Nicolas Cherrier : « La gastronomie normande a des qualités qu’il faut mettre en avant »

Incontournable épicerie fine dans le centre de Cabourg, Le Fils du Pôvre. Charcuterie, spécialités fromagères, créations culinaires, découvertes vinicoles, les produits nobles dénichés par Nicolas Cherrier chez les petits producteurs représentent l’excellence en matière de terroir et de gastronomie normande. Entretien avec un passionné des beaux produits qui perpétue la tradition de la maison familiale…

Quel est l’origine du Fils du Pôvre ?

Nicolas Cherrier : La maison a été créée en 1968, par mon père. Elle s’appelait « Le Pôvre Dany » à ce moment-là. J’ai travaillé avec mon père pendant près de 20 ans mais il est parti à la retraite il y a sept ans de cela. N’étant pas Le Pôvre Dany j’ai naturellement rebaptisé l’enseigne Le Fils du Pôvre ! Cela me paraissait tout simple, tout naturel. Mon père était charcutier de métier. J’ai également suivi cette branche-là. A la base, la maison est une charcuterie mais nous nous sommes diversifiés. On fait beaucoup de salaisons, c’est-à-dire des saucissons et des jambons crus, tous artisanaux. On ne recherche que des produits qui sortent de l’ordinaire. Je suis souvent sur la route pour voir les artisans, étudier si on peut faire des partenariats et créer des choses ensemble. L’une de mes créations est le « Saucisson au camembert maigre et au livarot », que j’ai réalisée avec un artisan.

(c) Le Fils du Pôvre

Quels produits proposez-vous ?

NC: On a forcément beaucoup de produits régionaux. On s’est diversifiés depuis quelques années en produits d’épicerie fine. Je suis tout le temps à la recherche de petits producteurs et j’essaie de trouver des choses que l’on ne trouve pas partout. Sinon je ne vois pas l’intérêt ! Il y en a vraiment pour tous les goûts et pour tout le monde ! Du sucré, du salé, du liquide, du solide… On est aussi rôtisseurs et on propose des produits fermiers : volaille, jarret, travers, cochon de lait, gigots… On a également un petit coin casse-croûte. Les gens peuvent composer leurs casse-croûtes eux-mêmes avec toute la charcuterie que nous proposons. J’ai aussi ouvert une cave il y a quatre ans, attenante à la charcuterie. J’y propose 300 références de vin, 70 de calvados et 70 de whisky. J’ai également fait un coin fromage où je propose des fromages fermiers, du foie gras et du caviar. Plein de petites choses à déguster.

En venant chez vous, les touristes cherchent-ils à consommer local et traditionnel ?

NC: Oui, tout à fait. D’ailleurs, nous l’affichons complètement. Dans la devanture du magasin, j’ai mis en avant le fait que nous vendons de la charcuterie normande. Les visiteurs viennent forcément chercher des produits régionaux. Que ce soit la charcuterie ou les produits de la cave : les cidres, les pommeaux, les jus de pomme… Il y a un grand choix de produits régionaux. Les gens recherchent d’une part la qualité, d’autre part des produits qui sortent de l’ordinaire.

(c) Le Fils du Pôvre

Vous proposez du vin normand dans votre cave. La Normandie n’est pourtant pas réputée pour ses vignes ?

NC: C’est tout à fait vrai. Il n’y a qu’un seul producteur de vin en Normandie, Monsieur Gérard Samson sur le domaine Les Arpents du Soleil, et nous proposons son vin. Du temps du Moyen-âge, il y avait des vignes partout en France, entre autres en Normandie. Ce producteur a replanté sur les anciennes vignes et a aujourd’hui une production de vin normand.

Associez-vous les mets et vins normands ?

NC: Bien sûr ! Mon caviste a fait un gros panneau dans l’entrée sur lequel il a noté toute une série de plats avec lesquels se marient parfaitement les vins. Les clients aiment le conseil, alors nous mettons un point d’honneur à mettre en valeur ces associations.

(c) Le Fils du Pôvre

Existe-il une véritable gastronomie et un artisanat normand ?

NC: Bien sûr. Déjà, il y a un terroir en Normandie. Le terroir c’est la base de la gastronomie, c’est ce qui donne des spécificités dans nos produits. On a forcément une gastronomie en Normandie. Prenez le camembert, un produit mondialement connu. Au camembert, on peut associer plein de produits et autour du camembert faire plein de plats. Cela fait même partie de notre gastronomie française. Je dis « française » car le camembert est rentré dans la conscience collective. Partout où vous allez dans le monde, les gens connaissent le camembert. Et pourtant, c’est Normand. Il y a vraiment des produits qui mettent en avant des plats traditionnels normands. Les tripes à la mode de Caen également. Saviez-vous qu’il existait un Championnat du Monde des Tripes (ndlr. La Tripière d’Or à Caen) tous les ans ? C’est un plat qui est mondialement connu. Bien sûr que la gastronomie normande a des qualités et il faut la mettre en avant. Finalement, c’est la recherche du bon produit au bon endroit, chez le bon producteur. C’est vraiment ça le terroir : mettre en avant le produit du petit producteur, qui a un goût bien spécifique, bien au-delà des produits stéréotypés.

