Le coup de cœur de la semaine : la Guinness

1 million de pintes en sont vendues chaque jour en Irlande et 5 millions de pintes dans le monde, soit un total de 25 000 hectolitres quotidiennement… De quelle boisson s’agit-il ? De la Guinness, bien évidemment ! Cette bière noire coiffée d’une mousse blanche a fait le tour du monde depuis sa création grâce à sa saveur et son aspect si particuliers. Première boisson alcoolisée vendue en Irlande, la Guinness est aussi le symbole d’un pays qui fête cette semaine la Saint Patrick ; c’est notre coup de cœur de la semaine.

HISTOIRE

La Guinness est née en 1759 à Dublin, en Irlande. Arthur Guinness signe cette année-là un bail de 9 000 ans pour une brasserie désaffectée de St. James’s Gate. En contrepartie, il doit initialement verser £100 puis un loyer annuel de £45 – ce qui inclut les droits d’accès à la voie navigable. La brasserie a une superficie de 4 acres et comprend une chaudière à houblonner, un moulin, deux malteries, une écurie de douze chevaux et un grenier pour entreposer 200 tonnes de foin. Arthur Guinness commence à produire une bière de type « porter », bière de fermentation haute et ancêtre de la Guinness, ainsi qu’une « ale », autre bière de fermentation haute. En 1769, six barils et demi de bière Guinness quittent Dublin à bord d’un voilier à destination de l’Angleterre. Vu le succès de son breuvage, Arthur Guinness produit en 1799 la dernière « ale » à Dublin et décide de se concentrer uniquement sur la production de « porter », bière de plus en plus populaire.

Profitant de l’expansion de l’Empire britannique, la Guinness s’exporte aux quatre coins du globe : en 1811 elle atteint Lisbonne, au Portugal, en 1820 elle s’établit à Guernesey, Barbade,Trinité-et-Tobago et au Sierra Leone, en 1840 elle met le pied à New York et en 1858 c’est la Nouvelle Zélande qui profite de cette boisson maltée. Dès 1870, 10 % des ventes de la société s’effectuent hors d’Irlande et en 1886, la brasserie Guinness s’impose comme la plus importante brasserie au monde avec une production annuelle de 1,2 million de barils et presque 3 millions de barils en 1914.

En 1929, la première publicité Guinness portant le slogan « Guinness is good for you » est publiée dans la presse nationale britannique. La campagne « My Goodness, My Guinness » (Mon Dieu, Ma Guinness), créée par John Gilroy – série d’affiches d’un gardien de zoo affolé et de ses animaux espiègles – fait la renommée de Guinness et pose les fondations d’une communication basée sur l’humour et l’originalité.

Encore aujourd’hui, Guinness dispose d’une forte identité publicitaire et use des caractéristiques gustatives et esthétiques de la boisson pour s’associer à des valeurs de force, de patience et bon vivre. Guinness a d’ailleurs reçu de nombreux prix lors de concours publicitaires internationaux.

Depuis novembre 2000, l’ancienne brasserie de St. James a été reconvertie en musée et en magasin. Outre un espace en forme de pinte géante au centre de l’édifice, le visiteur peut découvrir l’histoire de la Guinness, une collection de publicités (films et affiches), une exposition sur l’artiste John Gilroy et profiter des espaces de dégustation et de relaxation pour pleinement comprendre le processus de fabrication de la boisson.

SECRETS DE FABRICATION

La Guinness est un stout, bière de fermentation haute issue des bières « porter », produite à partir d’eau, de malt d’orge, de houblon et de levure de bière. Sa couleur brune presque noire et sa saveur proviennent de l’utilisation de malts hautement torréfiés et de grains d’orges cuits à la vapeur puis grillés. L’orge utilisée provient exclusivement d’Irlande, tout comme l’eau qui est pompée à la source Lady’s Well dans les montagnes de Wicklow. La couche de mousse couleur crème caractéristique de la Guinness est le résultat d’un ajout d’azote durant le tirage (le service à la pression).

La Guinness Draught est la variété phare de la gamme Guinness et la bière la plus vendue en Irlande. Peu alcoolisée et rafraîchissante, elle est brassée à partir d’un moût dont la teneur en grains hautement torréfiés lui donne une couleur foncée ainsi qu’un goût de café ou de cacao. L’autre gamme de la maison Guinness est les Extra Stout, plus forte, plus « corsée », à l’amertume plus marquée. Actuellement, la Extra Stout est brassée sous licence dans certains pays à travers le monde. Cependant, la matière première est préparée à Dublin puis envoyée afin d’être mélangée avec de la bière produite localement.

