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Ludovic Turac : « La cuisine méditerranéenne est à l’image de ses habitants : chaleureuse.»

Méditerranéen d’origine, chef cuisinier du restaurant Une Table, au Sud, Ludovic Turac travaille quotidiennement et avec passion des plats à l’accent provençal et méditerranéen. Ancien disciple de grandes maisons parisiennes (Le Bristol, Guy Savoy), chef de partie à L’Hôtel du Castellet**, candidat au Top Chef 2011, il prend début 2013 les rênes du restaurant anciennement tenu par Lionel Levy, chef du restaurant de l’Hôtel Dieu. Entretien avec Ludovic Turac qui nous parle de cuisine méditerranéenne, de la gastronomie du Sud et nous dévoile les secrets de fabrication de la véritable Bouillabaisse…

Quelles sont les caractéristiques de la cuisine méditerranéenne ?

Ludovic Turac: La cuisine méditerranéenne est à l’image de la ville et de ses habitants : elle est assez chaleureuse. On a la chance d’avoir de beaux produits à Marseille et en Provence. C’est une cuisine qui est principalement axée sur la mer. On a la chance d’avoir de beaux rougets par exemple, de beaux poissons de Méditerranée. C’est vraiment intéressant de se lancer, gastronomiquement parlant, du côté mer quand on est dans le sud.

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Quels produits du sud aimez-vous travailler ?

LT: Il y a un produit dont je suis fou amoureux, c’est la tomate. J’adore ce légume. En Provence, on a la chance d’en avoir de très très belles, même si on n’en a pas à l’année. Après, j’aime tout travailler. A partir du moment où c’est de saison, que c’est fin et délicat. Dans mon restaurant, je travaille la Bouillabaisse toute l’année. Je ne mets que trois poissons dans ma Bouillabaisse, ça me permet de changer tout le temps, en fonction des saisons et de ce que me ramène mon pêcheur.

A l’image de la Bouillabaisse, pourquoi, à votre avis, des plats dits « du pauvre » sont-ils devenus au fil des années des mets incontournables de la haute gastronomie ?

LT: Je pense que le temps n’a pas joué sur les plats. Même si à l’époque c’étaient des plats de pauvres, ils n’ont pas fondamentalement changé. La Bouillabaisse est tellement représentative de Marseille, que personne ne s’en est lassé et qu’elle a réussi à traverser le temps. Justement, vu que la cuisine avance, que les gens chez eux prennent plus le temps de cuisiner, que les choses évoluent, les plats aussi évoluent, tout simplement. La Bouillabaisse est un plat qui représente tellement la ville, qu’il est inconcevable pour un Marseillais qui veut cuisiner ou un sudiste qui se lance dans la cuisine, qui vient sur le Vieux Port et qui voit tout ce poisson, de ne pas réaliser une vraie Bouillabaisse.

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Il existe une « Charte de la Bouillabaisse » (ndlr. charte de qualité mise en place par plusieurs restaurateurs de Marseille pour respecter les bases de la recette). Êtes-vous un adhérent de cette charte?

LT: Oui et non. Pour moi, cette Charte est conçue pour les touristes. Une Bouillabaisse, c’est une Bouillabaisse ! Le pauvre ne se posait pas la question de se dire « tiens, je suis en été, je vais pouvoir manger de la Bouillabaisse » et en hiver, « je ne peux pas en manger ». Pour lui, une Bouillabaisse c’était une Bouillabaisse. Bien entendu, il y a des saisons pour manger du poisson : en été, on va retrouver les petits rougets de roche, en hiver, on va privilégier le loup. Alors je dis oui et non à cette Charte. C’est important qu’il y en ait une par rapport aux ingrédients, pour ne pas retrouver de moules ou de calamar dans la Bouillabaisse. En revanche, pour le côté « le poisson doit être servi en salle devant le client et seulement en été », je ne suis pas d’accord.

Quels sont donc les vrais ingrédients de la Bouillabaisse ?

LT:Je vais vous parler de la vraie et je vais vous parler de la mienne. Dans la vraie bouillabaisse, il y a sept poissons : la Daurade, la Rascasse, le Loup, le Saint-Pierre, le Congre, la Vive, la Galinette et on peut mettre un crustacé en plus. Ensuite, il y a le bouillon, la soupe de poisson, qui se fait normalement avec les arêtes de poisson, les poissons de roche et les poissons de chalut. Il faut ajouter à cela du concentré de tomates et du pastis, une garniture aromatique et du safran. Là, on a tous les éléments de base. Dans les garnitures, on peut mettre des pommes de terre avec croûtons et rouille. Moi j’utilise tous ces ingrédients. Je change la forme mais pas le goût. Le seul problème, c’est que l’on ne peut pas avoir ces sept poissons en même temps, car ils n’ont pas la même saisonnalité. Dans ma Bouillabaisse, je n’en mets que trois, comme ça je suis sûr qu’à l’année, il y aura au moins trois poissons. Ça me permet de faire des portions plus grosses et de rester en cohérence avec la saison, tout simplement.

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Pensez-vous qu’il est important de préserver et perpétuer les traditions culinaires de chaque région ?

LT: Bien sûr. C’est très important, pour la mémoire et pour la culture gastronomique de chaque région. On a besoin, quand on traverse la France, de savoir où l’on va et savoir ce que l’on va manger dans l’endroit où on va. C’est très important pour moi. La gastronomie est vraiment représentative d’une région et ça passe aussi par la transmission entre générations. Le vieux pêcheur marseillais, que l’on va rencontrer sur le port et qui va dire « moi, quand j’étais jeune, je faisais la Bouillabaisse » et qui en 2013 la fait encore, je trouve ça génial.

La cuisine du sud en trois mots ?

LT: Chaleureuse, exceptionnelle et généreuse. Par «exceptionnelle», je ne veux pas dire prétentieuse. C’est plutôt dans le sens où je travaille des produits – la tomate par exemple – vraiment atypiques qu’on ne retrouve qu’en Provence. «Généreuse», car dans le Sud, on aime beaucoup les repas en famille. Le Sudiste est assez casanier, je trouve. Le Parisien va boire des coups dans les palaces, le Marseillais va rester à la maison avec la famille.

Visuels : © RDV Communication

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