Christophe Poulelaouen : «Les marins pêcheurs sont une espèce en voie de disparition. »

145 000 tonnes : c’est la quantité de poisson commercialisée chaque année à La Marée de Rungis, cathédrale de la filière marine européenne. De deux heures à 4 heures du matin, les acheteurs s’activent, carnets à la main et commandes en tête, pour se procurer les meilleurs produits et satisfaire au plus près les demandes des clients.  Entretien avec Christophe Poulelaouen, acheteur pour Armara, société de commerce de marée fine, coquillages et crustacés, qui nous parle de son métier, de poisson et du futur de la filière…

Qu’est-ce qu’être acheteur au pavillon de la Marée à Rungis ?

Christophe Poulelaouen: C’est acheter de la marchandise ! (Rires) Concrètement, nous achetons des produits provenant de tous les ports français et européens. Ce que je recherche, en fonction de l’activité, ce sont des produits qui correspondent aux desiderata de mes clients. Par rapport à tout ce qu’il se pêche, tout se qui se fait dans le milieu de la pêche et dans le monde de la Marée, je sélectionne chaque jour les fournisseurs et les produits qui me conviennent.

(c) RDV Communication

Quelles sont les provenances des poissons de la Marée ?

CP: Le plus gros de toute la Marée qui se vend en France vient des ports Européens. La provenance n’est plus uniquement française maintenant, elle est mondiale. La grosse zone d’approvisionnement sur le marché c’est l’Union Européenne : l’Irlande, l’Ecosse, l’Angleterre, le Danemark, la Hollande. Il y a également l’Espagne et la Grèce. Le saumon, par exemple, vient de Norvège et d’Ecosse. Le reste du monde nous approvisionne en produits bien spécifiques qui ne se trouvent pas dans nos eaux. Comme le thon pêché dans l’océan Indien, l’espadon pêché dans l’océan Pacifique. Les produits sont alors transformés dans des pays différents et ils nous arrivent ensuite par avion. Chaque pays fournit les spécialités poissonnières qui correspondent à sa région. Et avec les moyens de transport dont nous disposons à l’heure actuelle, cela va très vite.

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« Le poisson le plus frais de France se trouve à Rungis » : c’est un mythe ou une réalité?

CP: Ce n’est pas vrai ! Le poisson le plus frais de France se trouve sur les lieux de pêche, à la débarque des bateaux. La marchandise qui arrive à Rungis aura toujours un jour ou deux de plus. Ceci dit, l’on peut trouver toutes les qualités de produits sur Rungis. Du beau au moins beau, il y a de tout.

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Comment faut-il bien choisir son poisson ?

CP: Un poisson entier devra avoir un aspect luisant et l’œil vif. Que les ouïes soient rouges ou non, cela n’a rien à voir. Un poisson de ligne aura des ouïes bien rouges alors qu’un poisson de chalut, pourra être très beau et très frais sans avoir les ouïes rouges, parce qu’il est noyé. Les ouïes sont les poumons du poisson. Quand il sort de l’eau vivant, ses ouïes ne sont pas asphyxiées et il reste rouge ; quand il est noyé dans un filet, ses ouïes perdent leur couleur, ce qui est normal. Mais le poisson sera aussi très bon. En règle générale, il ne faut pas que le poisson ait d’odeurs, qu’il ait une tenue de chair bien ferme, qu’il soit bien luisant, sans être décoloré. C’est devenu une habitude maintenant pour moi de remarquer ces critères, cela fait partie de mon métier !

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Quelles sont les meilleures saisons pour pêcher, vendre et consommer le poisson ?

CP: Du poisson, il y en a à l’année. Maintenant, il y a des saisons par espèces et des espèces qui sont plus abondantes que d’autres selon les périodes de l’année. Les périodes hivernales sont de grosses périodes d’abondance car le poisson se regroupe en banc pour frayer, pour se reproduire. Pour les bateaux, c’est d’autant plus facile à pêcher : ils n’ont pas besoin de chercher beaucoup car le poisson n’est pas éparpillé. Les très grosses quantités font que les prix sont un peu moins chers en cette période. Autrement, du poisson on peut vraiment en manger à l’année. Il faut demander conseil à son poissonnier pour savoir vers qu’elles espèces il faut se diriger selon les saisons.

