Le coup de cœur de la semaine : la distillerie Glenmorangie

En cette semaine dédiée à la gastronomie en temps de grand froid, notre coup de coeur se porte sur une maison presque bicentenaire: la distillerie Glenmorangie. Située dans les étendues balayées par le vent des Highlands, la distillerie produit un single malt qui a fait se réputation, et dont les Français sont de francs amateurs. Voyage en terre écossaise à la découverte du whisky…

170 ans déjà pour la distillerie écossaise Glenmorangie. Depuis presque deux cents ans, amateurs et connaisseurs se délectent du fameux nectar, l’un des single malts les plus vendus au monde et reconnu comme l’un des plus qualitatifs dans sa catégorie. Mais avant d’entrer dans les détails de cette maison de whisky pionnière, revenons-en aux bases de la boisson maltée.

Le single malt, whisky préféré des Français, est un alcool de grain produit dans une seule et même distillerie – d’où l’appellation «single». Cinq étapes sont nécessaires à la fabrication: le maltage, le brassage, la fermentation, la distillation et le vieillissement.

Commençons par le maltage, la première étape au cours de laquelle de l’orge de haute qualité macère dans de l’eau pour amorcer sa germination. Le grain se transforme alors en malt et l’amidon de l’orge devient soluble pour préparer sa conversion en sucres naturels dans une cuve. Afin d’interrompre la germination, l’orge est séchée dans un four à malt. C’est à ce stade que chaque distillerie détermine la saveur plus ou moins tourbée qui caractérisera son whisky.

Ensuite, l’orge maltée est broyée en farine grossière, puis mélangée à de l’eau chaude dans une cuve : c’est le brassage. On obtient ainsi un liquide sucré, le moût. Une fois refroidi, le moût est déplacé dans des cuves, pour commencer la fermentation, où sont ajoutées des levures qui convertissent le sucre en alcool. Cette étape dure deux ou trois jours et produit une sorte de bière de malt, le wash, de 6 à 9% d’alcool.

Le wash est distillé deux fois. La première distillation produit un liquide peu alcoolisé appelé low wines, qui est distillé à son tour dans un alambic de deuxième chauffe, le spirit still. C’est durant cette seconde distillation que l’on recueille le cœur de chauffe, environ 70% d’alcool, après condensation des vapeurs dans un condenseur. La forme des alambics, différente dans chaque distillerie, a une grande influence sur le caractère de chaque whisky. La distillerie Glenmorangie par exemple, a la particularité d’utiliser des alambics de gin, plus hauts et plus fins que les alambics charentais classiques, à la forme d’oignon.

Le produit de la distillation transite ensuite dans un coffre à alcool, spirit safe, pour permettre au distillateur de contrôler la force et la qualité de l’eau-de-vie. L’eau-de-vie, incolore, issue des distillations, est introduite dans des fûts de chêne qui ont déjà contenu du bourbon ou du sherry. Le whisky acquiert alors 60% de son arôme et sa plénitude. Le bois du fût lui donne sa teinte. La loi stipule qu’un scotch whisky doit être vieilli pendant au moins trois ans et produit exclusivement en Écosse – d’où son appellation de Scotch, un dérivé de «Scottish», Ecossais.

Il reste cependant un élément à éclaircir dans les appellations, celui de la différence entre «whisky» et «whiskey». L’explication est en fait très simple : l’orthographe varie selon le pays de production. L’eau-de-vie de grain (malté ou non) produite en Ecosse porte le nom de «Whisky», tandis que si elle est produite aux Etats-Unis ou en Irlande, elle portera le nom de « Whiskey ».

Partons donc à la découverte d’un whisky, véritablement écossais, celui de la maison Glenmorangie. La légende rapporte que des boissons alcoolisées seraient produites sur le site de la distillerie Glenmorangie depuis le Moyen Âge, dans les Highlands, mais c’est seulement en 1738, année de la construction d’une brasserie à la ferme Morangie, que la production d’alcool a véritablement démarré. En 1843, William Matheson achète sa première licence pour produire du whisky et transformer la brasserie en distillerie. Première innovation mise en place la même année: les alambics en cuivre traditionnels en forme d’oignon (alambics charentais) sont remplacés par des alambics à gin élancés de plus de cinq mètres de hauteur – la taille d’une girafe adulte. Ils sont encore aujourd’hui les alambics les plus hauts d’Ecosse et sont toujours en utilisation. La hauteur des alambics offre une résistance à la montée des vapeurs lourdes. Seules les vapeurs les plus légères, délicates et pures accèdent à la partie supérieure des cols de cuivre. Les condensats, très purs, aux nuances distinctives superposées et particulièrement aromatiques, sont prêts pour leur maturation.

