Philippe Grandpré : « Le souffleur de verre est un artiste. »

La « Cristallerie Royale de Champagne » n’a jamais éteint ses fours depuis le XVIIème siècle. Elle est aujourd’hui l’une des plus anciennes manufactures françaises de cristal soufflé et l’héritière d’un savoir-faire parmi les plus riches et raffinés où la main de l’homme est souveraine. Philippe Grandpré, souffleur de verre et l’un des doyens de la Cristallerie Royale de Champagne nous présente son métier et le matériau qu’il travaille depuis plus de 40 ans…

Quelles sont les étapes dans la fabrication d’un verre?

Philippe Grandpré: Commençons par le début. Pour fabriquer un verre, il faut déjà avoir de la matière. La matière première du cristal, c’est le sable. On y ajoute de l’oxyde de plomb, caractéristique du cristal, et des fondants (ndlr. un produit permettant d’abaisser la température de fusion d’un ou plusieurs éléments ou composés chimiques), comme la soude et la potasse, car le sable ne fond qu’à 1800°C. On enfourne toute la matière première dans des creusets en terre réfractaire (ndlr. matériau ayant une bonne résistance à la chaleur, c’est-à-dire aux effets induits par les hautes températures, par des corps ayant un point de fusion élevé). Une fois que le groisil, le mélange de verre, est enfourné, des grosses bulles gazeuses vont se former et entraîner de petites bulles gazeuses qui vont éliminer tous les défauts que l’on pourrait avoir dans le verre. A cette étape-là, le four est chauffé aux alentours des 1500°C pour avoir une température de verre de travail entre 1150°C et 1200°C. Seulement, on ne peut travailler la matière que le lendemain matin de l’enfournage, car il faut qu’elle passe au moins 14 ou 15 heures en fusion. Il ne faut pas que le cristal fonde trop vite, il faut qu’il mijote ! C’est un peu comme une cuisson d’une viande ; plus ça mijote, mieux c’est.

Une fois que la matière et les outils sont prêts, le verrier va prélever la quantité de verre voulue. Vous savez, on fabrique plusieurs verres différents à la fois. On peut passer d’un verre qui pèse 50 grammes à un verre qui pèse 800 grammes, ou même 1 kilo. La fabrication n’est jamais exactement la même. Tout dépend si l’on veut des verres taillés, des verres à jambes étirées, à jambes emportées ou à jambes et pieds pressés. Il y a plusieurs solutions de fabrication. Il n’y a pas une seule règle pour la fabrication de verres en cristal, on ne peut pas dire que l’on fabrique un verre de telle ou elle manière.

On va prendre la fabrication d’un verre tout simple, celui à jambe étirée. A l’aide d’une canne creuse, on va « marbrer », c’est-à-dire homogénéiser le verre lui-même, on va lui donner une préforme à l’aide d’une « mailloche ». On va ensuite le souffler et le mettre au moule. Il faut déjà préformer le verre avant de le mettre au moule, pour qu’il ait pratiquement la même forme que le moule. Le moule permet d’obtenir des finitions parfaites pour que tous les verres soient identiques. Si les verres sont faits à la main, sans moules, ils ne vont pas tous être identiques.

(c) Cristallerie Royale de Champagne

Comment se déroule le « soufflage » d’un verre ?

GP: Quand vous faites un prélèvement de la matière, vous commencez par préparer à lui donner la forme avec la canne. La canne, qui fait environ 1m20 de long est chaude sur trente centimètres. L’air se réchauffe au contact de la canne à l’intérieur, il va se dilater et ça va percer le verre tout seul. Vous soufflez, vous bouchez l’extrémité de la canne avec le pouce, l’air se dilate et ça s’ouvre. Il faut souffler et tourner en même temps que le verre tourne dans le moule pour ne pas avoir de marques et d’aspérités dans le verre. Si vous soufflez trop fort, vous avez les moules qui marquent les verres. Il faut souffler tout en douceur.

(c) Cristallerie Royale de Champagne

Combien de temps cela prend-il pour fabriquer un verre ?