LE SAVIEZ-VOUS ?

• La Guinness est une bière particulière qui supporte mal le transport. Pour l’exporter vers un pays à climat tropical, il est nécessaire d’en augmenter le degré d’alcool ; une Guinness irlandaise fait 4,2° alors qu’une Guinness antillaise en fait 7,5°. La Guinness a également une saveur et une caractéristiques différentes selon le pays (variation du degré d’alcool), le conditionnement (bouteille, canette, fût), le service (pression ou non) et la variante du produite (draught, extra cold, gold, pilsner,…).

• En dépit de sa réputation de «repas dans un verre», la Guinness ne contient que 125 kilocalories par pinte, ce qui est inférieur à une portion égale de lait écrémé ou de jus d’orange.

• Une équipe de chercheurs d’une université du Wisconsin aurait mis en évidence un effet bénéfique pour le cœur de la consommation de Guinness, comparativement à la consommation de lager. Ils attribueraient cet effet à la présence dans cette bière d’éléments antioxydants similaires à ceux trouvés dans certains fruits et légumes, ralentissant le dépôt de cholestérol dans les artères.

CONSOMMATION

Idéalement, la Guinness est servie fraîche, à 6 °C dans une pinte en verre. Servie à la pression, il lui faut une tireuse spécifique à azote, les autres bières utilisant principalement du dioxyde de carbone. L’action de l’azote exige plus de temps que le dioxyde de carbone et forme de plus petites bulles. Ces bulles forment une mousse dense, crémeuse et relativement persistante. Selon les « règles » du service d’une Guinness, une pinte demande près de 2 minutes – 119,53 secondes selon la brasserie – pour être tirée. Traditionnellement, les barmen remplissent la pinte aux ¾, attendent que les bulles se stabilisent et que le chapeau de crème redescende avant de terminer de servir la pinte. Guinness a d’ailleurs fait de ce service particulier un slogan: « Good things come to those who wait. » (Les bonnes choses viennent à ceux qui savent attendre). Normalement, lorsqu’une Guinness est servie à la pression, on doit pouvoir dessiner un trèfle dans la mousse, celle-ci devant être épaisse. Si le trèfle s’efface ou qu’il est impossible de le dessiner, le client peut, s’il le veut, ne pas payer sa Guinness…

GASTRONOMIE

La Guinness, au même titre que les vins, les spiritueux ou le cidre, est un ingrédient idéal en cuisine. Spécialité irlandaise, la Guinness entre dans la composition de certaines préparations locales: ragoût de bœuf à la Guinness, pain de Guinness, saumon irlandais mariné à la Guinness, moules à la crème et à la Guinness. Parallèlement, certains plats irlandais s’accompagnent traditionnellement d’une pinte de stout.

La Guinness est aussi une base idéale à l’élaboration de cocktails, baptisé « Black Stuff » (du noir) ou « Devil’s Nectar » (nectar du diable) par les barmen. Le plus célèbre cocktail est le Black Velvet, fait à base de Guinness et de champagne brut. Cette boisson célèbre vit le jour en 1861 au Brook’s Club à Londres. Le Prince Albert venait de mourir et tout le monde était en deuil. L’histoire raconte que le stewart du club, saisi par l’’émotion, ordonna que même le champagne devait porter le deuil et il y ajouta de la Guinness. Le goût se révéla si délicieux que le Black Velvet ne tarda pas à devenir extrêmement populaire.

Autre cocktail populaire, le Guinness Shandy. Ce cocktail aurait été inventé par hasard par les All Blacks, l’équipe de rugby à XV de Nouvelle-Zélande, pendant une tournoi mondial. Après un match, les joueurs auraient commandé de la Guinness avec de la limonade en guise de panaché. L’équipe trouva le mélange très rafraîchissant et l’adopta immédiatement !

Historique, symbolique d’une culture et d’un patrimoine culinaire, versatile dans son utilisation et sa dégustation, riche en couleur et en saveurs, la Guinness est aujourd’hui l’une des « stout » les plus vendues et les plus appréciées au monde, et ses arômes caramélisés ne cessent de ravir les gosiers des amateurs du monde entier. My Goodness, get me a Guinness !