Vers 1940, Glenmorangie créé une véritable révolution dans la production de whisky en Écosse en commençant à utiliser des fûts de vieillissement ayant contenu du bourbon au lieu des traditionnels fûts de xérès espagnols. La maison sélectionne des chênes blancs d’Amérique, caractérisés par la nature poreuse de leurs planches. Séchés à l’air libre pendant au moins deux ans, ces bois sont transformés en barriques dont l’intérieur est légèrement brûlé et calciné selon une technique précise. Cette méthode permet de conserver et d’accentuer au maximum le meilleur des arômes conférés par le bois. Enfin, les barriques sont louées à des producteurs de bourbon ou de Tennessee pour éliminer les nuances dures et trop tanniques du bois. Ce n’est qu’à la fin de ce long processus que les barriques accueillent le whisky Glenmorangie.

Dès les années 60, Glenmorangie lance le concept de l’extra-maturation dans des fûts ayant contenu différents types de vins. Cette technique permet d’obtenir un whisky plus harmonieux, plus rond en bouche. Comme près de 60% du goût d’un whisky provient du fût, il est essentiel de bien choisir le chêne de la meilleure qualité et de n’utiliser les fûts que deux fois. Au cours de ce processus de maturation supplémentaire, le distillat repose d’abord pendant au moins dix ans dans l’obscurité et la solitude des chais dans d’anciens fûts de bourbon américain. On estime que les entrepôts dans lesquels les tonneaux sont stockés ont également une influence sur le goût du whisky. Glenmorangie a produit une édition spéciale nommée Cellar 13, qui correspond à la cave la plus proche de la mer: cet emplacement donnerait une saveur particulière au whisky.

Pour pleinement apprécier ses qualités, le whisky est dégusté de préférence dans un verre de forme tulipe qui contribue à rassembler et concentrer les arômes au nez. Il existe dans le commerce des verres spécialement conçus pour la dégustation du whisky, mais un verre à dégustation utilisé pour le vin peut aussi convenir. Sinon, le whisky peut être servi dans des verres à apéritif ou digestif.

Le whisky se déguste à température ambiante. Il faut en premier lieu observer le contenu du verre à contre-jour, pour apprécier sa robe et sa texture, puis procéder à l’examen olfactif du whisky. Les arômes se révèlent au nez au fur et à mesure. Il faut ensuite prendre une petite gorgée de whisky et procéder au même rituel même s’il est parfois difficile pour les novices d’identifier les arômes du premier coup. Afin de procéder à un deuxième examen olfactif, il est conseillé de rajouter un peu d’eau dans le whisky, puis noter les différences de notes perçues. Suite à la dilution, il faut de nouveau prendre une gorgée de whisky.

Utilisé en cuisine, dans les cocktails chauds type Irish Coffee ou dégusté le plus simplement possible, le whisky est un alcool qui offre une palette de couleurs et de saveurs à celui qui s’y intéresse. En ces temps de grand froid, il se consomme idéalement autour d’un chaleureux feu de bois. Il suffit juste d’y mettre le nez…

Visuels : © Glenmorangie.

L’abus d’alcool est dangereux pour la santé. A consommer avec modération.

La recette du jeudi: Pavé de saumon en écailles de gelée de whisky Ardbeg

Le saumon est indémodable. Qu’il soit cru ou cuit, fumé ou mariné, il trouve toujours une place de choix au sein des menus les plus variés, des plus simples aux plus élaborés. Jon Irwin, le chef du restaurant Alain Milliat propose pour cette recette du jeudi un pavé de Saumon d’Ecosse Label Rouge en écailles de gelée de whisky Ardbeg Ten.

Originaire de Telford en Angleterre, Jon Irwin refuse de se laisser bercer par les traditionnels puddings ou la jelly. Il fait ses débuts à 18 ans chez Brown’s et enchaîne les rencontres. Il travaille pour Andrew Turner (Kempinsky Hotel à Londres), avant de rejoindre la France et Alain Llorca (Hôtel Negresco), Pierre Gagnaire et Akrame Benallal, qui le présente à Alain Milliat pour la place de chef dans son premier restaurant Parisien.

La cuisine de Jon Irwin (d)étonne: jeux de textures subtils, cuissons maîtrisées et utilisation produits rares comme la daurade rosée, le basilic-cannelle ou la menthe dite chocolat. Parmi ses plats signatures l’on retrouve l’œuf à 62° et une surprenante crème de pop-corn et caramel glacé au beurre. Dynamique et passionné, le chef transmet chaque jour, dans son restaurant, le goût d’une cuisine inventive et créative.