Visuels : © Le Fils du Pôvre

Le Fils du Pôvre
31, avenue de la Mer
14390 – Cabourg

Côté Plage : Deauville et Cabourg

Cet été, les Rendez-vous des Arts Culinaires font le Tour de France des plus Belles Plages ! De Deauville à l’île de Ré, du Cap Ferret à Saint-Tropez, nous irons chaque semaine à la découverte d’une ville côtière française ! Chaque étape sera l’occasion d’explorer la région, rencontrer les artisans et les grands chefs, déguster les spécialités culinaires et retenir les plus belles adresses…

Départ de ce périple de deux mois, la Basse-Normandie, dans deux villes incontournables de la Manche, renommées pour leurs plages, leurs promenades et leur culture de l’image: Deauville et Cabourg.

(c) DR

La Normandie naît historiquement et officiellement en 911. Le roi de France Charles le simple concède alors, par un traité signé à Saint Clair sur Epte, au chef Viking Rolf « Rollon » le marcheur, un territoire aux embouchures de la Seine. En 924, le roi de France Raoul accorde à Rolf un territoire correspondant approximativement aux départements de l’Orne et du Calvados. En 933 il cède au nouveau duc Guillaume Longue Epée (fils de Rollon), un territoire correspondant approximativement au département de la Manche.

Le duché de Normandie prend forme avec pour capitale Rouen. Le duc de Normandie, Guillaume le Bâtard, devenu le Conquérant après la conquête de l’Angleterre, est également Roi d’Angleterre et ses successeurs porteront ce double titre jusqu’au début du XIIIème siècle. La puissante structure administrative est incontestable ; la Normandie devient un véritable Etat à l’intérieur du royaume de France.

Philippe Auguste, en 1204, remporte la bataille au Château Gaillard contre le roi d’Angleterre Jean sans Terre. Il est le premier à ramener la Normandie dans le domaine royal. Pendant deux siècles et demi, la Normandie est au centre d’une lutte d’influence entre la France et l’Angleterre. Les barons normands tentent de se rebeller contre l’autorité de Louis XI mais la rébellion n’aboutit pas. En 1469, Louis XI fait briser solennellement l’anneau d’or ducal sur une enclume en la salle de l’Echiquier de Rouen : c’est la fin officielle de la Normandie qui devient une province de l’Etat français. Dès lors, la monarchie va chercher à rogner les privilèges et à imposer des divisions au sein de la province normande. Celle-ci est placée sous la responsabilité d’un gouverneur siégeant à Rouen. Bien qu’honorifique, ce titre subsistera jusqu’à la Révolution française.

Dès le début du XVIème siècle, une série d’édits royaux impose le découpage de la province normande en deux généralités, celle de Rouen et celle de Caen. En 1638 est créée la généralité d’Alençon. Les intendants placés à la tête de ces structures exercent la réalité du pouvoir au nom du Roi.

La Révolution Française poursuit l’éclatement de la Normandie. L’Assemblée Constituante supprime les anciennes provinces, symboles de l’Ancien Régime, et découpe la France en unités administratives nouvelles : les départements. Ce nouveau découpage deviendra au fil des siècles un élément indissociable et indiscutable du paysage institutionnel français.

Le XXème siècle inaugure une nouvelle réalité avec l’émergence des régions. Ainsi, au lendemain de la Première guerre mondiale se mettent en place des régions économiques, où siègent des représentants des Chambres de commerce, chargées de promouvoir le développement économique. La Basse-Normandie forme alors la quatrième région économique. Depuis plusieurs siècles, la Haute et la Basse-Normandie suivent des chemins institutionnels séparés, l’économie et le cadre administratif l’ayant emporté sur la géographie ou l’Histoire.

Ce sont deux villes emblématiques de Basse-Normandie dans lesquelles nous allons nous arrêter cette semaine : Deauville et Cabourg.

Au départ, Deauville était un petit village sur le « Coteau », qui domine alors les marais en contrebas. Le duc de Morny décide de changer la face de la commune en asséchant le marais pour y construire une station balnéaire. En quatre ans, de 1860 à 1864, Deauville est créée avec ses villas, son port, son hippodrome et sa ligne de chemin de fer. Le décès du duc de Morny, la chute du Second Empire et la crise économique qui en découle affectent le développement de la station. De plus, les aménagements portuaires dévient les courants marins et favorisent les dépôts de sable sur la plage. Ce phénomène s’accélère au cours de l’hiver 1874-75 : suite à une violente tempête, un banc de galets se forme, éloignant la mer de 300m et laissant apparaître une bande de terre, appelée les lais de mer, aujourd’hui terrain de jeu des vacanciers et sportifs.
Les années folles offrent un nouveau souffle à la station. Le patron du Maxim’s, Eugène Cornuché, fait ériger les prestigieux hôtels Normandy et Royal, aujourd’hui encore en activité. Le tout Paris se presse alors sur les Planches, édifiées en 1923. Pendant la guerre, l’activité de la station balnéaire est mise entre parenthèse, et la plupart des grands édifices sont réquisitionnés et utilisés en tant qu’hôpitaux militaires.

