Côté Plage : Cannes

Cet été, les Rendez-vous des Arts Culinaires font le tour de France des plus belles plages ! De Deauville à l’île de Ré, du Cap Ferret à Saint-Tropez, nous irons chaque semaine à la découverte d’une ville côtière française ! Chaque étape sera l’occasion d’explorer la région, rencontrer les artisans et les grands chefs, déguster les spécialités culinaires et retenir les plus belles adresses… Pour cette dernière étape de notre Tour de France des Plus Belles Plages, direction Cannes, la capitale du cinéma, pour un séjour paradisiaque…

C’est à la protohistoire que s’installent les Ligures, premiers habitants de Cannes. Ils choisissent de s’établir sur le promontoire, aujourd’hui le Suquet, et y bâtissent un oppidum, un camp fortifié. Depuis leur belvédère, ils observent leurs congénères qui se sont, eux aussi, fortifiés sur l’éminence rocheuse où se trouve actuellement le fort Vauban, dans l’île Sainte-Marguerite.

(c) Ville de Cannes

Les îles intéressent les hommes à l’antiquité, car elles possèdent des atouts remarquables. En effet, à la croisée des routes maritimes, elles permettent au navigateur à voiles de se mettre à l’abri d’une falaise, ces îles étant le dernier mouillage sûr et un promontoire facile à défendre. Elles sont également un comptoir maritime idéal pourvu de sources d’eau douce propices à faire l’« aiguade », le plein d’eau, loin de la côte inhospitalière. Des anciennes recherches archéologiques ont montré que l’homme occupait ces lieux dès le néolithique et que sa présence était importante au début de l’âge de fer. Son habitat, perché et fortifié, date de la fin du VIème siècle avant J.C., et était pourvu d’une « acropole » qui a précédé un véritable habitat urbain pourvu de bâtiments publics.

Tous ces atouts stratégiques n’échappent pas aux Romains. Dès l’époque républicaine, ils occupent l’île, fortifient cette acropole et en font une base navale puissante, dernière étape avant leur grande ville Fréjus (Forum Julii). Ils entourent également l’ouest de l’île d’un rempart renforcé de tours, dont il reste aujourd’hui quelques vestiges, et implantent quelques fortifications à Cannes.

Dans l’Empire romain, une autre force apparaît, plus pacifique celle-ci : l’Eglise chrétienne. Elle étend son évangélisation en Europe. Des évêchés naissent et se structurent ; une vie monastique prend forme. A Cannes, l’intérêt des chroniqueurs va passer de la grande île à la petite : Lerina, appelée aussi Planaria, l’île plate, grâce à l’arrivée d’Honorat.

(c) Ville de Cannes

Les îles de Lérins tentent de vivre isolées, mais leur rayonnement est tel que les disciples affluent de partout. Pendant près de deux siècles, l’abbaye de Saint-Honorat devient un centre religieux prestigieux, un phare pour tout l’occident chrétien. Certains religieux se répandent pour semer la bonne parole et administrer l’église naissante. De l’île Saint Honorat, le poète chrétien Sidoine Apollinaire célèbre « cette île plate d’où tant de sommets avaient atteint le ciel ». Ainsi, l’abbaye de Saint-Honorat génère des prélats (dignitaires ecclésiastiques) et des saints dont, selon certains chroniqueurs, saint Patrick, l’évangélisateur de l’Irlande. Cette abbaye génère aussi des légendes dorées dont la plus connue est celle de Sainte-Marguerite : «Honorat avait une sœur, Marguerite, laquelle avait fondé un couvent sur la plus grande des deux îles qui porte désormais son nom. Marguerite aimait tendrement son saint frère et désirait toujours l’avoir à ses côtés. Ses prières incessantes dérangeaient fortement notre anachorète qui, dans son île, aspirait à la sainte solitude. Mais Honorat aimait chèrement sa sœur et ne voulait point la peiner. De guerre lasse, il lui manda cette réponse : « J’irai te rendre visite chaque fois que les amandiers fleuriront». Alors Marguerite implora le Seigneur avec de tels accents de ferveur que le Très-Haut, touché, accomplit un miracle. Sur l’île de sainte Marguerite les amandiers se mirent à fleurir… chaque mois. »

(c) Ville de Cannes

Une autre légende serait, elle, à l’origine de la Palme d’Or du Festival du Film : « L’île était infestée de serpents, tous plus venimeux les uns que les autres. Ces bestioles gênaient fortement ce bon Honorat en sa vie de prières. Alors, notre ascète conjura le Très-Haut de le débarrasser de ces reptiles diaboliques. Le Seigneur l’entendit et lui enjoignit de grimper sur un palmier. Obéissant, Honorat s’exécuta. Or donc, Dieu envoya une lame de fond qui submergea l’île et qui la délivra à jamais de ses serpents immondes. » En souvenir de ce miracle, l’abbaye de Lérins décide de mettre une palme dans ses armoiries, la ville fait de même et plus tard le festival du film en fait sa récompense.

