Paul Vitart : « Pour avoir du goût, les légumes ont besoin de souffrir ! »

Le Jardin du Boréal est le nom bucolique de l’exploitation de Paul Vitart, dans l’île de Ré. Fruits, légumes et même fleurs de saison sont cultivés avec amour par ce passionné des bonnes choses, en agriculture raisonnée. Entretien avec le maître des lieux, pour parler opposition au bio, produits régionaux et qualité de goût…

Quel est votre métier ?

Paul Vitart : Je suis maraîcher sur l’île de Ré, en culture raisonnée et pas bio. Je suis d’ailleurs contre le bio, et même virulent contre le bio ! Je fais de la culture sur sable et j’utilise le varech, des algues, comme engrais ce qui permet la culture de produits assez exceptionnels. Je fais toutes sortes de fruits, légumes et fleurs.

(c) Paul Vitart

Pourquoi êtes vous si opposé au bio ?

PV : Nous sommes victimes d’un bio-marketing qui est odieux. Tout devient bio sur l’île de Ré, ou du moins essaie, ce qui est ridicule ! Nous sommes sur une île qui est à 90% recouverte de vignes qui sont traitées, et donc pas bio. C’est complètement illusoire de vouloir faire du bio sur l’île de Ré. Je pense que ce qui fait la qualité des produits, c’est la taille de la structure. Je ne pense pas qu’on puisse bien faire en faisant des grandes ou moyennes cultures. Le bio de supermarché est aujourd’hui complètement illusoire. Ce « bio » qui vient d’Egypte et de partout, ça me révolte ! On a même aujourd’hui sur l’île de Ré des huîtres bio… Faut le faire ! Le problème ce sont les organismes de contrôle qui sont payés au prorata des ventes. C’est honteux qu’ils acceptent ce genre de choses.

(c) Paul Vitart

Opposé au bio, vous pratiquez l’agriculture raisonnée. Qu’est-ce exactement ?

PV : L’agriculture raisonnée, cela signifie que l’on n’est pas obligé de systématiquement traiter. En revanche, quand il faut traiter les plants, on traite. Aujourd’hui, il y a des normes dans les produits, produits qui sont beaucoup plus ciblés et efficaces. Cela nous permet de traiter un minimum, s’il y a vraiment un problème, mais avec des incidences moindres sur la faune. Je fais également de la lutte intégrée, c’est-à-dire qu’il y a des insectes que j’arrive à éradiquer en mettant dans les cultures d’autres insectes qui les dévorent. La taille du terrain est assez petite pour que l’on puisse faire le tour tous les jours. Dès qu’il y a un petit problème, on agit localement. Je pense que la taille de l’entreprise fait tout.

(c) Paul Vitart

Quels produits cultivez-vous ?

PV : J’ai quatre hectares en tout. Je suis obligé de faire des rotations pour ne pas épuiser les terrains. Il y a en permanence deux hectares utilisés, ce qui est très peu et beaucoup à la fois. J’ai une soixantaine de fruits et légumes différents. Je fais également de la fleur décorative. De plus, chaque année je fais des essais, que je ne réitère par forcément, mais je teste. J’ai déjà testé la feuille d’huître, et je commence à voir pour mettre la patate douce.

(c) Paul Vitart

Quels légumes typiques de l’île de Ré produisez-vous?

PV : Je faisais de l’asperge à un moment, mais c’était un peu difficile. Sinon, je fais de la pomme de terre de sable, la culture la plus réputée de l’île de Ré, même si ce n’est pas mon produit phare.

Vos clients reviennent donc chez vous pour votre démarche éthique et la qualité de vos produits?

PV : C’est sûr qu’il y a un gage de confiance. Les gens peuvent venir directement sur la production et voir ce qu’ils consomment. Les clients attendent surtout du goût. En ne faisant pas de l’intensif et en travaillant sur le sable, qui est le support le plus pauvre qui soit, les légumes ont un goût incomparable. En effet, pour avoir du goût les légumes ont besoin de souffrir. On a de très bonnes tomates, de très bonnes pommes de terre. Je suis assez fier du goût de mes produits et j’arrive à fidéliser la clientèle !

