Bruno Richard : « Quagliotti est dans la différence, non dans la concurrence »

Bruno Richard est un grand passionné. Passionné du beau produit, de la qualité d’une trame, de la finesse d’un coton peigné, de la suavité d’une teinte. Spécialiste sur l’éponge depuis trente ans avec la société Bailliencourt, professionnel du linge de maison «double fil retors chaîne et trame» avec Quagliotti, Bruno Richard se démarque par son savoir-faire. Rencontre avec un expert technique, esthétique et perfectionniste des intérieurs haut de gamme…

Quel est votre cœur de métier?

Bruno Richard: Bailliencourt est l’associée de Quagliotti, tisseur et producteur de tissus italiens, situé dans le Piémont, à quinze kilomètres d’Alba. Quagliotti est l’un des seuls producteurs qui possède un savoir-faire dans le tissage, notamment dans la construction de produits faits en double fil retors, en chaîne et en trame. Cette technique donne un aspect incomparable aux produits. Tout le monde a les mêmes machines mais il y a une patte à part que nous utilisons dans la finition du produit. Toutes les finitions, les « pipings », sont coordonnées, les satins de coton sont trempés dans les mêmes bains de teinture que les tissus, les ourlets sont parfaits, les contrastes élégants et dans les mêmes couleurs. Nous avons un savoir-faire qui date d’une centaine d’années et en cela, nous sommes uniques.

Quelles matières premières utilisez-vous?

BR: On utilise deux provenances de coton : un coton qui vient d’Egypte, qui est un coton peigné longues fibres, qualité Maco, et un autre coton qui vient du Pérou, qui s’appelle coton Pima, très utilisé pour faire des chemises en popeline très haut de gamme. Notre coton est ensuite filé, tissé, puis teint, soit en pièce, soit en fil. On est sur un produit très pointu, très exclusif.

Le tissage varie-il d’un produit à l’autre ?

BR: Bien sûr. La construction est différente. On doit donc ajuster les métiers (ndlr. à tisser) et changer quotidiennement le nombre de fils en trame et en chaîne quand on monte les métiers selon les différents produits. Quagliotti produit également des tissages selon la méthode Jacquard, du nom de son inventeur français, qui permet de faire des inserts et des reliefs dans le tissu. Traditionnellement, les métiers utilisaient des cartes perforées: on faisait la carte du dessin, avec des piquages, à l’image des cartes utilisées dans les Orgues de Barbarie, et en fonction de la chaîne et de la trame, on obtenait des dessins. Aujourd’hui, les techniques sont automatisées mais le résultat est traditionnel.

Ces techniques traditionnelles de tissage trouvent-elles leur place dans les styles de vie d’aujourd’hui ?

BR: On a un style qui est devenu contemporain depuis sept à huit années. Nous sommes les seuls à faire des produits très contemporains en linge de maison. Nous n’avons rien de vraiment très classique. Nous avons, en parallèle du linge de maison, développé une ligne d’éponge et de peignoirs, de sortie de bain, avec des coupes créées par des designers à Milan. Des produits de «Home Interior», très légers, qui correspondent à la vie d’aujourd’hui. On équipe des villas, des appartements, des maisons, des hôtels très haut de gamme et on s’est beaucoup développés ces dernières années dans le «yachting». On équipe donc beaucoup de bateaux de 60 à 140 mètres, cabine par cabine. Avec tout le linge de lit et le linge de bain, on peut équiper toute la chambre. Mon associée Judith et moi-même sommes positionnés très en avant des clients et nous faisons souvent les installations. Notre savoir-faire, c’est également notre conseil, mais c’est un métier difficile. Nous rentrons dans l’intimité des gens, nous les conseillons et nous travaillons en cohésion avec les propriétaires ou les décorateurs. On est la solution industrielle textile pour ce genre de secteur d’activités. On apporte des solutions techniques que les clients ne connaissent pas forcément.

Comment intégrez-vous des produits dans un intérieur ?