(c) DR

Après-guerre, Deauville retrouve son prestige. Hôtels, hippodromes, plage, casino, champs de courses, tennis, polo et tir au pigeon, grâce à la variété de son offre de loisirs, la ville côtière vit à l’année. Ecrivains, peintres, photographes et artistes son attirés par l’esprit créatif de la ville et de nouveaux évènement culturels voient le jour : le premier Festival de Cinéma Américain en 1975, le Festival de musique de Pâques en 1996, le Festival du Film Asiatique en 1999, une Saison culturelle « d’hiver » en 1997, le festival Livres & Musiques en 2004 et « Planche(s) Contact », un festival de photographie en 2010.

(c) DR

Mais ce qui donne à Deauville sa particularité, c’est son front de mer et ses 2km de sable fin, ses histoires, ses lieux mythiques (les Planches, les Bains pompéiens), les symboles qui ont fait le tour du monde (les parasols aux cinq couleurs, les noms d’acteurs américains sur les cabines), des ciels peints par Dufy ou Boudin, des photos des frères Seeberger et de tant d’autres, des exploits sportifs au tennis et dans la piscine olympique, des virées en char à voile, des régates au large et des balades à cheval sur le bord de l’eau… Un vrai moment de détente et de vacances.

Autre ville située sur la Côté Fleurie dans le pays d’Auge, connue pour ses pommiers en fleurs et ses bains de mer : Cabourg. Dès le début du XIXe siècle, les bains de mer se développent en Normandie. Des stations comme Dieppe et Étretat enchantent la riche société parisienne qui vient pour « se purifier le corps et se divertir l’esprit ». À cette époque, Cabourg est encore un modeste petit village d’agriculteurs et de pêcheurs.

(c) DR

En 1853, un riche homme d’affaires parisien, Henri Durand-Morimbau, décide de trouver le lieu idéal sur la côte normande pour y établir un établissement de bains de mer et un casino. Emerveillé par la beauté des dunes de Cabourg, il décide de s’en rendre acquéreur. Le plan d’urbanisme est dessiné par l’architecte Paul Leroux en forme de théâtre gréco-romain. Le petit village se transforme en quelques années en station balnéaire de renom, inaugurée le 15 août 1855. Curistes et villégiateurs affluent pour profiter des vertus médicinales de l’eau de mer et des animations mondaines : jeux et soirées à thèmes du Casino, chasse au gibier d’eau dans les marais, cours de danse, pêche à pied, concerts, représentations théâtrales… Durant les vingt-cinq premières années de la station, plus de deux cents villas sont érigées. La plupart sont habitées par des personnalités comme Fernand Renault, Édouard Thierry (directeur de la Comédie-Française) ou encore Louis Huart (directeur du Charivari). Dalida, Édith Piaf, Jacques Brel, Charles Aznavour, Georges Brassens et bien d’autres artistes se produisent sur la scène du Casino de Cabourg, à l’époque où Bruno Coquatrix s’occupe de sa gestion et de son animation dans les années 1950.

(c) DR

Marcel Proust est un habitué de la ville de Cabourg. Il aime s’y promener et respirer l’air iodé qui améliore son asthme chronique. C’est également dans la station balnéaire normande qu’il rédige une partie de son œuvre majeure, « À la recherche du temps perdu », dans laquelle il parle de Cabourg sous le nom de Balbec : « Ce fut (…) à une station de chemin de fer, au-dessus d’un buffet, en lettres blanches sur un avertisseur bleu, que je lus le nom, presque de style persan, de Balbec ».

Aujourd’hui, Cabourg est une ville qui se veut incontournable, d’une part pour sa thalassothérapie et la très haute qualité de ses établissements, d’autre part pour son romantisme, sa plage de sable fin, et son Festival du Film.

(c) DR

Côté gastronomie, la Normandie est à l’origine de nombreuses spécialités, qui aujourd’hui rayonnent au niveau mondial et font office de symboles traditionnels français à l’étranger. Cette région est riche par la variété de son terroir et la qualité des chefs qui savent le valoriser. Entre terre et mer, la Normandie peut être fière de son patrimoine culinaire : huîtres, coquilles Saint-Jacques, moules, maquereaux, crevettes pour les produits de la mer ; agneau de pré-salé, andouille de Vire, boudin aux pommes, cochon de Bayeux, tripes à la mode de Caen, en ce qui concerne la charcuterie ; les incontournables produits laitiers dont le beurre, la crème et les fromages AOC dont le camembert, le livarot, le Pont-l’évêque, le Neufchâtel ; finalement cidre, poiré, pommeau, calvados en termes de spiritueux.

La Basse-Normandie, première destination de ce Tour de France des plus belles plages, est une région vivante où culture foisonnante, gastronomie incontournable et paysages magnifiques se complètent pour la plus grand plaisir des visiteurs…

Visuels : © DR
Sources : Région Basse-Normandie; Office de Tourisme de Deauville; Office de Tourisme de Cabourg.