GP: Il y a d’abord la fabrication du verre, comme on vient de le voir. Ensuite, le verre passe dans une arche de re-cuisson pour libérer les tensions. Cela va durer deux heures et demi pour un verre à vin mais la durée peut varier selon l’épaisseur du verre. Il y a ensuite les étapes de coupage et de rebrûlage des bords, pour avoir un bord arrondi qui ne soit pas trop coupant puis il y a un tri. S’il y a de la taille, le verre sera taillé puis poli à l’acide. Ensuite vient l’empaquetage et la mise en magasin. Le processus entier prend quelques jours et sur un verre on travaille en général à quatre ou cinq personnes. Si vous voulez faire du haut de gamme, il faut faire le choix du haut de gamme. Le travail devra être nickel.

(c) Cristallerie Royale de Champagne

Chaque pièce est-elle unique ?

GP: Non, les verres que nous faisons sont tous identiques. On mesure les hauteurs et les diamètres des pieds pour qu’il n’y ait pas plus de 2mm de différence au niveau du pied et moins d’1 mm de différence au niveau de la hauteur. Si vous avez six verres sur la table, il faut que les six verres soient les mêmes ! Il ne faut pas qu’ils aient de hauteurs ou des grosseurs différentes. Vous savez, sur une table, une jambe qui a deux millimètres de plus que l’autre ça se voit. C’est pour cela qu’au niveau de l’empaquetage, on essaie toujours de rassembler les mêmes dans les boîtes. Il faut rechercher la perfection tout le temps.

(c) Cristallerie Royale de Champagne

Le cristal permet-il de créer une infinité d’objets?

GP: Oui, on peut fabriquer de tout ! Des verres, des carafes, de la moulure, des pièces en plusieurs couleurs. On peut créer une infinité d’objets avec le cristal. Nous, à l’usine, il faut que les formes soient répétitives et réalisables. Dès fois, certaines personnes vous demandent de faire des choses qui sont irréalisables. Par exemple, nous demander de faire des formes un petit peu farfelues qu’on ne peut démouler. Si on n’utilise pas de moules, on ne peut pas reproduire les formes à l’identique. Ou alors il faut les faire en pâte de verre ou en plâtre perdu : il faut mettre un pot de fleurs au-dessus du récipient en plâtre et mettre du groisil (ndlr. morceaux de verre ou de cristal broyés) à l’intérieur. Il est possible d’y mettre toutes les couleurs que l’on veut. Ensuite, le récipient est mis dans un four qui va monter progressivement de 15°C jusqu’à 800°C. La chaleur va fondre le verre, le verre va couler à travers le pot de fleurs et remplir le moule de plâtre. Là, avec cette technique, vous pouvez lui donner n’importe quelle forme farfelue au cristal. Mais ça n’a rien à voir avec le soufflage de verre. En cristal, pratiquement tout est réalisable mais pas forcément chez nous.

(c) Cristallerie Royale de Champagne

Le cristal se détériore-il avec le temps ?

GP: Non, le cristal est un matériau qui ne bouge pas du tout. S’il passe au lave-vaisselle, il va blanchir un peu, c’est normal. Ceci dit, les lave-vaisselle sont maintenant plus adaptés au nettoyage du cristal. Le verre en cristal se raye, se casse, il vit bien-sûre, mais il ne bouge pas. C’est un objet que l’on peut garder toute sa vie et qui se transmet de générations en générations.


(c) Cristallerie Royale de Champagne

Un souffleur de verre est-il un artiste ?

GP: Déjà, pour apprendre le métier, pour être un bon souffleur de verre, il faut au moins huit ans. Il faut du temps. Pour faire un verre à taille côte plate, par exemple, il faut mettre le verre sur une certaine hauteur. Quand le tailleur va tailler le verre, il faut que l’épaisseur du verre soit suffisante, sinon il va le percer. Il faut toute une préparation et un savoir-faire pour que le verre soit mis à une certaine hauteur, et avoir un bord de verre assez mince. Si vous le bord est épais partout, le verre ressemblera plus à un gobelet. Il faut au moins 8 ans pour savoir maîtriser tout ça. Il faut aussi soigneusement choisir ses outils. Donc oui, le souffleur est un artiste.