Visuels : © Paul Vitart

Le Jardin du Boréal
Les Serres du Boréal
Groupe des Salières
Le Bois-Plage
05 46 49 90 13

Côté Plage : Île de Ré

Cet été, les Rendez-vous des Arts Culinaires font le tour de France des plus belles plages ! De Deauville à l’île de Ré, du Cap Ferret à Saint-Tropez, nous irons chaque semaine à la découverte d’une ville côtière française ! Chaque étape sera l’occasion d’explorer la région, rencontrer les artisans et les grands chefs, déguster les spécialités culinaires et retenir les plus belles adresses… Cette semaine, nous empruntons le pont de l’île de Ré pour aller à la découverte de celle que l’on surnomme « Ré La Blanche »…

« Ré » viendrait du mot latin « ratus », qui signifie fougère, une plante qui aurait recouvert le sol de « La Blanche ». Au Moyen-âge, l’île de Ré est une île de pêcheurs. Large 85 km², l’île était à l’origine constituée de quatre îlots, d’abord reliés naturellement par des alluvions puis par des marais construits par l’homme. Des moines décident de bâtir l’Abbaye des Châteliers, dont les vestiges sont toujours visibles. Ce sont également eux qui plantent les premières vignes et extraient le sel de la mer avant d’en développer le commerce, et qui enseignent leurs méthodes aux rétais.

(c) île de Ré

En 1625, sous le règne de Louis XIII, les protestants s’emparent de l’île. Deux années plus tard, le Cardinal de Richelieu décide d’assiéger La Rochelle, dernière place forte où sont retranchés les Huguenots, soutenus financièrement par le Roi d’Angleterre qui ne voit pas d’un bon œil le développement de la Marine française. Le duc de Buckingham s’installe sur l’Île de Ré, en face de La Rochelle, avec plus de 100 navires et 6 000 hommes. Le siège de l’Île dure de juillet à novembre 1627. Le manque de vivres et d’eau pousse le comte de Toiras, gouverneur de l’Île, à envoyer à la nage trois volontaires rejoindre les troupes royales à La Rochelle pour obtenir leur aide ; un seul seulement y parviendra. 35 petites barques de la flotte française équipées de 1000 hommes réussissent à forcer de nuit le blocus anglais et à ravitailler les soldats à St Martin. Le duc de Buckingham tente un dernier assaut, mais devant la perte de 5 000 soldats, doit reconnaître sa défaite, sonner la retraite et rentrer sans gloire en Angleterre.

(c) île de Ré

Pour protéger l’île des convoitises anglaises, Louis XIV demande à son meilleur ingénieur, Vauban, commissaire général des fortifications du royaume, de construire des fortifications autour de la ville de St Martin. Les enjeux sont multiples : défendre le nouveau port de guerre de Rochefort et le port de commerce de La Rochelle, surveiller la population protestante locale et protéger «l’or blanc», le sel de l’île de Ré. En 1681, Vauban édite l’un des plus grands ensembles défensifs de son époque, une citadelle et ses remparts en étoile. Saint-Martin devient ainsi un fantastique camp retranché devant abriter les 16 000 insulaires en cas de débarquement ennemi. L’enceinte urbaine est par conséquent exceptionnellement vaste : c’est une gigantesque étoile de pierre de plus de 14 km de muraille. Une citadelle, transformée en prison au XIXe siècle, est également érigée au nord-est pour accueillir une garnison de 1 500 hommes. Très préservée, la forteresse de Saint Martin fait d’ailleurs aujourd’hui partie des sites majeurs de Vauban.

(c) île de Ré

A la même époque, Vauban construit également trois redoutes à Rivedoux, à Ars en Ré et aux Portes en Ré. La citadelle de Saint Martin se transforme rapidement en pénitencier, accueillant des prisonniers en partance pour les bagnes de Nouvelle-Calédonie et de Guyane.

L’essor économique de l’île, fondé sur le sel, le vin et la laine, est freiné par la Révolution française. Les hommes valides rejoignent le continent afin d’être recrutés dans l’armée pour défendre la République ; les autres font partie des patrouilles qui protègent l’île, abandonnant travaux agricoles et entretien des marais. Les vignes sont touchées par le phylloxéra et le sel doit faire face à une concurrence étrangère nouvelle. La misère va progressivement apparaître, chassant au milieu du XIXe siècle les familles de notables et de négociants qui émigrent vers le continent.

