Agnès Richer de Forges : « Laurent-Perrier est l’ambassadeur de l’art de vivre à la française »

Laurent-Perrier est aujourd’hui l’une des références dans le monde en termes de champagne. Fondée en 1812, cette maison concilie la qualité des vins et le respect du terroir. A l’occasion de cette période festive, rencontre avec Agnès Richer de Forges, chargée de communication de la maison, pour parler champagne, transmission et passion.

Quelle est l’histoire de la maison Laurent-Perrier ?

Agnès Richer de Forges : Laurent-Perrier a été fondé en 1812. Nous avons fêté les 200 ans de cette belle maison l’année dernière ! C’est une maison située en plein cœur de la champagne, dans un petit village à Tours-sur-Marne. Nous avons un attachement au terroir qui est très fort : nous sommes aujourd’hui la seule grande maison de négoce encore située à la campagne. La maison Laurent-Perrier appartient à la famille de Nonancourt. Les actuelles propriétaires, Alexandra et Stéphanie, ont pris la suite de leur père il y a trois ans, et sont garantes du style de la maison et du style que leur père, Bernard de Nonancourt, avait insufflé à cette « petite » maison de l’époque. Je me permets de dire « petite », car lorsque la famille de Nonancourt à racheté la maison Laurent-Perrier, en 1939, elle produisait 800 000 bouteilles par an ; nous sommes aujourd’hui à 7 millions de bouteilles par an. La maison a véritablement vécu une grande expansion en 60 ans sous l’impulsion de cet homme visionnaire.

(c) Jean RiZ

Quels sont les caractéristiques des vins Laurent-Perrier ?

ARDF : Bernard de Nonancourt a su créer toute une gamme de vins très particuliers. Tous sont porteurs des valeurs et de la signature de la maison, ainsi que la patte de notre chef de caves, Michel Fauconnet.

D’abord, le Laurent-Perrier brut sans année, signature de la maison, une constance dans le style, produit chaque année. Un champagne caractérisé par sa finesse, son élégance, sa fraîcheur, plutôt servi à l’apéritif puisqu’il éveille les papilles.

(c) Laurent-Perrier

La cuvée Rosé Laurent-Perrier, la référence des champagnes rosés dans le monde, créée en 1965 et lancée en 1968, lors des mouvements étudiants, époque où le champagne rosé était quasiment inexistant. Bernard de Nonancourt voulait en faire un vin noble à part entière, selon la technique dite de macération (les peaux macèrent avec les jus, colorent les jus, et sont retirées à l’obtention de la couleur désirée), plus technique, mais nettement plus intéressante pour les arômes. En termes d’accords mets/vins, cette cuvée a une palette très large, puisqu’elle peut aller avec du jambon ibérique, des plats assez relevés, des desserts, bien évidemment, à base de fruits rouges, et certains gibiers.

(c) Laurent-Perrier

Nous avons également des millésimés. Nous ne sommes pas une maison qui millésime très souvent. Nous ne millésimons que les années rares qui nous semblent exceptionnelles. La caractéristique du millésime est qu’il est éphémère, et qu’il montre les caractéristiques de l’année.

La cuvée Ultra-Brut Laurent-Perrier est un vin très atypique mais absolument fabuleux ! L’un de mes préférés de la gamme. (Rires) C’est un champagne non-dosé, c’est-à-dire que l’on ne rajoute pas de sucre à son élaboration, on utilise uniquement la maturité naturelle du raisin. On ne produit que les années où on a une belle maturité lors des vendanges et en même temps une belle acidité, colonne vertébrale du vin. C’est un vin très minéral en bouche, très droit, et qui se marie de manière fabuleuse avec les fruits de mer, les huîtres – on y retrouve d’ailleurs un petit côté iodé au nez. Il se marie très bien également avec des poissons à chair blanche, des Saint-Jacques, ou avec des fromages comme le parmesan. Si vous aimez la cuisine à base de fleurs, on peut utiliser des fleurs de bourrache pour la décoration de certains plats, car dans la fleur de bourrache on retrouve le côté iodé de notre vin.