Visuels: (c) Cristallerie Royale de Champagne

Le cristal : un artisanat à l’état pur

«Le style est comme le cristal, sa pureté fait son éclat » écrivait Victor Hugo dans son ouvrage Odes et Balades. Encore aujourd’hui, le cristal symbolise la beauté, la délicatesse et un savoir-faire plusieurs fois centenaire. A l’occasion de la journée mondiale de l’art, focus sur le cristal, un artisanat à part entière …

Vaisselle, plats, bijoux, sculptures ou encore objets décoratifs, le verre est omniprésent dans toutes les cultures du monde. Façonnable à souhait, recyclable et simple d’utilisation, le verre est un matériau qui date de la Préhistoire; à l’époque, l’obsidienne, un verre volcanique naturel, était taillé et utilisé pour les armes ou les bijoux. La découverte du verre aurait ensuite été accidentelle: des marchands, s’arrêtant au bord d’un fleuve pour se reposer et se restaurer, auraient fait chauffer une marmite sur le sable. La chaleur était telle que le sable aurait fondu, créant pour la première fois du verre.

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Les verreries se multiplient à l’époque Gallo-Romaine. A ce moment-là, l’implantation des verreries était étroitement liée à la réunion géographique de matières premières indispensables à la fabrication du verre : du bois pour les fours, du sable, de l’eau. Les verriers se déplaçaient d’ailleurs en fonction des approvisionnements, construisant des ateliers provisoires à proximité de parcelles de forêt. Ces verreries étaient souvent communes à plusieurs familles qui partageaient le même four mais rarement leurs secrets de fabrication…

Comme de nombreuses découvertes et innovations, le cristal est découvert en Angleterre en 1627, par hasard. L’Amirauté britannique, pour assurer la production des mâts des navires dont elle avait besoin, avait décidé d’interdire l’utilisation du bois de la Royal Navy comme combustible. Les verriers, eux, décident de se tourner vers d’autres sources d’énergie, se déplacent des forêts vers les bassins miniers et substituent le charbon au bois pour chauffer leurs fours. Fondant le verre dans des pots réfractaires ouverts (ndlr. pots dont le matériau a une forte résistance à la chaleur), les verriers constatent qu’une interaction se produit entre la composition et la fusion, du fait de l’oxyde de carbone, et donne au verre une coloration brunâtre. Pour remédier à ce grave inconvénient, les verriers décident de travailler avec des fours couverts. George Ravenscroft, marchand anglais spécialisé dans l’import-export et le commerce de verre, décide d’ajouter une proportion importante d’oxyde de plomb à la composition. Cet oxyde métallique abaisse fortement le point de fusion et la température de travail du verre, augmente sa période de malléabilité, favorise la taille et le polissage à froid et stabilise sa composition. Grâce à l’ajout de l’oxyde de plomb, le nouveau verre obtenu possède également un éclat, une brillance, une luminosité et une sonorité exceptionnels et inédits: le cristal est né.

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Depuis 1969, l’appellation «cristal» est protégée en Europe et dans de nombreux pays par des normes très strictes qui ont pour objectif de garantir l’authenticité et la qualité de l’article. Pour s’appeler «cristal», le verre doit répondre à différents critères portant sur la concentration d’oxydes métalliques (notamment l’oxyde de plomb PbO), la densité et l’indice de réfraction. En deçà de ces mesures, il convient de parler de «verre sonore» ou «cristallin».

Aujourd’hui, la fabrication du cristal se déroule selon les techniques d’origine. Le mélange de sable (silice), de carbonate de potassium et d’oxyde de plomb est porté à une température de 1450°C. Le bain en fusion est ensuite «mûri» pendant plusieurs douzaines d’heures pour que toutes les bulles de décomposition du carbonate, qui contribuent à rendre le mélange homogène, s’éliminent. Le mélange est ensuite prêt à être travaillé par les cueilleurs, les souffleurs et les tailleurs dans les règles de l’art et du savoir-faire de la cristallerie haut de gamme.

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Il existe trois techniques différentes dans le travail du cristal : la taille, le matage et la gravure.