Visuels: (c) DR

La recette du jeudi: Coeur de rumsteck poché à la ficelle, fumet de sauge, salsifis confits au lard et griselles, béarnaise légère au gingembre

Cette semaine, c’est le président du Chefs’ Irish Beef Club et chef doublement étoilé de l’hôtel-restaurant éponyme a préparé une recette à base de viande de boeuf irlandaise à l’occasion de cette semaine dédiée à Saint Patrick, saint protecteur des Irlandais : un coeur de rumsteck poché à la ficelle avec un fumet de sauge, des salsifis confits au lard et griselles, et une béarnaise légère au gingembre.

« Je choisis toujours le meilleur pour mes clients, quelle que soit sa provenance. » explique Jean-Paul Jeunet, « C’est Jean Denaux qui m’a présenté cette viande exceptionnelle il y a une dizaine d’années. Il m’a fait déguster une côte de boeuf « Hereford prime » et j’ai été subjugué par sa tendreté et sa rondeur. Je suis donc très heureux de présenter le boeuf irlandais à mes clients, qui sont toujours ravis de sa qualité. »

Ingrédients pour 4 personnes:

Pour le rumsteck
• 1 coeur de rumsteck de 600 g piqué de 5 feuilles de sauge
• 1 l de bouillon de légumes
• 1 bouquet de sauge
• 3 feuilles de laurier
• 25 g de gingembre frais tranché

Pour la garniture
• 12 belles échalotes de type « griselle » (mini échalotes grises)
• 15 g de beurre
• 150 g de lard de porc cul noir, blanchi au vin blanc en brunoise
• 1 c. à s. d’huile de truffe
• Miel
• 500 g de salsifis bien réguliers
• Acide ascorbique

Pour la béarnaise
• 15 g d’échalotes ciselées
• 5 g de gingembre frais
• 5 cl de vinaigre de vin jaune
• 20 cl de bouillon de rumsteck
• 2 jaunes
• 75 g de beurre clarifié
• 1 blanc d’oeuf
• 2 c. à s. de persil plat concassé
• Zeste d’un demi-citron à la microplane
• Sel de Maldon et poivre du moulin

Réalisation:

– Préparer un bouillon de légumes. Filtrer et ajouter la garniture aromatique (sauge, laurier et gingembre).
– Maintenir à une température de 75 °C.
– Préparer le coeur de rumsteck en le lardant de feuilles de sauge. Le serrer comme un saucisson dans un papier film (alimentaire), le ficeler aux extrémités, le piquer. Cuire dans le bouillon à 75°C pendant 45 minutes soit 45°C à coeur.
– Éplucher les griselles puis les salsifis, les tailler en tronçons de 4 cm. Les réserver dans de l’eau
additionnée d’acide ascorbique. Les colorer légèrement dans le beurre. Mouiller à hauteur avec du bouillon de rumsteck. Ajouter le miel, l’huile de truffe et assaisonner très légèrement. Rajouter du liquide si nécessaire et réduire à glace. Terminer en ajoutant la brunoise de lard.
– Faire une réduction de moitié avec les échalotes ciselées, le gingembre, le vinaigre et le bouillon de rumsteck. Chinoiser et hors du feu ajouter les jaunes et le beurre clarifié tout en émulsionnant à l’aide d’un Bamix. Au dernier moment râper un demi-citron et parsemer de persil plat concassé. Pour alléger la béarnaise, ajouter hors du feu 1 blanc d’oeuf battu mousseux.

Dressage:

– Sortir le rumsteck du bouillon, retirer le film, assaisonner de sel et de poivre. Le détailler en tranches régulières.
– Disposer au centre de l’assiette les tronçons de salsifis glacés, les griselles et le lard en brunoise. Déposer par dessus une tranche de rumsteck.
– Napper de la sauce béarnaise.
– Décorer de tranches fines de salsifis, blanchies et séchées dans un four à 70°C sur du papier sulfurisé huilé.

« Bain taitneamh as do bhéil » ! (Bon appétit!)

Visuels: (c) Bord Bia

Jean-Paul Jeunet : « Il faut arrêter de penser qu’il n’y a qu’en France que l’on fait de beaux produits. »

Président du Chef’s Irish Beef Club, chef doublement étoilé au Guide Michelin à la tête de son restaurant éponyme, ambassadeur des bonnes et des belles choses, Jean-Paul Jeunet est un épicurien abouti. Entretien avec le chef, à l’occasion de la Saint Patrick, pour parler d’une chose que nous pouvons envier à nos voisins irlandais : le bœuf Hereford.