(c) Laurent-Perrier

La dernière cuvée phare de la maison est la cuvée Grand Siècle, notre cuvée de prestige, élaborée pour la première fois en 1954. Cette cuvée Grand Siècle, possède un nom très atypique et une histoire particulière. L’histoire de Bernard de Nonancourt a confronté l’Histoire de France. Il a eu l’occasion de rencontrer différentes personnalités, dont le Général de Gaulle. Il s’est permis d’envoyer au Général de Gaulle une sélection de noms auxquels il pensait pour nommer cette cuvée. Le Général de Gaulle lui a renvoyé un télégramme en lui disant « Grand Siècle, bien sûr », car le « Grand Siècle » évoque le siècle de Louis XIV, siècle où la cour de Versailles rayonnait dans le monde entier. Avec Grand Siècle, Bernard de Nonancourt a voulu faire de ce vin l’ambassadeur de l’art de vivre et l’art de recevoir à la française. C’est vraiment la vraiment qui tire vers le haut l’ensemble de la maison, et qui prône les valeurs d’excellence et d’exigence de la maison : exigence de qualité supérieure, exigence de sélection des baies des raisins. Bernard de Nonancourt a également fait des recherches sur la forme des bouteilles qui étaient servies à la cour de Louis XIV. En consultant des tableaux et des archives, il a reproduit la forme de la bouteille de l’époque pour la cuvée « Grand Siècle ».

(c) Laurent-Perrier

En quoi la transmission est-elle une valeur importante pour la maison Laurent-Perrier ?

ARDF : Le fil conducteur de la maison a toujours été la famille et la transmission. L’objectif d’Alexandra et Stéphanie de Nonancourt est de pouvoir un jour transmettre à leurs enfants, s’ils se destinent à cet univers-là. Elles ont cette volonté de transmission de la maison et du savoir-faire. Depuis 1939, se sont succédés trois chefs de cave. Le chef de cave est un élément indispensable dans une maison de champagne, étant le détenteur de toutes les recettes de la maison. C’est lui le garant du style de la maison et celui qui valide l’assemblage final. Notre actuel chef de cave a passé plus de 20 ans aux côtés du précédent, qui lui a transmis ses savoirs. Le précédent avait fait la même chose. Cette notion de famille est très importante. De plus, il a récemment été découvert que la famille de Nonancourt a un lien avec le tout premier propriétaire, Alphonse Pierlot. La boucle est donc bouclée ! Il y a vraiment une dimension très familiale. Il y a une transmission dans le temps, également, et un travail au niveau du vignoble et du terroir, en viticulture durable, l’idée étant de transmettre à la génération future un terroir de qualité. A chaque étape de notre métier, il y a cette projection dans l’avenir et cette volonté de transmettre.

(c) Laurent-Perrier

Visuels : © Jean RiZ ; Laurent-Perrier.

L’abus d’alcool est dangereux pour la santé. A consommer avec modération.

Valérie Rousselle : «Les rosés Crus Classés sont l’élite des vins de Provence. »

Ça y’est, la belle saison prend doucement ses quartiers d’été ! Fruits et légumes gorgés de soleil, terrasses doucement caressées par les rayons déclinants d’une chaude journée, la période estivale est le moment idéal pour découvrir de nouvelles saveurs et dégourdir ses papilles, en particulier à l’apéritif. Valérie Rousselle, à la tête du Château Roubine, domaine Cru Classé, produit une boisson rarement dissociée de l’été : le rosé. Entretien ensoleillé avec la propriétaire, qui nous parle du rosé, de ses subtilités de couleur et de goût, et des associations aussi surprenantes qu’elles sont délicieuses entre mets et rosé…

Présentez-nous le domaine et le Château Roubine en quelques mots.

Valérie Rousselle : Château Roubine est un domaine Cru Classé depuis 1955. C’est une propriété qui est l’un des fleurons de l’appellation Côtes de Provence. Il a appartenu à l’histoire, puisqu’il est traversé par la voie romaine dite « Julienne », puis il a appartenu à l’Ordre de Saint-Jean de Jérusalem. C’est un domaine qui a une histoire très forte et marquée, ce qui est la force des grandes propriétés provençales. J’ai initialement une formation dans l’hôtellerie, j’ai fait l’école hôtelière de Lausanne, puis après avoir travaillé pour le Groupe Barrière, j’avais l’intention et l’envie de revenir vers ma région d’origine – je suis native de Saint Tropez et varoise de cœur. En voyant Château Roubine en 1994, je suis vraiment tombée en amour pour ce domaine qui est magnifique. C’est un domaine d’un seul tenant, entouré de pins et de chênes, un écrin de vignes situé dans ce joli arrière-pays varois, entre Lorgues et Draguignan. Château Roubine c’est également 130 hectares de propriété et 92 hectares de vignes pour une production de 800 000 bouteilles.

(c) Château Roubine

Un petit éclaircissement pour les néophytes : d’où vient la couleur rose du rosé ?