Pour cette recette du jeudi, le chef Jon Irwin a décidé de travailler le saumon écossais Label Rouge, poisson qui se pêche dans la région des Highlands and Islands en Ecosse. Cette région au nord de la Grande-Bretagne, au climat rude et inhospitalier pour l’homme, est une terre de prédilection pour l’élevage du Salmo salar, ou saumon de l’Atlantique, et en particulier du Saumon écossais Label Rouge. L’eau des torrents et des rivières vient des sommets et elle fournit les ressources idéales à la croissance du jeune poisson dans les bassins d’eau douce jusqu’au transfert en mer. L’eau froide des lochs salés prend ensuite le relais. Brassés par les courants et les marées, les saumons doivent constamment nager dans cet environnement dynamique, ce qui contribue à leur assurer une chair ferme et un taux de lipide limité, deux éléments qui concourent à la qualité supérieure du produit.

Grâce à cette qualité, le saumon écossais a été en 1992 le premier poisson et le premier produit étranger à obtenir le prestigieux Label Rouge attribué par le Ministère de l’Agriculture français, label accordé à un produit agricole ou une denrée alimentaire sur des critères de qualité supérieure gustatifs. Le saumon a également obtenu en 2004 l’Indication Géographique Protégée (IGP) octroyée par les autorités européennes à un produit ou une denrée alimentaire ayant un lien fort à son origine géographique.

Ces reconnaissances s’obtiennent par l’homologation d’un cahier des charges très strict mis en place par un groupe de producteurs, afin que le saumon soit toujours d’un niveau de qualité supérieure. Il présente l’ensemble des exigences auquel le produit devra répondre, notamment en termes de techniques d’élevage (dans le respect du bien-être du poisson, de l’environnement et sa durabilité), d’alimentation (composée exclusivement de produits d’origine marine, d’ingrédients végétaux, de vitamines, minéraux et caroténoïdes), d’équipements et de locaux (densité maximale de 15 kg par m² de bassin), d’hygiène et de formation du personnel.

C’est pour ces raisons que le chef Jon Irwin a préparé cette semaine une recette 100% British: un pavé de saumon en écailles de gelée de whisky Ardbeg

Pavé de saumon en écailles de gelée de whisky Ardbeg

Pour 4 personnes :
– Tailler 4 petits pavés de saumon, enlever les arêtes avec une pince à épiler.
– Faire cuire au four vapeur (cuisson basse) jusqu’à ce que la température arrive à cœur à 38°.

Pour la gelée de whisky :
– 15 cl de whisky
– 5 gr de poudre « agar agar »
• Mélanger la poudre « agar agar » avec le whisky et faire bouillir dans une casserole.
• Faire flamber, puis étaler la préparation sur une plaque et laisser refroidir au frigidaire.
• Une fois refroidit, tailler des ronds à l’emporte pièce et les mettre sur un papier sulfurisé.

Dressage :
– Mettre dans une assiette le pavé chaud et le recouvrir avec les ronds de gelée de whisky comme des écailles.
– Servir avec un verre de whisky ayant servi à la gelée.

Visuels: (c) Louise Barillec et Aurore Lucas

Romain Chassang: « Le whisky est véritablement une expérience »

Avec le changement d’heure vient le changement de température, puis le changement d’habitudes. Les bières, limonades et autres boissons rafraîchissantes ont cédé la place aux chocolats chauds, thés et vins chauds. Cependant, il est une boisson qui se déguste quelle que soit la saison: le whisky. Depuis 1997, Diageo, entreprise née de la fusion de deux entreprises Britanniques Grand Metropolitan et Guinness PLC, œuvre pour la production de whiskys de qualité, qu’ils soient tourbés, boisés ou iodés, single malt ou blend. Pour s’y retrouver parmi les nombreuses variétés, Romain Chassang, directeur de l’agence d’évènementiel Drinking Better, nous donne quelques clés pour mieux comprendre le whisky…

Quels sont les whiskys emblématiques de Diageo ?

Romain Chassang: Parmi les produits les plus connus, il y a Glenmorangie Original 10 ans d’âge, le plus classique, et Glenmorangie Nectar D’or, symbole de la double maturation. Pourquoi est-il appelé Nectar d’Or? Parce qu’il est maturé dans deux types de fûts : pendant les dix premières années, dans des fûts de bourbon, et les deux dernières années avec des foudres de sauternes. Cela apporte des notes bien particulières. Ensuite, il existe des gammes avec des coûts francs plus conséquents : les 18 ou 25 ans pour lesquels on utilise des fûts de Xérès Oloroso. Avec Signet, on fait des assemblages entre notre whisky le plus vieux, distillé il y a plus de trente ans, et des whiskys appelés Chocolate Barley, qui, en malt, permettent d’avoir des notes chocolatées ou de café, dans cette même famille aromatique. C’est un whisky que l’on faisait il y a quelques années, au caractère très authentique.