Fils d’André Jeunet « grand cuisinier du terroir jurassien » et « meilleur sommelier de France », Jean-Paul Jeunet ne pouvait se prédestiner à autre chose que la cuisine. Il nait le 2 décembre 1954 à Arbois, part faire ses classes à l’école hôtelière de Nice, puis chez les Frères Troisgros à Roanne sous la houlette de Jean Troisgros, au Ritz à Paris et à La Marée de Monsieur Trompier. Il poursuit sa formation en pâtisserie chez Jean Millet, chez Gaston Lenôtre, puis termine au Relais de la Poste à Magescq chez Monsieur Cousseau. Il revient alors au restaurant familial durant quelques années en duo avec son père qui lui passe la main en 1988. Jean-Paul Jeunet abandonne le nom choisi par son père, Le Paris, et impose le sien. En 1996, il obtient une deuxième étoile Michelin. Depuis 2009, Jean-Paul Jeunet est président du Chef’s Irish Beef Club, association qui réunit les chefs qui travaillent et servent uniquement du bœuf irlandais à leurs tables. Le temps d’un entretien, il nous parle du Chef’s Irish Beef Club, de son amour de la viande Hereford et du Bocuse d’Or 2013

Qu’est-ce que le Chefs Irish Beef Club ?

Jean-Paul Jeunet: C’est un club international qui réunit les chefs qui travaillent le bœuf irlandais et plus particulièrement la race Hereford en France, au sein de leurs restaurants. Je choisis toujours le meilleur pour mes clients, quelle que soit la provenance et c’est pour cela que je me suis dirigé vers cette viande. En France, nous avons de très belles races, que ce soit la charolaise, la normande ou la limousine, pour ne citer qu’elles. Elles ont la particularité d’avoir de grandes carcasses et de produire du muscle. Pourtant, les viandes issues des grosses carcasses ne sont pas toujours les meilleures ni les mieux adaptées aux besoins des restaurateurs et des consommateurs. La Hereford, race irlandaise, est une viande ronde. Elle est de petit gabarit et de calibre régulier et se présente parfaitement crue ou cuite. J’ai toujours un immense plaisir à me rendre en Irlande et voir les élevages au plus près – même s’il existe des élevages de Hereford en France.

Comment sont élevées les bêtes en Irlande ?

J-PJ: La caractéristique des élevages et des pâturages irlandais est l’herbe et la proximité du terroir. Il n’est d’ailleurs pas étonnant que le vert soit la couleur emblématique de l’Irlande ! Les vaches sont dans des près à l’année, ce qui participe à la tendreté de leur viande (ndlr. La Hereford est une viande persillée. Cette race possède la capacité de transformer ce qu’elle mange en muscle et en réserves de gras. Ce gras s’accumule autour des muscles et s’infiltre à l’intérieur. C’est ce gras infiltré qui donne à la viande Hereford la douceur de son grain, son aspect persillé, donc sa tendreté et sa saveur.) J’ai aussi vu à quel point les éleveurs là-bas prenaient soin du bien-être des animaux dans les quatre étapes de la réalisation de la viande. Les vaches sont déjà élevées dans de très bonnes conditions à l’année. Ensuite, au moment de l’abattage, elles sont préparées et mises dans des conditions idéales pour éviter le stress qui changerait le ph de la viande. Ils leur mettent de la musique, elles sont brossées puis entièrement lavées afin de les détendre. Suite à l’abattage, même dans la manière de les accrocher et de les placer pour les conserver, tout est pensé pour permettre à la viande de rassir de manière exceptionnelle. Vous savez, quand j’étais petit, j’aimais me promener dans les ateliers du boucher du quartier. Je me souviens avoir vu des paniers remplis de tissus de couleur rouge. En fait, la femme du boucher pressait la viande pour en faire remonter le sang, afin d’attendrir la viande et faire remonter les saveurs. Des années plus tard, je me suis rendu dans un abattoir à Lisieux. Là-bas, les bêtes devaient monter des rampes de trois étages, ce qui est difficile, et devaient attendre leur tour 35 minutes dans des conditions exiguës  Leur viande était ensuite découpée puis rapidement séchée. Comment voulez-vous qu’il y ait une bonne maturation dans ces conditions ? Pour avoir une bonne viande, il ne faut négliger aucune des étapes qui mènent à l’assiette.