(c) île de Ré

Aujourd’hui, l’Île de Ré, surnommée « Ré la blanche », en raison de la teinte caractéristique de ses maisons traditionnelles, est une destination prisée. Les touristes aiment à se promener dans les ruelles calcaires, bordées de roses trémières fleuries, découvrir les anciennes bâtisses et apprécient avec bonheur le caractère unique du bord de mer rétais.

(c) île de Ré

L’Île de Ré est également riche d’une gastronomie basée sur le respect du terroir, des éléments et des traditions.

Les huîtres tout d’abord sont incomparables. Elles possèdent un goût délicieux et des propriétés diététiques unanimement reconnues. Chaque année, les ostréiculteurs rétais produisent entre 6 et 8 000 tonnes d’huîtres. Il faut environ trois ans à une huître pour arriver à maturité et son goût évolue selon son environnement, à l’image d’un bon vin. En effet, l’huître aura un goût différent si elle est élevée sur de la roche ou sur du sable.

(c) île de Ré

Le sel, ensuite, est un autre produit typique de l’île de Ré. En effet, l’île compte près de 460 hectares de marais salants. Cet « or blanc » est récolté selon une tradition vieille de plusieurs siècles : l’eau de mer séjourne dans des bassins d’argile de tailles différentes où se produit un processus naturel d’évaporation grâce au soleil et au vent; c’est dans le dernier bassin, appelé aire saunante, que le ramassage des cristaux de sel s’effectue manuellement, entre les mois de juin et septembre. Comme autrefois, le saunier utilise une sorte de large râteau, un simoussi, pour faire des petites pyramides, les coubes, qui laisseront l’eau s’égoutter avant d’être transportées sur un tas de sel plus important, le pilot. Le sel est ensuite trié pour ôter insectes, plumes, herbes et métaux ferreux, avant d’être conditionné en vue de la vente. Les sauniers de l’Île de Ré sont des acteurs clés dans la sauvegarde de l’environnement naturel. Ils participent à la préservation de cette riche biodiversité : ils entretiennent les bassins, les levées d’argile et veillent quotidiennement aux réglages des niveaux d’eau. En dehors des mois d’été, les sauniers consacrent une partie de leur temps à la remise en état des marais : nettoyage, mise à niveau du fond des bassins, créations d’îlots de nidification, entretien de la flore.

(c) île de Ré

Autre produit typique de l’île charentaise: le vin. 650 hectares de vignes produisent 35 à 40 hectolitres de vin par hectare, soit environ 2 millions de bouteilles par an. Cette surface se répartit pour moitié en cépages noirs et blancs-merlot, cabernet franc, cabernet sauvignon, négrette, chardonnay, sauvignon et pour moitié en ugni blanc, cépage spécifique destiné à la fabrication du cognac. Les premiers moines installés sur l’Île ont compris que le terroir favorable avec 7 sols différents et le climat ensoleillé étaient propices au développement de la vigne.

Dernière spécialité de l’île de Ré, la fameuse pomme de terre, qui bénéficie de l’Appellation d’Origine Protégée. Sur 150 hectares, une trentaine de maraîchers cultivent entre 2 000 et 2 500 tonnes. Le premier samedi de mai que maraîchers et restaurateurs s’associent pour célébrer leur arrivée, à l’occasion des Régalades organisées dans l’Île. Les amateurs peuvent la goûter auprès des différents restaurants, qui déploient toute leur imagination et leur créativité pour la cuisiner. Sa chair est sucrée, car elle est cueillie avant maturité et l’amidon n’a pas le temps de se former ; sa peau est salée, car elle est cultivée dans une terre sablonneuse chargée d’air marin.

(c) www.ilederepommedeterre.com (c) www.ilederepommedeterre.com

Destination incontournable, un art de vivre tourné vers le terroir, des bords de mers et plages époustouflants, une grande Histoire, l’île de Ré mérite son surnom de « Blanche »…

Source : © Île de Ré
Visuels : © Île de Ré