Vers le IVème siècle, la plaque portant les îles s’enfonce de quatre à cinq mètres. Suivi d’un raz-de-marée, cet affaissement fait monter le niveau des eaux qui inondent une carrière de pierres. Cette catastrophe naturelle fait également disparaître une honnête corporation de porte-faix : les «utriculaires». Ces hommes recevaient les marchandises débarquées du navire, les fixaient sur des radeaux renforcés par des outres gonflées d’air (« outre », en latin, se dit : utricula, d’où le nom d’utriculaire), et les poussaient de l’île vers la côte, en marchant la plupart du temps. Ils avaient quasiment pied sur une grande partie du trajet. Les bâtisses et les monuments romains sont aussi fortement ébranlés. L’Empire, envahi par les étrangers, s’écroule. Alors, commence la désintégration de la Provence antique. Une chape de plomb s’abat sur le sud du pays, livré aux invasions et aux raids incessants et dévastateurs: les barbares du nord (Wisigoths, Burgondes, Lombards…) et les Sarrazins. De là, par des raids incessants et dévastateurs, ils vont se livrer à des massacres.

(c) Ville de Cannes

Vers 950, le Comte Guillaume de Provence dit « le Libérateur » regroupe ses grands vassaux, déloge les Barbaresques du Fraxinet et les expulse : la région Cannoise renaît. Le peuplement, l’habitat, l’exploitation et la défense se reconstruisent car la sécurité est précaire et le danger barbaresque venu de la mer est toujours menaçant. Le Comte de Provence décide d’édifier le château Marcelin Castellum Marcellini sur le piton et d’y installer un châtelain, Marcelin, le premier Cannois. Le Comte de Provence, pour récompenser les seigneurs féodaux qui l’ont aidé à expulser les Sarrasins donne à Rodoard, chef d’une puissante famille du pays, tige de la maison de Grasse, l’apanage d’Antibes et de la région, dont Cannes.

En l’an 1000, les moines de Lérins deviennent propriétaires d’un poste fortifié Romain appelé Castrum, ancien nom de La Castre. Afin de se protéger de possibles invasions, les moines construisent la Tour et les remparts. Jusqu’à la fin du XVème siècle, l’histoire du Suquet est étroitement liée au Monastère bien qu’en 1447, la ville se transforme en municipalité.

En 1500, la vieille ville ne comporte pas d’escalier. Les rues sont toutes pentues, avec un canal au milieu où sont jetés les eaux usées et les détritus.

La ville de Cannes entreprend au XIXème siècle de gros travaux d’assainissement : destruction des maisons en ruine, reconstruction des routes, installation d’égouts. Les bains se développant, la ville de Cannes décide de mettre en valeur son front de mer. En effet, en 1850, la Croisette n’est qu’un simple chemin longeant la mer, au milieu des dunes de sable. La ville décide alors de construire une avenue prestigieuse où se regroupent les commerçants les plus en vue à l’époque.

Aujourd’hui, Cannes n’est plus une ville de pêcheurs mais elle est devenue la capitale du cinéma et des séjours paradisiaques, où paillettes, yachts et touristes fortunés aiment à se promener et se détendre. Cannes, c’est aussi une culture du terroir et du pays. En effet, comme l’a très bien formulé Stéphen Liégeard, écrivain et poète français et auteur de l’expression Côte d’Azur, « la cuisine de Cannes est comme une tranche de soleil sur une nappe de mer bleue ».

(c) Ville de Cannes

Outre les saveurs méditerranéennes, les délicieux poissons et les accents provençaux de la cuisine du sud, la spécialité de Cannes est la liqueur Lérina, produite aux Iles de Lérins, sur l’île Saint Honorat. Depuis 1600 ans, la communauté des moines Cisterciens de l’Abbaye de Lérins vit modestement grâce au fruit de son travail : la production ancestrale de vins, de liqueurs de plantes (Lérina verte, Lérina jaune, verveine), liqueurs de fruits (Mandarine, Lerincello aux citrons de Menton), eaux de vie et marcs distillés. Face à leur production, les moines suivent la règle de Saint Benoît, Ora et Labora (prière et travail). Toutes les étapes sont réalisées par les frères sur l’île : vendanges manuelles, vinification, élevage, vieillissement, mise en bouteille, vente. Par respect de l’équilibre, de l’environnement de l’île et du terroir, la communauté a choisi d’opter pour une culture raisonnable. Ainsi, les moines n’utilisent ni pesticides, ni herbicides, ni engrais chimiques. « Une île, des frères, un grand vin »…

(c) Liqueur Lérina

Une baie merveilleuse, un site harmonieux, un écrin de collines qui apaisent les vents étrangers, un promontoire dominant la plage, deux îles voisines qui enserrent et protègent la côte, Cannes reste encore aujourd’hui un petit coin de paradis…

Ainsi se termine notre Tour de France des Plus Belles Plages, chaque étape ayant été l’occasion d’explorer une région, rencontrer les artisans et les grands chefs, déguster les spécialités culinaires et retenir les plus belles adresses. Un été 2013 rempli de rencontres et de beaux souvenirs …

Visuels : © Ville de Cannes
Source : © Office de Tourisme de Cannes 

Alban Cacaret : « Au Domaine Peyrassol, on travaille sur l’image haut de gamme du rosé.»

