ensoleillement.
Le temps des morilles commence en principe fin mars. Cependant pour ce champignon, qui ne pousse qu’à l’état sauvage, tout est question de climat. En saison, aimant les terrains sablonneux et la lumière, la morille pousse en solitaire au bord des chemins, à la lisière des bois, sur les terrains en friche et dans les prés. Il n’y a pas de vérités en termes de pousse: certaines années, les morilles apparaîtront courant avril; certains printemps, les morilles pousseront à foison ; d’autres années, il n’y en aura pas du tout. Les hivers très froids profitent apparemment à la morille et la chaleur lui déplaît. C’est la raison pour laquelle elle disparaît en mai.
Les espèces
Il existe plusieurs sortes de morilles mais le gourmet n’a besoin de connaître que les trois variétés les plus gastronomiques de la Morchella :
– La Morille vulgaire ou comestible (morchella vulgaris ou esculenta), la première à apparaître en début de printemps. Ses coloris sont très variés, allant de l’ocre au gris. Contrairement à ce que suggère son nom, sa chair est fine et délicate.
– La morille conique (morchella conica), plus sombre, se montre ensuite. Elle a une forme conique prononcée. Après cuisson, son goût et son parfum sont considérés par la plupart des spécialistes comme incomparables.
– La morille ronde (morchella rotunda), enfin, est toujours en retard par rapport aux autres. Elle est plus blonde et son chapeau présente des alvéoles très amples, séparées par des côtes minces et plus claires.
A côté des espèces supérieures, d’autres variétés plus ordinaires peuvent être ramassées : la Morchella Umbrina (au goût très quelconque), la Morchella Hortensis (ou morille des jardins) et la Morchella Spongiola (ou morille des dunes), comestible mais d’intérêt médiocre.
La sélection
Sur les étals des marchés, il faut faire attention à ne pas confondre les morilles avec les morillons, qui ressemblent physiquement aux morilles mais sont nettement plus petits et n’ont pas du tout la même qualité gastronomique. Attention également à ne pas confondre les morilles et les gyromitres. Ces derniers, qui poussent à foison dans toute l’Europe de l’est ainsi que dans les Vosges et le Jura, ont aussi un chapeau conique brun et alvéolé. Ils ne sont pas non plus de la famille des morilles, n’en ont aucunement la saveur et ne doivent surtout pas être achetés au même prix que leur prestigieux sosies…
La prudence est de mise au moment de l’achat des morilles, les contrefaçons et tromperies étant malheureusement de plus en plus fréquentes. Pour les morilles fraîches, il faut vérifier, si possible, leur appellation précise ainsi que leur provenance géographique. Les morilles françaises sont reconnues comme les meilleures mais elles sont plus onéreuses. Elles viennent principalement de l’est et du sud-est du pays, de la Corrèze et du Périgord. Les morilles françaises sont généralement propres et fraîches car elles sont vendues sitôt récoltées. Les morilles fraîches peuvent également provenir de Turquie, de différents pays de l’Est, du Canada et depuis quelques temps de Chine. Pour les champignons d’importation, il faut s’assurer de leur fraîcheur. Il faut également se méfier des récoltes trop sableuses ou qui ont été mouillées pour donner du poids et créer l’illusion de la fraîcheur.
La dessiccation, c’est-à-dire le séchage, convient aux morilles. Ce procédé a tendance à renforcer leur parfum. En ce qui concerne l’achat de morilles séchées, il faut vérifier le nom latin obligatoirement porté sur l’étiquette. A noter que les mélanges ne comportant que les têtes sont souvent de qualité supérieure car le séchage a tendance à racornir les queues qui doivent être ôtées des spécimens secs. Le prix des têtes seules, plus élevé au départ, sera finalement plus avantageux compte tenu du temps gagné. Avant usage, il convient de faire tremper les morilles séchées quelques heures dans un mélange d’eau tiède additionnée de lait, puis de les couper en deux pour un nettoyage parfait et de les rincer ensuite à l’eau froide en les pressant bien entre les mains.
La dégustation
Direction la cuisine où il est temps de passer à la préparation culinaire des morilles. Attention à ne jamais goûter les morilles à l’état cru: elles sont toxiques. Il faut toujours les cuire soigneusement avant de les déguster.