La taille, tout d’abord – en diamant, en biseau,… – offre des possibilités multiples grâce à divers types de meules, chacune correspondant à une forme d’entaille. Le cristal est finement incisé, sillonné et creusé sur différentes épaisseurs. À cette étape de l’ornement, l’article est dit «taillé mat». Pour obtenir une « taille lisse », c’est-à-dire un rendu brillant, le cristal est à nouveau poli. L’immersion dans un bain d’acide ou le polissage mécanique lui redonnent tout son éclat.

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Pour opacifier le cristal, le maître cristallier a recours au matage, également appelé « satinage ». Ce traitement par dépolissage consiste à enlever l’aspect lisse et brillant du cristal sur une ou plusieurs parties, les autres étant protégées par un cache pour rester claires et transparentes. Le cristal est ensuite lustré par attaque chimique ou par sablage puis nettoyé par brossage.

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La gravure est la dernière technique qui permet une décoration du cristal. Le motif – monogramme ou arabesque – est alors obtenu par «attaque» du cristal, soit par un acide, soit par un laser. Dans le premier cas, l’article est plongé dans un bain d’acide. Le décor est creusé sur le cristal par la morsure du liquide tandis que les parties dites « en réserve », préalablement protégées, demeurent intactes. Dans le second, les ornements sont dessinés au laser, donc brûlés, marqués avec précision par un faisceau lumineux très fin mais de forte intensité, au travers d’une lentille.

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Aujourd’hui, le cristal se décline en de nombreuses formes : statues, objets d’art ou décoratifs,  bijoux, luminaires, verrerie haut de gamme. Deux illustres maisons françaises de cristal rayonnent d’ailleurs à l’échelle internationale grâce à leur savoir-faire et à la qualité haut de gamme de leurs créations : la maison Baccarat, fondée en 1764 et la maison Daum, fondée en 1878.

La fabrique Daum modernise en 1968 l’antique technique de la pâte de verre et met au point l’une des spécificités contemporaines de la cristallerie, la pâte de cristal. Daum est d’ailleurs aujourd’hui le seul cristallier au monde à maîtriser cette technique. A partir d’une esquisse, le sculpteur réalise un modèle en terre cuite. Un moule en élastomère est ensuite confectionné en négatif par dessus le modèle et vient épouser tous les détails de la sculpture. Ce moule est rempli de cire liquide chaude puis refroidie afin d’obtenir un objet identique au modèle original.  L’objet en cire est moulé dans du plâtre réfractaire, qui constitue un moule en négatif de l’objet, et l’ensemble est placé dans une étuve. Sous l’effet de la chaleur, la cire fond et s’évacue. Le plâtre est alors rempli de groisil, des fragments de cristal de diverses formes et couleurs.  L’ensemble est placé dans un four à 900° pendant une durée de 10 à 20 jours, selon la taille de l’objet. Le groisil fond sous l’effet de la chaleur et génère les nuances de couleurs. A la sortie du four, la sculpture brute en pâte de cristal est délicatement libérée de son moule et le moule est brisé pour empêcher les reproductions. Après l’ajout de finitions (marque, n° de tirage pour les séries limitées, signature de l’artiste…), l’objet d’art est prêt à être exposé.

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Le cristal est un matériau dont les nombreux créateurs et designers ne se lassent jamais pour leurs créations : Swarovski créé des bijoux et des accessoires de mode; Lalique innove en objets décoratifs pour la maison; le Cristal d’Arques propose des collections d’art de la table intemporels… Des perles de cristal se sont même posées sur les lèvres des mannequins au défilé Printemps-Eté 2013 de la maison de haute-couture Christian Dior !

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Ancien voire vintage, luxueux, malléable à souhait, le cristal a encore de brillants jours devant lui…

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Maison et Objet, un salon bien « Vivant »

Charme à la française, luxe à l’italienne, épuré à la scandinave, opulence à l’orientale… Tous les styles, les tendances et les ambiances se retrouvent au Salon professionnel Maison & Objet. Reportage au cœur de la création « Made in Home ».