VR : Le rosé n’est pas coupé. Le rosé est véritablement une couleur de vin tout à fait identifiée et il faut énormément de technique pour le réussir. On a tendance à croire que pour faire du rosé c’est assez facile ; le réussir est extrêmement difficile. Le rosé nécessite une grande maîtrise des températures. Le rosé est un vin qui est fait à partir de baies noires, qu’ils proviennent des cépages Syrah, Cabernet Sauvignon, Grenache, Tibouren ou Cinsault. Quand vous ouvrez un grain de raisin noir et que vous pelez la peau, vous voyez que la chair est blanche ou pâle à l’intérieur. La richesse d’un rosé, sa complexité, est obtenue par ce contact pelliculaire. Nous récoltons les baies à très basse température, de nuit, afin d’être obligatoirement en dessous de 17°C – nous avons par ailleurs été les précurseurs de la vendange nocturne. Plus c’est frais, meilleur est le rosé. A ce moment-là, nous allons fouler et écraser les baies et laisser en contact l’eau, les jus et le raisin. C’est cette macération pelliculaire qui va donner de la complexité au vin. Il faut noter que les pigments qui sont contenus dans la peau rouge se diffusent par l’action de la chaleur. C’est pour cela que vendanger la nuit permet d’avoir la complexité du goût sans avoir la couleur.

La couleur a-t-elle une importance pour le goût ?

VR : Absolument. On peut avoir une couleur pâle tout en ayant de la complexité. Travailler le vin à basse température lui permet d’avoir de la complexité. Il est vrai que dès lors qu’un rosé sera un peu plus soutenu en couleur, il sera plus fort en goût puisque la macération pelliculaire va être plus intense. Le rosé plus foncé sera peut-être moins léger, moins complexe, moins délicat, légèrement plus grossier. Ensuite, cela dépend des goûts. Les personnes qui préfèrent des rosés plus soutenus en bouche, ceux qui ont plus de corps, vont également préférer des rosés plus soutenus en couleur. Tout dépend aussi des marchés. Les marchés nordiques, par exemple, préfèrent des rosés aux couleurs plus soutenues. Ce rosé pâle est une tendance très Côte d’Azur, très Paris, très mode. C’est tendance. Les autres appellations productrices de rosé cherchent à copier la Provence, car celle-ci reste un modèle en matière de rosé. C’est en Provence que le premier rosé est né, nous en sommes vraiment les précurseurs, les Pères et les Mères du rose. C’est d’ailleurs la Provence qui a lancé la tendance et nous en sommes très fiers.

(c) Château Roubine

Le vin rosé est souvent associé à du vin bas de gamme. Le rosé a pourtant une appellation de Cru Classé ?

VR : J’ai la chance d’avoir été présidente, de 2005 à 2008, des Crus Classés. Nous étions 23 en 1955, nous ne sommes plus que 18 aujourd’hui. Nous représentons vraiment les locomotives de l’appellation. Les domaines Crus Classés ont été les pionniers en matière de progrès en vinification. Il n’y avait pas que des Crus Classés, mais ceux qui l’étaient faisaient partie de ces pionniers. Aujourd’hui ce sont les leaders de l’appellation qui restent Crus Classés, même si certains ne le revendiquent pas forcément. Les domaines de Crus Classés sont vraiment l’élite des vins de Provence.

En quoi le rosé est-il un vin associé à l’été ?

VR : Je pense qu’il l’est de moins en moins. On s’aperçoit qu’il est plutôt devenu une boisson à la mode. La grande tendance à présent se trouve dans les boîtes de nuit à Paris : les jeunes se mettent au rosé. Je trouve cela bien, car ça évite évidemment de s’orienter vers des spiritueux dont l’alcoolisation est plus forte et dont la consommation est bien plus dangereuse. La tendance, la mode maintenant, c’est de commander du rosé en boîte de nuit ou de prendre l’apéritif au rosé. Ça permet tout de même, d’un point de vue éducatif aussi, d’amener tout doucement les jeunes générations à comprendre le vin de manière simplifiée. Le rosé décomplexe un petit peu. On a moins besoin d’être expert pour apprécier un rosé. Dans l’esprit, ça ne veut pas dire que ce n’est pas compliqué ; cela décomplexe les gens qui veulent aborder l’œnologie. En démarrant par le rosé, cela semble plus facile. De même pour les dames : elles ont tendance à aimer le rosé car c’est à la fois le symbole d’une boisson de convivialité, de simplicité, d’amitié, de partage tout en ayant un champ très large d’alliances.