Ne faut-il donc plus privilégier le « Made in France » ?

J-PJ: Je vais vous raconter une anecdote. Je connaissais un jeune irlandais qui était venu faire des études en France, à l’ENIL. Il était venu apprendre les techniques de fabrication du fromage. A la fin de sa formation, il est retourné en Irlande et a importé une vache laitière, puis deux, et il a aujourd’hui un cheptel d’une dizaine de vaches. Il fabrique désormais du véritable comté, en Irlande, même s’il ne peut pas prétendre à l’appellation ou au nom exact. Ce comté est d’une aussi bonne qualité que celui produit en France. Comme quoi, la technique, et non la provenance, font la qualité.

Quelles sont les caractéristiques de la viande irlandaise ?

J-PJ: J’ai été subjugué par la tendreté et la rondeur de cette viande qui s’est avérée également facile à utiliser pour la restauration. La particularité de la viande irlandaise est qu’elle est ronde et petite, d’une tendreté, d’un goût et d’une qualité exceptionnels. Sur le plan technique, elle est très compacte et se coupe facilement en morceaux épais et est aussi idéale pour la maturation. Très tendre, le bœuf irlandais est très pratique à préparer et c’est un véritable plaisir de le travailler. Quant à sa qualité gustative, le bœuf irlandais est une « vraie » viande. Enfin, pour l’aspect visuel : quand je montre une pièce de bœuf irlandais à mes clients, avant ou après la cuisson, ça donne envie de la manger. La viande irlandaise est également d’une extrême diversité en cuisine : bouillie, rôtie ou simplement grillée, le résultat est toujours exceptionnel.

Quels autres produits irlandais utilisez-vous dans votre restaurant ?

J-PJ: Je ne travaille pas d’autres produits irlandais dans mon restaurant, je me concentre sur la viande de bœuf. En revanche, sur le porc, le porcelet ou l’agneau, on a de très beaux produits en France et j’ai de très bons fournisseurs en France.

Le bœuf irlandais est devenu viande officielle du Bocuse d’Or 2013. Que signifie cette reconnaissance ?

J-PJ: Déjà je félicite le candidat français Thibaut Ruggeri, car il est en adéquation avec le produit et il a réussi à présenter une viande remarquable et pas seulement au niveau de la texture. Il a certainement réussi grâce à sa technique mais aussi grâce à la qualité de la viande qui a été présentée au Bocuse d’Or. Cela prouve que quelle que soit la qualité de la viande, quelle que soit l’origine de la viande, l’important c’est ce qu’il y a dans l’assiette, ce qui va être dégusté. Le jury international a dégusté la technique mais il a aussi dégusté le goût. Si la viande n’avait pas été conforme, ou aussi bien reconnue pour son excellence, peut-être qu’elle n’aurait pas été sélectionnée aujourd’hui. D’autre part, le candidat français n’aurait peut-être pas eu 100% de réussite sur ce plat. Il faut arrêter de penser qu’il n’y a qu’en France que l’on fait de beaux produits, qu’il n’y a qu’en France que l’on fait des choses exceptionnelles. Il faut prendre exemple sur des produits, comme le bœuf irlandais, pour repenser notre manière de faire, qui est peut-être un peu trop empirique…

Visuels : © Jean-Paul Jeunet; Bord Bia.

La Saint Patrick

Chaque 17 mars, le monde voit la vie en vert ! Les têtes sont parées de chapeaux haut de forme en velours, les cous enveloppés du drapeau irlandais vert, blanc et orange, et les joues sont peintes aux couleurs de l’incontournable trèfle : Welcome to Paddy’s Day !

Tous les ans, des millions d’Irlandais, qu’ils soient natifs ou descendants, se réunissent dans le monde entier avec leurs familles et leurs amis non-irlandais pour célébrer la vie de Saint Patrick, saint national le plus largement célébré dans le monde avec Saint Nicolas et Saint Valentin. Cela fait plus de 1500 ans que le 17 mars est férié en Irlande, mais les Irlandais ne se lassent pas de leur fête, bien au contraire ; elle est l’occasion parfaite pour se réunir, quel que soit le lieu, et célébrer la culture et les traditions celtes dans la chaleur et la bonne humeur.