Rendez-vous incontournable des professionnels de la mode de la maison, de la décoration intérieure et de l’art de vivre, le salon Maison & Objet à Paris Nord Villepinte rassemble à chaque édition plus de 3100 exposants, fabricants de meubles, architectes, créateurs et artisans de 137 pays différents et attire près de 87 000 visiteurs. Lieu de présentation des dernières nouveautés et tendances, le salon Maison & Objet est également un lieu de création et d’innovation en matière de design et de décoration haut de gamme.

Le salon explore, dans ses collections printemps-été et automne-hiver, tous les secteurs de la maison dont le luxe, le design, l’architecture d’intérieur et les accessoires de maison, et présente les dernières tendances en matière d’ameublement, de décoration intérieure, d’arts plastiques, d’accessoires de mode et de maison, d’arts de la table, de linge de maison et de solutions d’aménagement.

A la recherche d’un mode de vie plus harmonieux, ancré dans le réel, en opposition avec notre monde de plus en plus dématérialisé et virtuel, le salon a cette année pour thème, le «Vivant». L’art de vivre aspire au mieux-vivre, la création se fait désormais « bio-inspirée », les matériaux sont organiques et épurés, la nature reprend le dessus dans l’univers de la maison qui devient à son tour un véritable organisme vivant et mouvant.

Nous débutons notre visite de cette édition 2013 du salon Maison & Objet avec le « Parcours d’Inspirations », trois expositions qui permettent aux visiteurs de (re)découvrir le thème du vivant et de la nature.

La première, « Nourritures Premières », est consacrée aux aliments primaires : pain, lait, miel, légumes et viande. Ces nourritures originelles deviennent alors l’inspiration des créateurs et prennent une forme autre entre leurs mains. Ainsi, le pain se métamorphose en assiettes et couverts, le sel devient abat-jour, le lait se fige en photographie.

Deuxième exposition, « Renaiscience », ode à la nature passée au microscope, sorte de laboratoire de l’étrange, entre métamorphose et renaissance. Tubes à essais transformés en photophores, trombones devenus chandeliers, chaises inspirées d’assemblages moléculaires, les installations éphémères de « Renaiscience » secouent la routine et donnent aux objets des formes et fonctions belles et bizarres, explorant les confins de la création.

« Pionnier » est la dernière exposition et reconsidère les modes de vie et les comportements à travers des objets plus durables. « Pionnier » incarne une énergie physique, où chacun ressent le besoin de se connecter au vivant, où les objets se recyclent et se réparent, où les frontières entre neuf et ancien se floutent, où la proximité se substitue à la grande échelle et où la simplicité de l’échange règne en maître.

C’est en emportant la réflexion sur le « Vivant » que nous nous enfonçons dans le dédale d’allées du Parc des Expositions de Paris Nord Villepinte, direction l’espace Ethnic Chic, tour du monde de l’artisanat. Travail des matières nobles, comme le bois, le cuir, les peaux et les fourrures, accessoires faits à la main, tables et chaises en fer recyclé de bidons, toute la « World Déco » est rassemblée en un espace. Le savoir-faire mondial s’expose fièrement, qu’il soit concrétisé par des portes décorées de Chine, des meubles importés d’Inde, des casques de Samouraï, des bijoux du Brésil faits en « Golden Grass », des tissages et accessoires Singapouriens d’Artisans, des vêtements du Népal ou par des mètres carrés de tapis turcs recyclés.

Ethnic Chic c’est également un voyage sensoriel et temporel. Sensoriel, car chacun des cinq sens est sollicité pour découvrir et véritablement apprécier chacune des pièces présentes au salon : le travail du cuivre et de diffusion de la lumière dans les créations d’Hollander, l’utilisation novatrice et urbaine des appliques en acier de Marie Baratte, les services à thé dessinés et faits à la main.

Temporel, car l’Ethnic Chic laisse une place de choix aux intérieurs d’inspiration coloniale, aux sacs à mains, accessoires et bijoux estampillés « L’Indochineur », à l’art de Via Pondichery, aux fleurs en tissu d’Adornment ou aux créations géantes de Aangenaam XXL.

Ce sont les textiles en tous genres qui prennent le relai sur l’Ethnic Chic. Les plus grandes maisons sont d’ailleurs réunies pour l’occasion et exposent avec passion leurs produits emblématiques : l’opulence animalière de Roberto Cavalli, les rayures signature de Sonia Rykiel, l’art du tissage de Kenzo, le savoir-faire de Quagliotti.