(c) Château Roubine

Justement, quelles sont, pour vous, les meilleures associations mets et vin rosé ?

VR : Le rosé est un vin qui peut s’associer à toutes sortes de cuisines, y compris les cuisines du monde, ce qui est également la tendance aussi un peu partout. Cela peut vraiment être très varié. Il y a des rosés qui seront des rosés « de plage », d’apéritif, que l’on peut apprécier à l’image du rosé piscine. Ils sont des rosés beaucoup plus légers, qui ont moins de complexité. Vous avez aussi des rosés de grande gastronomie, qui peuvent s’associer avec de la truffe, comme le fait mon voisin Bruno à Lorgues, qui sert mon rosé Tibouren Cuvée Inspire avec des truffes. Cela peut paraître surprenant mais ça tient très bien. Ce même rosé peut vraiment être servi sur de la belle gastronomie. On peut aussi imaginer un rosé Terre de Croix avec un très beau homard au poivre rose, ou avec un magret de canard et une sauce au miel, ou sur un cabri miellé. Avec le Terre de Croix on peut même aller sur du roquefort. Cela peut paraître troublant d’imaginer un rosé sur un fromage mais ça marche très bien ! Le Château Roubine, la cuvée traditionnelle, comme vin de plage peut être apprécié sur des tapas, sur des nems à l’apéritif, sur de la tapenade, sur des choses conviviales d’apéritif. On peut vraiment imaginer plein de choses et faire toutes sortes d’alliances avec le rosé.

Quel est votre dernier coup de cœur vinicole ?

VR : J’ai un coup de cœur, qui est un grand classique et également un clin d’œil, car j’ai eu la chance de goûter un Pichon Longueville de 1990, qui m’a fait penser à mon fils aîné Adrien qui aura bientôt 23 ans ! Cette dégustation s’est faite en très bonne compagnie, avec le meilleur sommelier du monde. J’ai un autre coup de cœur aussi pour un domaine qui m’est très cher, le domaine Ampelidae en Val de Loire. J’apprécie beaucoup son Sauvignon Bio, notamment le Millésime 2009 qui est vraiment d’une grande subtilité. En coup de cœur rosé, je vais prêcher pour ma paroisse, c’est la Cuvée Inspire Rosé, qui a été médaillé d’argent au Concours Général Agricole et que j’ai récemment eu l’occasion d’apprécier sur des truffes et sur des beignets de fleur de courgette. Ce qui était simplement délicieux ! Mais j’ai des coups de cœur très souvent !

(c) Château Roubine

Visuels : © Château Roubine

L’abus d’alcool est dangereux pour la santé. A consommer avec modération.

Nathalie Doucet : « L’amour du métier permet de transmettre le savoir-faire du cognac. »

Le cognac, eau-de-vie fine fabriquée dans la région charentaise, est issu d’un savoir-faire ancestral. Cet alcool, traditionnellement dégusté en fin de repas, est symbolique d’un véritable art de vivre à la française. La maison de Cognac Frapin, plusieurs fois centenaire, détient les secrets de fabrication d’un cognac haut de gamme, à la fois aromatique et doux. Entretien avec Nathalie Doucet, directrice marketing et communication de la maison, qui nous parle du savoir-faire Frapin, de la transmission de la passion d’une génération à l’autre et de l’art de déguster le cognac.

Présentez-nous la maison Frapin en quelques mots ?

Nathalie Doucet : Frapin est l’une des plus anciennes maisons de cognac : les ancêtres remontent à 1270, le plus illustre ancêtre étant François Rabelais. La maison de Cognac Frapin dispose d’un domaine de 240 hectares en 100% Grande Champagne – l’un des plus gros domaines en 100% grande champagne –  un petit bijou. On a également le plus gros stock de millésimes issu de la propriété : l’équivalent de 5 millions de bouteilles de cognac vieillit dans nos fûts avec des chais secs et des chais humides.

(c) Frapin

La dégustation du vin se déroule selon un procédé, des règles ; c’est également le cas pour le whisky. Existe-il un véritable art de déguster le cognac ?

ND : Oui, tout à fait. Le cognac est généralement dégusté dans certaines conditions. Pour une personne qui n’a pas l’habitude, il est assez souvent pris en fin de repas, avec le café et un morceau de chocolat. Ça c’est vraiment l’accord parfait. On peut aussi le déguster frappé. Avec des glaçons, quand il fait très chaud, ça peut être très agréable. Quoi qu’il en soit, il faut avoir un verre adapté. Nous utilisons le verre tulipe, qui permet aux arômes de s’exprimer. On a pour habitude de mettre le nez au-dessus du verre pour ne pas prendre les apports alcooliques et n’avoir que les arômes parfaitement au nez.