A côté de ça, il y a Ardbeg, avec trois références. Ardeg Ten, Ardbeg Uigeadail, qui est le nom de la source qui alimente la distillerie, et Galileo qui célèbre une expérience: l’envoi sur la lune de particules d’Ardbeg en échantillonnage en octobre 2011. L’idée est de voir comment elles évoluent avec une gravité zéro et d’étudier comment se comporte un vieillissement sur la Lune. Ces particules reviennent d’ici un an pour célébrer Galilée.

Quels sont les whiskys que les Britanniques apprécient le plus ? 

RC: C’est très intéressant. En Ecosse, Glenmorangie est le plus reconnu et le plus apprécié. Depuis 25 ans, c’est une marque de qualité. C’est quelque chose de relativement équilibré, très spécifique mais agréable: des fleurs, des fruits, des épices faciles à ressentir. Les produits trop complexes vont décourager les palais amateurs.

Et les whiskys que préfèrent les Français?

RC: La France est la première consommatrice de single malt, c’est à dire de whiskys à base de malt provenant d’une seule distillerie. Les Français sont très fervents de produits typiques et de produits de niche. Normalement, ce sont plus des blends qui se consomment dans la masse. En France, on est le premier marché de single malt, donc on est déjà un peu spécialisés. Si on parle d’Ardbeg, des produits qui viennent des île d’Islay, les Français en raffolent. Même les whiskys japonais ont pris leur savoir-faire en Ecosse, des modèles d’alambic aux méthodes de fabrication. Les Américains, en comparaison, sont plus proches de l’Irlande, dû à ces fameuses histoires d’immigration et à la Grande Famine. Tous les spiritueux ont d’ailleurs souvent des rapports intimes avec l’histoire. Pour le whisky et la Grande-Bretagne, on peut remonter jusqu’à une époque Celtique. C’est vrai que les spiritueux ont souvent été vus comme des remèdes. C’était un bon moyen de les vendre, en négoce, expliquant qu’ils avaient des vertus médicinales. Mais pour le whisky, l’église a toujours gardé le monopole. En France, ce côté médicinal a souvent été mis en valeur pour pouvoir vendre les spiritueux… Et ils ont beaucoup enrichi les religieux et les ordres!

Existe-il un art de déguster le whisky à la Britannique ?

RC: Pas forcément. Il n’y a pas un rituel comme on peut retrouver au Japon avec la cérémonie du thé. En fonction des produits plus ou moins complexes, on va les diluer avec de l’eau. Mais ça c’est en fonction de chacun, de son propre palais, de sa propre expérience gustative. Qui plus est, on n’a pas le même palais à 20 ans qu’à 30 ans. On le voit avec les enfants qui n’aiment pas un ingrédient et vont l’aimer en grandissant. C’est exactement la même chose avec le whisky. Ce n’est pas forcément l’apprécier ou non, c’est plutôt le ressentir.

Quels conseils de dégustation pouvez-vous nous donner ?

RC: Je conseille toujours de boire le whisky à température ambiante, c’est très important. Une température trop basse à tendance à inhiber certaines notes de dégustation dans le palais. Au nez, cela ne va pas changer grand chose mais ça inhibe aussi un petit peu. Aussi, quand on va déguster un produit et qu’on a du mal à en cerner les notes, il faut tester un produit de la même famille, de la même marque ou un produit concurrent qui va permettre de se faire une propre opinion et de découvrir des notes qui n’étaient pas franches. En comparant deux produits, il est beaucoup plus facile de mettre en avant des notes de dégustation. L’avantage du whisky, c’est qu’en fonction de sa provenance, il va avoir des caractéristiques plus ou moins marquées. Si l’on prend le cas d’Ardbeg, on a un caractère très iodé qui se marie avec des poissons, le même côté mer que l’on retrouve dans des whiskys des Islay. Les whiskys des Highlands sont plutôt de très bons whiskys d’apéritif. Et puis en prenant de l’âge, on sera plutôt dans des arts de vivre qui incluent les cigares, et on retrouvera des tons chocolatés dans les whiskys qui rappellent ces cigares. Chacun adapte le whisky au moment qui lui correspond le plus. Le whisky est véritablement une expérience.

Visuels: (c) Louise Barillec et Aurore Lucas

L’alcool est dangereux pour la santé. A consommer avec modération.