Ici se trouvent tous les représentants du « Bed, Bath and Fashion », des peignoirs en soie au linge de maison en coton égyptien, des serviettes colorées pour les enfants aux coussins décoratifs pour l’intérieur, du tweed classique anglais au luxe à l’italienne.

Direction ensuite les arts de la table où les Italiens Guzzi, Alessi et Bugatti côtoient les classiques de Laguiole, Revol ou Mauviel.

Les ateliers de découverte et de dégustation se succèdent : les arômes naturels, huiles, sirops et confitures de Crazy O prennent vie, la fourchette Handy© anti-roulis fait son show, les lunch-box Bento en convainquent plus d’un et le porte-couteau « Fakir » ne laisse aucun cuisinier insensible. Ici, la création s’exprime librement, les inventions en tous genres se perdent dans l’immensité du choix et tous les objets, qu’ils soient fonctionnels ou décoratifs, deviennent des objets d’art culinaire.

Après une courte pause et une baguette sur le pouce, c’est vers la décoration intérieure que nous mènent nos pas. Le savoir-faire de chaque artisan se traduit dans les luminaires, les accessoires, les meubles et les décorations de table.

Quelques rencontres se font insolites, comme les tables de jeux en cuir de crocodile ou les « Objets de Curiosité », instants de nature capturés et mis sous verre.

 

S’en suivent les accessoires de maison en tous genres, de la nouvelle ligne cosmétique de Durance à l’huile d’olive bio, aux décorations florales de la collection Samion, sans oublier les parfums d’intérieur des plus grandes maisons, telles que Christian Lacroix.

C’est sur un feu d’artifice de luxe et de beauté que se termine la visite de cette édition 2013 de Maison & Objet. Daniel Echter, Kenzo Maison, Ralph Lauren, Armani Home, le Thé Mariage Frères, Rina Menardi, le verre de Murano, le Crystal Baccarat et Haviland-Daum, entre autres, se servent, à perfection, de la décoration intérieure comme prétexte à la création et à l’innovation.

Même si à Maison & Objet chacun apporte sa touche d’innovation, de création et d’originalité, tous semblent avoir usé du fil rouge du salon pour explorer à leur tour cette idée du « Vivant ». La tendance cette année est véritablement une ode à la nature.

Les matières recyclées, les matières « vivantes », comme le bois, la laine et le cuir font un retour prononcé. La tendance est également à l’association du beau et de l’utile et à la revalorisation d’objets anciens, également présente dans la mode du vintage, ces objets devenant des phœnix de l’art de vivre, renaissant continuellement de leurs cendres.

Après l’apocalypse en 2012, serait-ce donc la (re)naissance de l’art de vivre en 2013 ?

Visuels : © RDV Communication

Vincent Rozenberg: « Grâce aux décorations florales, les tables peuvent se décliner à l’infini »

250 000: c’est le nombre d’espèces végétales qui produisent des fleurs. Les fleurs ont également leurs codes, leur langage et sont souvent porteuses de messages. René Veyrat Event, nouvelle entité du célèbre fleuriste René Veyrat, explore cette richesse florale en proposant des décorations personnalisées haut de gamme aux entreprises, aux hôtels, aux commerçants et aux particuliers.

Pour les Rendez-vous des Arts Culinaires, René Veyrat Event a décliné chaque pays mis à l’honneur en fleurs, créant une véritable harmonie entre le nappage, les décorations florales et la vaisselle. Entretien avec Vincent Rozenberg, l’artiste fleuriste de l’évènement.

Quelles ont été vos diverses inspirations pour chaque table du Rendez-vous des Arts Culinaires?

Commençons par le Japon. Pourquoi être partis sur les orchidées? Car ces fleurs ont une connotation très japonisante, asiatique. On a choisi ces vases aussi parce qu’ils étaient incurvés, donnant un côté vraiment très élancé à la composition, et puis on les a imbriqués les uns dans les autres. Le noir des vases n’était pas forcément voulu mais il s’est finalement bien mélangé avec les assiettes, qui avaient un petit côté écaille.