La Marée de Rungis existera-elle encore dans les prochaines années ?

CP: Il y aura toujours du poisson. On voit des espèces qui avaient disparu et qui reviennent en abondance alors qu’on les avait condamnées dix ans en arrière… Les espèces malheureusement qui ne se reproduisent pas sont les marins pêcheurs. C’est une espèce en voie de disparition. Des jeunes qui veulent faire ce métier, il n’y en a plus. Et ça deviendra un problème à long terme car il n’y aura plus personne pour aller sur les bateaux. C’est un métier trop dur. Vous passez trois semaines en mer et une semaine à terre, ça ne donne pas trop envie. La pêche n’est malheureusement plus valorisée comme avant.

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Une nuit blanche à la Marée de Rungis

A sept kilomètres au sud de Paris, sur le domaine du Marché International de Rungis, il est un lieu qui ne ferme jamais les yeux. 245 mètres de long, 90 mètres de large, 14 mètres de haut, 300 000 m3 en volume, une surface de 56 000 m² dont 14 000 m² dédiés à la vente et 145 000 tonnes de poissons et de crustacés commercialisés par an : bienvenue à la Marée, cathédrale de la filière marine européenne.

Pour se rendre à la Marée, il faut se lever (très) tôt, ou se coucher tard. En effet, le poisson de Rungis se targue comme étant le plus frais de France et doit maintenir son statut de l’un des plus importants ports de France en volume. Seules 24h séparent le débarquement de la pêche au port, l’arrivée à Rungis et la mise en place sur l’étal du poissonnier ou dans la cuisine du chef d’un restaurant, une véritable prouesse logistique. Dès 22 heures, le pavillon A4 de Marché d’Intérêt National de Rungis est donc en ébullition. C’est à cette heure que les poids lourds en provenance de toute l’Europe s’amarrent aux plateformes d‘approvisionnement.

Le déchargement de la marchandise se fait « sous froid » pour que la glace ne fonde pas avant l’entrée dans la zone de vente et le transit se fait par sas automatique. Par souci d’hygiène et par respect de la chaîne du froid, la température est en permanence maintenue entre 9 et 11°C. Ce sont cette fraîcheur et cette propreté qui préservent la qualité du produit.

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Il est maintenant deux heures du matin. La mise en place des étals est terminée et une foule d’hommes et de femmes munis de casquettes et de blouses blanches, et affublés de carnets et de stylos, inondent le pavillon. La vente peut commencer mais attention : la Marée est toujours à l’heure et la marchandise part très vite. Ceux qui veulent être bien servis doivent donc arriver les premiers.

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Les achats et les ventes se font selon les demandes des clients, les produits disponibles à l’instant T et la saison. Chacun a ses habitudes, ses fournisseurs de prédilection et les transactions se font rapidement, par échange de bons, aucun prix n’étant affiché : une demande rapide, un coup d’œil, un signe de tête, une poignée de mains.

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Le pavillon de la Marée propose une offre de produits exceptionnelle, des poissons d’une qualité supérieure et une diversité d’espèces incomparable : Marée fine, poissons bleus et poissons tropicaux, coquillages, crustacés, huîtres, poissons d’eau douce, produits préparés et traiteur, poissons fumés et poissons congelés.

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Les activités du pavillon ne s’arrêtent cependant pas seulement à la vente et l’achat. Onze ateliers de filetage sont à disposition des restaurateurs, lieu où les filets sont retirés, préparés et calibrés.Des viviers à crustacés, des distributeurs de blouses, la fabrication de glace pilée. Persil et citron complètent même le service proposé. Les clients bénéficient également d’un large choix dans la gamme traiteur.

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Déjà les étals se vident, le brouhaha de la Marée s’évapore et le bourdonnement laisse rapidement place à un espace vide où seuls quelques blocs de glace parsèment encore le sol. En attendant la prochaine Marée…

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