BR: On est comme un architecte qui s’occupe d’un environnement et créé un projet. On est toujours en phase avec le décorateur. Dans chaque environnement, on fait des décors différents. Il n’y a pas de standard. Nous adaptons tous nos produits en fonction des lieux. Pour le Ritz Paris, par exemple, on a fait les 180 chambres, les salles de bains, les nappages et toute la collection Ritz Boutique. Nous avons fait les produits un par un, pour une clientèle très exigeante. Quand on travaille avec Hermès, on fait de l’Hermès. Pour Hermès d’ailleurs, on a fait des Twill soie et coton, et on développe actuellement une collection. On propose ainsi une « Histoire de Soie » avec un drap soie-coton qui a une très belle durée de vie et correspond complètement à leur image. Quand on travaille avec Gucci, on fait du Gucci. On travaille également pour Louis Vuitton, pour Fendi et pour Missoni, et on leur construit des produits. On travaille avec des designers des différentes maisons. Eux nous donnent leur voix, on les écoute, et on essaie de construire un produit qui leur correspond, tout en apportant le côté technique. Le décorateur a de très bonnes idées mais il est plus dans l’esthétique; nous sommes dans la technique et le savoir-faire. Nous voulons que les produits durent, qu’ils aient zéro défaut, qu’ils soient parfaits. On ne peut pas se permettre de faire des produits qui ne correspondent pas à ça. Notre métier c’est de construire des tissus pour des designers et pour un environnement.

Ce savoir-faire, cette qualité du tissu, rendent-ils les clients dépendants aux produits ?

BR: Oui, tout à fait. Par leur construction et leur renouvellement régulier, nous faisons de nos produits des produits sensuels. Quand vous dormez dans nos draps, vous revenez ! Pourquoi ? Parce-que le produit est différent. C’est pour cela que nous nous positionnons dans la différence et non la concurrence. On a un produit que les clients redemandent en particulier : Smeraldo. Il est tissé en 120a2, c’est-à-dire que c’est un tissage fait à partir d’un fil au numéro métrique très fin. Il y a donc beaucoup de fils dans la chaîne et dans la trame, ce qui en fait un tissu comme une seconde peau. Ce tissage a une construction phénoménale. J’ai créé ce produit il y a vingt ans et j’ai décidé de le refaire cette année en le rendant plus contemporain en revisitant les couleurs et en ajoutant des rayures. Et le produit trouve une nouvelle jeunesse.

Comment faire, justement, pour que les produits gardent leur jeunesse éternelle ?

BR: On fait un produit que l’on estime abouti. En revanche, il y a un maillon de la chaîne, vis-à-vis du consommateur, que l’on ne maitrise pas: le lavage. Dans le lavage, et on le remarque avec l’hôtellerie, on voit de tout. Et il y a des gens capables du meilleur comme du pire ! Le lavage est un peu l’ennemi de notre produit. Bien que l’on donne des conseils d’entretien très pointus pour éviter d’altérer les fibres, il est difficile de respecter ces conseils, dans l’hôtellerie en particulier. Il y en a qui vont faire 50 lavages sur un produit ; nous on va en faire 100. Nous sommes plus chers au départ mais nous avons produit qui dure plus et qui ne réserve aucune mauvaise surprise. On a des retours positifs de la part des utilisateurs. Chaque produit a reçu des analyses techniques. On étudie par exemple le degré de polymérisation de la cellulose, qui rentre dans la composition du coton, et après on fait des tests techniques et chimiques sur nos produits, comme le test des cendres (ndlr. Savonnage à la cendre), pour que le consommateur ait, entre le premier lavage et le vingt-cinquième lavage, un produit de qualité identique. Notre philosophie est d’avoir un produit qui résiste au fil du temps et on s’engage sur cette durabilité. Tous les jours on progresse, tous les jours on s’enrichit de plein de choses, et on peut toujours faire mieux. Je suis très exigeant sur les détails, sur tout. On a un œil expert maintenant . C’est notre métier.


Comment réussissez-vous à vous renouveler ?

BR: Les produits de linge de maison sont des produits qui vivent, qui bougent. Avec l’un de nos partenaires de l’Himalaya, on a fait des couvre-lits en yack, animal qui se trouve à 5000 mètres d’altitude, dans les montages de l’Himalaya et on a fait la teinture qui correspond à nos produits existants pour que tout soit en harmonie. Nous travaillons en ce moment avec une société suisse, Elite Bed, un fabriquant de lits où tout est fait à la main dans les ateliers suisse. On a créé notre lit, avec nos produits, nos tissus, notre « piping ». Aujourd’hui, notre philosophie est d’apporter à un décorateur une chambre ou une suite complète: il y aura le lit, que l’on dressera avec les draps, les taies et les couvertures, les plaids et on s’occupera ensuite de la salle de bains avec les draps de bain et les peignoirs. Nous allons vers des projets globaux qui nous correspondent, qui sont à notre image.