On a également rapporté un fil métallique or et brun pour rechercher le côté écaille avec le marron et le liseré or des assiettes. Après on a rajouté des baguettes pour créer cet effet de mikado et renforcer ce côté asiatique. On voulait un ensemble de base qui soit cohérent et qui soit tout en superpositions. On a donc joué sur les hauteurs et le relief sur la table.

Pour l’Angleterre, c’était beaucoup plus facile car les assiettes étaient déjà très fleuries. J’imaginais une « Lady » anglaise, comme l’une de mes clientes, avec une table où tout un tas de petits objets lui donnent un caractère romantique. La rose anglaise a été choisie pour renforcer cette ambiance romantico-anglaise, très caractérisée par ce type de table. Nous avons sélectionné différents types de roses qui s’accordaient bien pour renforcer ce côté fleuri. Si on n’avait pris qu’une seule variété de fleurs, ça aurait été un peu plus fade, surtout que les assiettes étaient très fleuries.

On a joué avec des bonbonnières en verre et en partenariat avec Haviland, nous avons eu des verres Royal de Champagne de différentes tailles pour vraiment avoir l’impression d’une table de grand-mère faite de plein de choses, d’éléments qui sont amassés, qui font partie de la vaisselle de la maison et qui sont placés sur la table.

Pour ce qui est de l’Espagne, on est partis sur un fil conducteur avec la nappe ocre et orangée de Quagliotti: le côté méditerranéen représenté par le piment. On est partis sur des physalis, car ils donnent cet aspect piment mais plus relevé en terme de couleur, et sur les piments, qui sont orangés et étaient assortis à la nappe.

On a également choisi des branches qui vont graviter autour de ces compositions, pour que là aussi il y ait une liaison avec les plats de risotto à couvercle d’Haviland. Ces plats m’ont inspiré pour faire une corolle de piments, tantôt le pointu du piment sorti, tantôt la tige du piment qui ressort. Il y a également une variété d’orchidée, le gloriosa, une fleur assez volatile, légère, volubile, qui tourne autour des branchages et autour des plats. On est dans quelque chose d’un petit peu plus contemporain, très différent des deux premiers jours. Le but du jeu c’est qu’on ait des ambiances qui soient diverses, afin de montrer qu’une table se décline à l’infini.

Sur l’Italie, nous sommes partis sur un fil conducteur précis: l’olivier. Dans les grands vases, on avait de grands branchages d’olivier, c’était très simple. On voulait de la couleur et on est partis sur une variété d’orchidées jaunes miniatures, sur quelque chose d’assez fluide.

J’avais pensé faire comme un feuilleté, avec des fleurs qui vont sortir de manière très légère. L’olivier étant gris et argent, avec les fleurs jaunes on est allés rechercher la nappe, également jaune. La vaisselle était moins marquée sur cette table, il était donc plus facile de relever et de rajouter du tempérament par les fleurs.

Avec la dernière table, la France, et plus précisément la Bretagne, c’était une évidence qu’il fallait utiliser des hortensias. On est partis sans contenant, pour dérouter un petit peu. On n’avait que des boules d’hortensias de différentes tailles, qui sont directement posées sur la table.

On est allés rechercher le thème des assiettes aux teintes de bleu et de parme, avec des nuances de fleurs bleues, bleu étain et vert. A travers cette dernière table, on a vraiment essayé d’incarner la Bretagne.

Comment avez-vous pensé chaque ambiance?

Nous avons eu des rendez-vous au préalable avec Haviland et Quagliotti. On était donc au courant des nappages et de la vaisselle, et on a essayé de surfer avec tous ces éléments. Pour certaines tables, les fils conducteurs partaient plus les assiettes; pour d’autres, c’était la nappe qui a donné le ton de couleurs. Mais en fait, tout est imbriqué, l’un ne va pas sans l’autre. Même dans le travail de recherche, nous avons été intimement liés avec Haviland et Quagliotti. Ils m’ont à chaque fois demandé mon avis par rapport aux assiettes et aux nappes, pour que nous puissions véritablement construire une harmonie entre chacun des éléments d’art de la table.

Visuels: (c) Yada Photographies