La commanderie de Peyrassol, nichée sur les contreforts du massif des Maures est l’un des domaines les plus importants de la région varoise. Plus de 80 hectares de vignes courent sur les collines et chaque cépage cultivé a été soigneusement sélectionné pour être en parfaite harmonie avec le climat. Alban Cacaret, à la tête du domaine, évoque l’origine de Peyrassol, ses tables d’hôtes et son désir de partager l’histoire et le savoir-faire de son domaine…

Quelle est l’histoire du Domaine Peyrassol ?

Alban Cacaret : Peyrassol était une ancienne Commanderie Templière du VIIIème siècle et déjà un domaine viticole. Les Templiers étant exterminés par le roi, le domaine est tombé entre les mains de l’Ordre de Malte. A la Révolution Française, comme Peyrassol était considéré comme un bien d’église, la famille provençale Rigord l’a repris. Puis nous avons acquis ce domaine en 2001. C’était une grande nouveauté familiale car nous n’étions pas de la région, ni du milieu de la vigne. C’était une volonté de mon oncle. Il s’était toujours dit que si ses affaires marchaient, il voulait retourner à la vigne, à la terre. Pourquoi la Provence ? C’était vraiment un concours de circonstances. Mon oncle cherchait depuis quelques années dans les vignobles français, il est arrivé un jour par hasard et a eu un grand coup de cœur pour Peyrassol. C’est un lieu à part, un peu hors du temps par son côté austère, puisque c’est perdu dans les collines avec beaucoup de pierres sèches de Provence, dans un cirque. De plus, c’est un lieu chargé d’histoire qui n’a jamais laissé personne indifférent.

(c) Peyrassol

Vos tables d’hôtes, « Un Jour à Peyrassol », sont-elles des moyens de faire découvrir votre domaine et vos produits ?

AC : Au début on s’est consacrés à réhabiliter le domaine : les bâtiments d’habitation, la cave, l’intégralité du domaine. Très vite, on a voulu partager le domaine et les vins. On a eu l’idée d’ouvrir une vitrine, « Un Jour à Peyrassol », à Paris, à Saint-Tropez et à Bruxelles, avec un bar à vins, où il était possible de faire des dégustations, et un restaurant où il est possible d’associer ces vins à la gastronomie. Au niveau de l’épicerie fine, on a souhaité axer sur la truffe : des truffes fraîches, des produits de la Maison de la Truffe, tout l’univers de la truffe. On a aussi certaines spécialités provençales et italiennes. Quels que soient les produits, ils sont tous haut de gamme. C’est un moyen de prolonger l’expérience Peyrassol !

(c) Peyrassol

Pourquoi assiste-on à une évolution du rosé, jadis un vin provençal bas de gamme ?

AC : C’est très simple. D’une part, les producteurs et les vignerons ont globalement amélioré la qualité. D’autre part, et c’est le principal, les clients l’apprécient énormément ! Il n’y a pas de succès sans les consommateurs, néophytes comme amateurs éclairés. Le rosé a aujourd’hui un véritable succès. Ce qui est extraordinaire, c’est que ce succès a démarré au moment où nous avons pris le domaine. On a été dans cette mouvance là, on a participé à ce succès, à notre niveau bien sûr. Nous avons été l’un des premiers domaines à mettre en bouteille dans des grands contenants, dans des magnums très élancés. Nous avons véritablement travaillé sur l’image haut de gamme du rosé. Notre cuvée Clos Peyrassol, que l’on produit à seulement à 6000 bouteilles, est une bouteille très élégante, et le vin est d’une fraîcheur et d’une subtilité troublantes.

(c) Peyrassol

Sur votre domaine, vous réservez une grande place à l’art. L’œnologie, la dégustation et les arts sont-ils donc intimement liés ?

AC : C’est très certainement lié. Tous ces éléments se sont mis en place très naturellement sur Peyrassol. C’était un lieu à faire connaître, à partager. Le partager signifie donc faire déguster les vins, proposer à nos visiteurs de rester plus longtemps grâce à la table d’hôtes sur le domaine, et de présenter des œuvres d’artistes, pièces de la collection privée de mon oncle. Nous avons vraiment voulu travailler sur cette notion de partage, ouvrir au public un lieu qui a traversé les temps et qu’aucun propriétaire ne pourrait vraiment s’approprier.

Visuels : © La Commanderie de Peyrassol