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L’art de recevoir: Leçon 1, le dressage de la table

Le repas mijote sur le feu, les grands crus ont été mis à décanter dans la carafe, les invités sont attendus d’une minute à l’autre… Tous les éléments sont réunis pour réaliser un dîner plus que parfait. Seulement, il existe des règles très précises à suivre en termes de dressage de table, de placement des invités et de comportements à adopter au cours du repas.

En cinq épisodes, nous allons donc explorer l’art de recevoir à la française, sous toutes ses coutures. Leçon numéro 1, le dressage d’une belle table …

La petite Histoire

« Dresser la table » est une expression qui vient du Moyen-âge. A l’époque, les salles à manger n’existaient pas et l’on déjeunait ou l’on dînait sur des planches posées sur des tréteaux. C’est seulement à la fin du XVIIIe siècle que sont apparues les premières salles à manger dans les demeures nobles ou riches bourgeoises. Dans les années 1950, la salle à manger disparaît petit à petit et laisse la place à des « coins repas », plus ou moins spacieux. Dans nos espaces contemporains, la salle à manger se décline de diverses manières: coin salle à manger, table relevable, cuisine équipée ou pièce à part à fonction unique.

La table

Il faut s’occuper en premier lieu du cœur la réception: la table. Elle donne le ton de la soirée, est décorée à l’image des hôtes et doit impérativement être installée avant l’arrivée des invités.

Le choix du linge, de la vaisselle, des couverts, des verres et de la décoration dépend non seulement de l’état de fortune mais aussi des connaissances de l’organisateur en matière d’argenterie, de style, de textile, de classes sociales ou d’us et coutumes. Le manque de connaissance ou d’argent peut être compensé, lors des repas familiaux ou d’amis, par l’expression de la personnalité dans la créativité de la décoration.

Le linge de table

Premier élément de la table: la nappe. Blanche, noire ou colorée, elle donne le ton et l’ambiance de la soirée. Le tombant de la nappe doit être égal de chaque côté de la table et la nappe posée sans plis. Le cas échéant, les plis sont repassés à même la table afin d’obtenir une surface totalement plate.

En ce qui concerne les serviettes, elles doivent être en tissu, généralement assorties à la nappe et posées à la gauche de l’assiette, pour un dîner, et sur l’assiette pour un déjeuner. Les couleurs peuvent varier mais elles doivent rester de bon goût (couleurs complémentaires ou dans la même gamme que la nappe).

Depuis le XVIIIe siècle, les serviettes se posent sur les genoux. Avant cette période, elles se nouaient autour du cou, ce qui paraîtrait plus que surprenant aujourd’hui ! A la fin du dîner, l’invité pose sa serviette sur la table et ne la plie pas; cela donnerait l’impression qu’il compte rester au repas suivant. Le rond de serviette, d’usage plutôt familial, peut être utilisé pour l’accueil d’amis et servir à la décoration.

La vaisselle

En Occident, on réserve à chaque convive un espace de 60 cm sur lequel on dispose assiettes, couverts et verres. Cet espace, souvent mesuré, permet à chacun de se sentir à l’aise. Pour une table ronde, l’espace est de 30 cm minimum entre chaque assiette. Celles-ci sont placées à 2 cm du bord de la table, éventuellement sur une sous-assiette – qui ne sera retirée que pour le dessert. Il est important de veiller à ce que les assiettes ne soient pas en face d’un pied de la table.

Un service classique comprend généralement trois types d’assiettes : des creuses pour les potages, des plates pour les entrées et les plats de résistance, et des plates plus petites pour le fromage et les desserts. On peut également disposer sous les assiettes des assiettes de présentation, très larges, qui décorent joliment la table mais ont l’inconvénient de prendre beaucoup de place. Seules les assiettes creuses peuvent être placées à l’avance sur les assiettes plates.

Au cours d’un dîner très élégant, on change d’assiettes pour chaque plat. Dans l’usage courant, on change pour le fromage et/ou le dessert, et éventuellement après l’entrée. Tout est une question de discernement. Si l’on sert un plat qui risque d’altérer le goût du suivant, on change nécessairement les assiettes.

Les couverts

La fourchette et la cuillère étaient collectives jusqu’à ce que Louis XIV vulgarise leur usage individuel à la Cour. A partir de là, les couverts n’ont cessé d’évoluer et de se diversifier jusqu’à prendre les formes variées qu’on leur connaît aujourd’hui.