(c) Frapin

La fabrication du cognac est-ce un artisanat, une passion, qui se transmet de père en fils ?

ND : L’équipe Frapin est très ancienne. La plupart des talents ont 20 ans de maison. Notre Maître de Chai est là depuis de nombreuses années. Il avait travaillé avec le Maître de Chai précédent qui a fait presque 30 ans dans la maison et dont le père était déjà Maître de Chai. Il y a un vrai savoir-faire. La maison Frapin est une maison familiale et transmet ses valeurs de génération en génération. Cela reste une des rares maisons qui est restée une maison familiale. Il y a un vrai savoir-faire, aussi bien en champagne qu’en cognac. Je crois que ça passe par une éducation, par des années et des années d’apprentissage, et un amour du métier.

(c) Frapin

Cette passion, cet amour du métier se reflètent-ils dans la fabrication du cognac ?

ND : Je pense parce qu’il y a toujours un ADN, un code, une signature. Nos cognacs ont une spécificité : on essaie de faire qu’ils soient très doux, très agréables. Cette douceur, c’est vraiment la signature Frapin. Ces cognacs sont très aromatisés avec des notes diverses. Ils sont vieillis beaucoup plus longtemps que la moyenne dans des chais, ce qui fait qu’on a une belle puissance organoleptique. Cette signature est vraiment nécessaire et doit être pérenne d’années en années. Il y a des comités de dégustation au sein de la maison et tout le monde travaille sur la continuité de la signature. Toute la famille Frapin y veille.

(c) Frapin

La maison Frapin a édité un coffret Fête des Pères V.I.P XO Grande Champagne Premier Cru de Cognac. Le cognac et les digestifs sont-ils des alcools plutôt masculins ?

ND : Le cognac fait 40°, il n’est donc pas forcément accessible de prime abord aux femmes. A la base, le cognac est effectivement un digestif, plus facilement consommé de cette manière. Les hommes aimaient bien se réunir pour fumer une cigarette ou un cigare et discuter. Boire le cognac frappé, glacé ou givré est en train de se démocratiser. Avec ces formules-là, on peut y ajouter un tonic par exemple. Les femmes commencent à s’y mettre mais il est vrai que cette boisson est quand même plus masculine. Il y a également une histoire de millésime. Je crois que les hommes aiment bien retrouver des années anniversaires, cela devient un rendez-vous. De génération en génération, les Papas aiment bien transmettre leur amour des bonnes choses. Cela devient un moment convivial, à partager avec sa progéniture. On le voit comme ça.

Existe-il donc un véritable art de vivre autour du cognac ?

ND : Pour ma part, je le pense. Il y a un véritable art de vivre autour du cognac. Le cognac est une eau de vie très haut de gamme. Cela donne un sentiment d’appartenance à un rite et donne lieu à de vrais moments de partage.

Visuels : © Frapin

Le coup de cœur de la semaine : Maille

« Il n’y a que Maille qui m’aille » ; le slogan de la célèbre marque de Moutarde est depuis quelques années entré dans le vocabulaire courant et la culture populaire. Toujours en phase avec son temps, Maille a créé, à l’occasion de la Fête des Mères, un assortiment estival et coloré de quatre spécialités à la moutarde, fines et gourmandes. La maison presque tricentenaire est notre coup de coeur de la semaine…

L’histoire de Maille commence au début du XVIème siècle. A cette époque-là, une épidémie de peste sévit dans le sud de la France. Antoine Maille, distillateur-vinaigrier, dans le but d’enrayer l’épidémie à Marseille, invente un « vinaigre des quatre voleurs » aux propriétés antiseptiques. Selon la légende, il fallait avaler à jeun une cuillère à café du breuvage dilué dans un verre d’eau, puis se frotter les tempes et le creux de la main avec la concoction. 10 ans plus tard, Antoine-Claude Maille, fils du distillateur-vinaigrier, créé une cinquantaine de vinaigres de toilette (pour les cheveux, les boutons, la voix, les vapeurs…).Ces produits de beauté aromatisés, intitulés « vinaigre de vénus, de virginité, macis, à la Dauphine, à la ravigotte… », inspirent Antoine Maille; il décide alors de se lancer dans la fabrication de la moutarde.

