Le coup de coeur de la semaine: Graindorge

Classé Pays d’Art et d’Histoire, le Pays d’Auge peut se vanter d’avoir un beau terroir. Berceau d’un patrimoine fromager aujourd’hui reconnu à l’international, le pays d’Auge a vu naître le camembert, le livarot ou encore le Neufchâtel. Respectueuse elle aussi des traditions et de la culture culinaire française, la fromagerie centenaire Graindorge est notre coup de coeur de la semaine…

De grandes étendues d’herbe bien verte, un climat tempéré et humide, une diversité géologique, des vaches laitières investies dans leur devoir, une tradition des métiers du fromage développée au fil des siècles: bienvenue en Normandie, la plus importante des régions fromagères de France.

Même si les fromages sont produits sur la presque totalité du territoire, deux régions dominent dans la production fromagère: le pays de Bray et le pays d’Auge. Ce dernier est le berceau des fameux fromages normands AOC, le camembert, le livarot ou encore le Pont-l’Évêque, fromages originaires des villages et villes éponymes. Il est également le berceau de la fromagerie Graindorge, fondée par Eugène Graindorge, en 1910.

Fermier et fromager, Eugène Graindorge, à l’époque, transforme le lait de ses vaches en Livarots et les vend aux affineurs. En 1920, il devient lui-même maître affineur et achète des fromages qu’il affine dans sa propre ferme. La passion du fromage se transmet de père en fils et en 1958, Bernard Graindorge transforme l’atelier en fromagerie artisanale. Il développe la production en collectant le lait dans les fermes alentour et fait découvrir le livarot à travers la France. Modernisation oblige, Thierry Graindorge engage la fromagerie dans un programme de développement des normes et des gammes: Pont-L’Evêque, Camembert de Normandie et Neufchâtel font désormais partie du plateau des fromages AOC E aux côtés du Livarot.

La fromagerie ne perd cependant pas son esprit d’origine et ouvre ses portes au public en 2004. Le visiteur peut désormais voir et comprendre les différentes étapes de fabrication des fromages normands et découvrir les ateliers de Graindorge.

Mais comment se fabriquent exactement ces fromages ? Tout d’abord, il faut la matière première: le lait cru, ni pasteurisé ni thermisé. Celui-ci est collecté chaque jour chez 160 producteurs du Pays d’Auge, puis contrôlé dès son arrivée. Seuls les laits sains entrent dans la fabrication des fromages. Naturellement riche en matière grasse, le lait est légèrement écrémé. Les levures ou la présure, qui permettent de transformer le lait en caillé, sont cultivées dans la fromagerie à partir d’ingrédients naturels issus également du terroir. Pour ce qui est des recettes, elle se transmettent depuis trois générations de fromagers….

Les Camemberts sont moulés à la louche et à la main. Comme autrefois, le fromager remplit délicatement chaque moules en sept couches de caillé successives, ce qui donne l’onctuosité au fromage.

Le Neufchâtel, fromage en forme de cœur, est le cousin du Camembert. Plus crémeux, plus frais, son goût est délicatement lacté et sa forme est connue en Normandie depuis le VI e siècle !

Le Livarot, plus ancien AOC fromage de Normandie, est entouré manuellement de cinq «laîches» en roseau naturel. Autrefois ces roseaux poussaient au bord des mares mais ils sont aujourd’hui cultivés à la ferme. Cette particularité vaut à ce fromage le surnom de «colonel» aux cinq galons.

Finalement le Pont l’Evêque, fromage carré tout en rondeurs et en caractère, à la pâte souple et blonde, est le plus ancien des fromages du Pays d’Auge.

Ces quatre fromages produits par Graindorge sont des Appellations d’Origine Contrôlée de Normandie. Comme toutes les AOC, elles sont associées à un territoire précisément défini, à une matière première spécifique et à un savoir-faire particulier. On ne peut pas fabriquer d’AOC ailleurs que sur la zone définie.

Mais comment peut-on parler de la belle aventure des fromages normands sans parler des productrices de la matières première : les vaches ? De race normande, elles produisent le meilleur lait, riche en protéines et matière grasse, idéal pour la fabrication des fromages. Les vaches normandes sont blanches tachetées de brun et portent souvent des « lunettes » caractéristiques, cercles sombres autours des yeux. Leurs cornes sont coupées pour ne pas qu’elles se blessent. Elles vivent à l’herbage la moitié de l’année et à l’étable tout l’hiver et ne se nourrissent que d’herbe et de fourrage enrichis de quelques compléments alimentaires naturels, et se rendent deux fois par jour à la traite. Animal emblématique de la Normandie, la vache normande est la seule race inscrite dans le cahier des charges pour la production de Camembert de Normandie, du Pont-L’évêque, du Livarot et du Neufchâtel.

La famille Graindorge élève ses propres vaches pour la production de ses fromages et en prend soin depuis 1910. Fier de ses bêtes, Thierry Graindorge, l’un des plus fervents défenseurs de ses vaches auprès des éleveurs, des consommateurs et des institutions fromagères, propose même, à travers son Club des Amateurs de Fromages Normands, de parrainer l’une d’entre elles!

Les parrains ou marraines reçoivent un certificat de parrainage officiel ainsi que le journal du club qui regroupe des informations sur la Normandie et ses fromages, et propose même des recettes. Ils reçoivent également le droit de rendre visite à Eglantine, Duchesse, Citronelle, Banquise, Bicyclette et Bêtise, parmi les 88 copines !

Le terroir français a plus d’un délice dans ses régions…

Visuels: (c) Graindorge