Les couverts basiques comprennent couteaux et fourchettes de table, et cuillers à soupe; couteaux à fromage, fourchettes à desserts, cuillers à entremets et à moka. Tous ces couverts ont leurs équivalents en couverts de service. Il existe une multitude de couverts aux usages très précis, qu’il est très rare de nos jours d’avoir au complet : fourchettes à poisson, à huîtres, à melon, à escargots, à gâteaux, à homard, couteaux à poisson, tartineurs, pinces à sucre…

Les couverts peuvent être en acier inoxydable, en métal argenté, en argent massif ou, plus rare et plus raffiné, en vermeil (argent recouvert d’or). Quels que soient leurs matériaux, les couverts doivent être essuyés avant d’être disposés sur la table afin de leur rendre toute leur brillance et d’effacer toutes éventuelles traces de doigts.

Les couverts sont placés de part et d’autres de l’assiette dans l’ordre où ils doivent être utilisés, de l’extérieur vers l’assiette. Il ne doit pas y avoir plus de trois sortes de couverts en même temps sur la table ; il est de toutes façons assez rare d’en utiliser davantage, sauf dans les dîners très protocolaires. Plus concrètement, la fourchette se place à gauche de l’assiette, pointes vers la table, le couteau à droite de l’assiette, tranchant vers l’assiette, la cuiller à potage à droite du couteau, creux vers la table. Pour les couteaux à fromage et les fourchettes à dessert, ils sont posés sur les assiettes au moment où ils sont utilisés. Les couverts de service sont placés devant la maîtresse de maison, ou mieux à proximité sur une desserte.

Fait intéressant, les porte-couteaux ne sont admis qu’aux dîners intimes car ils impliquent que la maîtresse de maison n’a pas l’intention de changer les couverts entre chaque plat.

Les verres

A l’instar du linge de table et des couverts, la verrerie apporte une élégance supplémentaire à la table. En effet, le verre permet de sublimer la robe d’un vin et d’en saisir toutes les subtilités. Il doit donc être transparent et sans salissures.

Deux verres obligatoires sont placés devant les assiettes, quelle que soit la nature du dîner: un verre à eau et un verre à vin. Pour un dîner plus mondain, jusqu’à quatre verres sont placés sur la table, par ordre décroissant de taille de gauche à droite : la flûte à champagne, légèrement décalée vers le centre de la table, le verre à eau, le verre à vin rouge (ou à bourgogne) puis le verre à vin blanc (ou à bordeaux).

Les accessoires

Pour que le couvert soit complet, il faut prévoir un certain nombre d’objets indispensables au bon déroulement du dîner: les carafes à eau en nombre suffisant pour que les hommes puissent se servir et servir leurs voisines, les bouteilles ou carafes à vin posées devant le maître de maison afin qu’il puisse aisément faire le service, les salières et poivrières ainsi que corbeilles à pain, rince-doigts et porte-menu, débarrassés avant le dessert.

A noter qu’une table un peu mondaine ne doit pas avoir de dessous de plats, réservés à la table familiale, car ils impliquent l’intention de se resservir de la nappe.

 

 

La décoration

Le dernier élément pour une table plus que parfaite est la décoration, véritable touche finale qui traduit la personnalité de la maîtresse de maison. Chaque détail compte et ajoute à l’ambiance du dîner. Aucune règle n’existe en cette matière si ce n’est le bon goût et l’imagination de chacun.

Des bougies allumées sur la table donnent une grâce spéciale à la table et créent une atmosphère feutrée et tamisée. Les bougies (bougeoirs, chandeliers, photophores) devront être en harmonie avec la nappe ou le décor intérieur.

Les fleurs peuvent également décorer la table. Placées au centre de la table, elles peuvent évoquer une saison et ajouter une touche de naturel à l’ensemble. Attention cependant à veiller à ce que le parfum des fleurs choisies ne soit pas incommodant et que les fleurs ne soient pas allergisantes, que les couleurs créent une unité avec le service et la nappe et que le bouquet n’empêche pas les invités de se voir.

 

La table est maintenant impeccablement dressée, prête à recevoir les invités. Il reste cependant un point crucial pour passer une agréable soirée : le plan de table. Rendez-vous la semaine prochaine pour tout savoir sur le placement idéal des convives…

Visuels: (c) Jean Riz; Yada Photographies.
Source: Le Bottin Mondain.