(c) Maille

En 1747, le succès des moutardes est tel qu’Antoine Maille ouvre sa propre boutique rue Saint-André-Des-Arts à Paris. Il fait publier un parchemin qui signe l’acte de naissance officiel des moutardes Maille : « Le public est prévenu que Maille possède les secrets pour la distillation des vinaigres et la fabrication des moutardes ». Très vite les honneurs pleuvent sur lui : Maille, que l’on considère comme le plus grand moutardier et vinaigrier de tous les temps, devient Vinaigrier-distillateur de leurs majestés impériales d’Autriche et de Hongrie en 1760, puis du Roi de France en 1769, avant d’être fournisseur officiel de Catherine II de Russie en 1771. A sa majorité, le fils d’Antoine Maille reprend l’affaire.

Antoine-Claude Maille décide de s’associer en 1789 à André-Arnoult Acloque, commandant général de la Garde Nationale parisienne et ancien brasseur, association qui est renouvelée en 1819. Robert Maille, fils d’Antoine-Claude reprend l’affaire et devient vinaigrier du Roi Charles X en 1828, du roi d’Angleterre en 1830 et du roi Louis-Philippe à 1836. En 1845, Maille pose ses valises à Dijon.

(c) Maille

Rachetée par Philippe de Rothschild en 1930, l’entreprise Maille se tourne vers des méthodes de production plus industrielles. En 1952, André Ricard et Joseph Poupon, DG adjoint de Grey-Poupon, moutarde dijonnaise créée en 1777, acquièrent la marque, restaurant à la fois le vinaigre et la moutarde, et se tournant vers des méthodes de fabrication plus authentiques.

Aujourd’hui, la moutarde de Dijon de Maille est l’une des signatures de la maison, faite à partir de la graine de moutarde noire. 250 000 graines sont nécessaires pour 500 g de moutarde. Les graines sont réceptionnées à l’usine, contrôlées, puis nettoyées. Elles sont ensuite aplaties : l’écorce des graines et fendue mettant l’amande à nue. Les graines fendues sont ensuite trempées et malaxées dans du vinaigre pendant quelques heures. Afin d’obtenir des grands crus, Maille laisse vieillir ses vinaigres pendant plus d’un an dans des fûts de chêne. Là, ils ont tout le temps de s’arrondir, de prendre toute la mesure de leurs arômes et d’affirmer leur caractère subtilement fruité jusqu’à arriver à pleine maturité. A la fin du trempage, les graines de moutarde sont broyées dans deux meules rotatives, d’abord grossièrement, puis plus finement. Vient alors l’étape du tamisage ; une centrifugeuse sépare la pâte et le son (l’enveloppe protectrice de la graine. La moutarde est ensuite stockée de 48 à 72 heures, ce qui permet de faire dissiper l’amertume, puis malaxée, opération réalisée sous-vide et qui retire les molécules d’air qui oxydent la moutarde. L’étape finale est celle du conditionnement, en petits pots de verre.

(c) Maille

Depuis l’époque d’Antoine Maille, les différents successeurs n’ont cessé de conserver les valeurs et le savoir-faire qui font encore aujourd’hui la grandeur de la maison. Les tours de main du maître vinaigrier, consignés dans son cahier de recettes, sont encore aujourd’hui la base d’inspiration dans le développement de nouvelles créations plus gourmets les unes que les autres : Moutarde de Dijon au vin blanc, la Moutarde de Dijon au vin blanc adoucie au vin de Chablis, la Moutarde à l’ancienne au Chardonnay, additionnée d’herbes et d’aromates.

En effet, près de 260 ans plus tard, les recettes Maille rivalisent d’inventivité et de raffinement. A l’occasion de la Fête des Mères, Maille a d’ailleurs créé un assortiment estival et coloré de quatre spécialités à la moutarde: Tomate Séchée et Piment d’Espelette, Oranges Confites et Gingembre, Fruits Rouges, Mangue et Epices Thaï, le tout accompagné d’un vinaigre balsamique de Modène vieilli trois ans en fût de chêne.

(c) Maille

Alliant ingrédients les plus subtils et aromates les plus audacieux, Maille a su trouver le bon équilibre entre innovation et authenticité, procurant aux gourmands et gourmets des expériences hautes en saveur. “D’une industrie fit un art” disait d’Antoine Maille un de ses contemporains. Et artiste culinaire, au fil des siècles, Maille peut se revendiquer de l’être …

Visuels : © Maille