Beaucoup de légendes et de folklores autour de la vie et de l’œuvre de Saint Patrick existent, mais une seule histoire est à l’origine du trèfle, symbole très apprécié et très reconnu par tous les Irlandais. Saint Patrick aurait cueilli le trèfle à trois feuilles (une plante commune en Irlande) dans les prairies verdoyantes du pays, pour illustrer la manière dont les trois feuilles séparées mais unies par une seule tige ressemblent au concept du Saint Esprit – le père, le fils et le Saint-Esprit existant comme éléments séparés dans une même entité. Depuis ce jour, tous les Irlandais arborent fièrement le petit trèfle vert pour la Saint-Patrick.

Ce jour, à l’origine catholique, prend une dimension laïque en devenant le mardi gras celtique, l’équivalent de la chandeleur en France. Ce qui représentait auparavant un évènement d’un jour est devenu un festival de quatre jours avec des millions de personnes participant à des défilés, du théâtre de rue, un carnaval international, des fanfares, des feux d’artifice, de la musique, des danses ainsi que des fêtes foraines. Chacun est sûr de s’amuser ou d’avoir du «craic» comme le disent les Irlandais.

Le cœur de la Saint-Patrick en Irlande est son défilé. Chaque ville organise son propre défilé, même si celui de Dublin, la capitale, détient de loin le plus grand. Des centaines de milliers de personnes attendent dès le matin le long de la route du défilé pour se placer et obtenir la meilleure vue possible des groupes, des danseurs et des déguisements. Tous les participants du défilé s’habillent de costumes extravagants, créant un spectacle bariolé, bruyant et bon enfant.

Autre élément incontournable de la Saint Patrick et de la légendaire hospitalité de l’Irlande, Cead Mile Failte, cent mille bienvenues en gaélique. Les lois de Brehon – anciennes règles irlandaises de conduite – comportaient des articles spécifiques sur la manière de traiter les voyageurs au sein de la maison. Dans la campagne irlandaise, il était commun de laisser la porte ouverte lors des repas pour que tout passant sache qu’il était le bienvenu pour partager le repas, à l’image des Scandinaves qui longtemps, accrochaient sous leur toit un panier contenant du pain, du beurre, de la viande et des saucisses fumées, le tout recouvert d’une serviette blanche, à l’intention d’un éventuel passant.

Cette hospitalité et cette gentillesse envers les visiteurs a inspiré de nombreux plats classiques et traditionnels copieux et nourrissants d’Irlande, toujours à base d’ingrédients naturels de qualité, produits localement et en abondance : la viande, les produits laitiers, le poisson, les légumes et les fruits .

Tout en conservant le meilleur du passé, la cuisine irlandaise contemporaine consiste à utiliser les mêmes ingrédients frais et naturels tout en trouvant de nouvelles manières de les servir. A l’image de l’évolution de la Saint Patrick de célébration traditionnelle à festival spectaculaire, la cuisine traditionnelle irlandaise connaît une seconde jeunesse grâce à la nouvelle génération de chefs irlandais aux styles caractéristiques qui ont aussi su évoluer. Au lieu de trouver des plats traditionnels tels que le ragoût irlandais, le rôti de bœuf, le «Dublin coddle », bacon bouilli, le corned beef et le chou sur les menus, les restaurants proposent désormais de savoureux plats tels que le filet de bœuf rôti mariné avec une vinaigrette aux herbes et du pain croustillant, du bœuf braisé à la Guinness, une pizza au bacon, au boudin noir et au fromage de chèvre, du saumon fumé sur des galettes aux pommes de terre ou un ragoût gourmet d’agneau.

Aucun repas ne saurait cependant être complet à la Saint-Patrick sans un ou deux verres de «tout», bière brune irlandaise, ou d’un savoureux verre de whiskey. Ce sont d’ailleurs les Irlandais qui seraient à l’origine de ce nectar doré. Des moines auraient importé d’Orient l’usage de l’alambic, initialement destiné à distiller les fleurs. L’orge a depuis remplacé les fleurs pour le plus grand bonheur des amateurs…

Célébration conviviale de la culture irlandaise, la Saint Patrick se savoure à pleines dents…Slainte ! (Santé!)

Visuels : © DR
Source : © Bord Bia

L’abus d’alcool est dangereux pour la santé. A consommer avec modération.