Avant la cuisson de morilles fraîches, il faut bien les nettoyer sous un filet d’eau pour enlever les impuretés dans les alvéoles. Le chapeau étant entièrement creux, il est prudent de l’ouvrir en deux et vérifier qu’il ne contient ni terre ni insectes, pour ne pas avoir de mauvaises surprises à la dégustation ! Il est aussi préférable d’ôter les pieds sur les gros spécimens, bien qu’ils soient comestibles, et d’éviter de laisser tremper les champignons dans l’eau, ce qui nuit à leur saveur. Dans le cas de champignons vraiment sablonneux, il est conseillé de les faire blanchir trois minutes à l’eau bouillante salée, puis de les rincer encore une fois à l’eau froide avant de les accommoder. Rien de plus désagréable qu’un champignon crissant sous la dent !
En termes de cuisson, la morille se marie idéalement avec le vin blanc, les échalotes et la crème fraîche. En fricassée, elle accompagne à merveille la volaille ou le veau. Dans le Jura, où ce champignon abonde, on le cuisine au vin d’Arbois en « Coq aux Morilles et au Vin Jaune », ou en « Escargots et Morilles à la crème au Vin Jaune et au Jambon de Montagne ». Agrémentés traditionnellement de croûtons frits au beurre, ces plats représentent une exceptionnelle explosion de saveurs…
Véritable champignon printanier, la morille garnira à coup sur les assiettes des plus gourmands…
Source: © L’Almanach du Gastronome, d’Armelle de Scitivaux (Les Editions du Bottin Gourmand).
Bonjour
Merci pour ce bel article
Il y a cependant quelques corrections à apporter dont une absolument capitale :
1) « qui ne pousse qu’à l’état sauvage »
En fait la morille de culture existe aussi (hélas ?), certaines variétés sont cultivées de manière saprotrophe
2) « pousse en solitaire…dans les prés »
En réalité la variété que l’on retrouve dans les prés a plutôt tendance à pousser par petits groupes, parfois important. Il n’est pas rare de trouver un groupe d’une dizaine, voire vingtaine, dans un espace 2 mètres carrés
3) « Morille conique…se montre ensuite »
C’est faux. En réalité c’est le contraire , les coniques poussent toujours avant les morilles communes/vulgaires
4) « Les morillons…n’ont pas du tout la même qualité gastronomique »
En réalité, si même ils n’égalent pas la morille, les morillons sont considérés comme très bon commestible.
5) ATTENTION
» Gyromitre…ont aussi un chapeau conique alvéolé »
En réalité le chaleau forment plutôt une boule ressemblant à un cerveau. Il ne s’agit pas d’alvéoles comme la morille, mais de circonvolutions !
C’est justement ainsi qu’on peut les reconnaître.
« Ne doivent surtout pas être achetés aux même prix que leur sosies »
Fort heureusement il ne s’agit pas de sosie, mais surtout ::
IL NE FAUT PAS EN ACHETER TOUT COURT ! Ce champignon est toxique , MORTEL dans de très nombreux cas !
La gyromitrine qu’il contient ne part pas complètement à la cuisson donc A BANNIR tout simplement ! En France , par décret ,il est INTERDIT à la vente…
6) « Les morilles françaises sont reconnues comme les meilleures … »
Pas forcément… Si en effet elles ont moins de trajet à faire jusqu’aux marchés et qu’il vaut mieux préférer le local, certaines espèces se trouvent également en Belgique au Luxembourg en Allemagne etc…
Les espèces en Europe ne sont pas forcément moins bonnes ce qui est important niveau goût, c’est surtout le type de morilles et sa fraîcheur, plutôt que sa provenance.
7) » il convient de faire tremper les morilles quelques heures… »
Quelques minutes suffisent , trop longtemps est même à proscrire.
De plus, la morille devant être cuite 15 à 20 minutes minimum ( toxique crue), elle aura également largement le temps de bien être réhydratée dans sa sauce :)
8) « il faut bien les nettoyer sous en filet d’eau » …
Pas vraiment. Comme tous les champignons il faut éviter au maximum de les passer sous l’eau.
Un petit truc , idéal aussi bien pour les sablonneuse que pour déloger les petits insectes éventuels : les faire tremper quelques minutes dans du vin blanc (à défaut un mélange eau/vinaigre). Le vin conserve mieux et même sublime le goût de la morille et la nettoie bien, les insectes eux fuiront la morille :)
Voilà , j’espère que ça peut aider, surtout concernant le gyromitre ou vous devez impérativement corriger l’article.
Bonne réception,
Ced.
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