Sou Quan, comptoir de l’Asie au coeur de Paris

C’est sans prétention aucune que se dresse, place Maubert, à Paris, la petite épicerie spécialisée en produits asiatiques : Sou Quan. Wasabi, riz en tous genres, pâte de tamarin, graines de sésame, algues séchées… Malgré l’espace réduit, l’offre est plus que débordante. Reportage au cœur du lieu de prédilection de la chef cuisinière Madame Thiou …

Les magasins des Frères Tang ou ceux du quartier de Belleville n’ont qu’à bien se tenir. Sou Quan, épicerie asiatique, avec vue sur le Panthéon, propose une multiplicité de produits frais et de spécialités asiatiques en plein cœur de Paris. Les grandes expéditions pour préparer des Pad Thaï ou des sushis maison sont désormais de vagues souvenirs.

Créée en 1974 par la famille de Monsieur Yu, l’épicerie Sou Quan est désormais devenue le lieu incontournable où professionnels et amateurs s’approvisionnent en produits exotiques. Située en contrebas d’un trottoir, l’épicerie pourrait passer inaperçue, si ce n’était pour les fruits et légumes exotiques exposés dans des cageots à l’entrée. Menthe, coriandre et citrons verts frais, taros, choux chinois et patates douces, longanes, germes de soja frais et Bok Choy, l’étalage appétissant est une invitation à pénétrer un instant dans la boutique.

Un « joyeux bazar » accueille celui qui entre à l’intérieur de Sou Quan pour la première fois. A gauche, une grande longueur d’épices et condiments de toutes les couleurs, tous les parfums, toutes les origines : pâte de curry, pâte de crevettes et pâte de gingembre, sauce Hoi Sin, sauce soja sucrée ou salée, sauce d’huitre, jus de gingembre, condiments préservés dans du vinaigre. Le choix est surprenant et complet !

A l’opposé des sauces se trouvent toutes sortes de riz – basmati, parfumé, thai, gros grains…- ainsi que les différentes « noodles », les nouilles de riz, les vermicelles de manioc et certaines pâtes à bases d’œufs.

Il est facile de se perdre, cependant, dans la variété de produits proposés. Il ne faut alors pas hésiter à demander conseil à ceux qui connaissent le moindre centimètre de rayon comme leur poche.

Au centre de l’épicerie se dresse un rayon frais qui vient compléter celui des fruits et légumes présentés à l’extérieur. La plupart sont des épices et ingrédients qui viennent relever ou sublimer un plat : piment rouge et vert, poivre vert frais pour les currys, Ka Chai (gingembre chinois) et curcuma frais parmi d’autres.

Dernier élément qui vient compléter la liste exhaustive de produits présents au sein de Sou Quan: l’immense congélateur. Crevettes surgelées, nems et raviolis à faire cuire, poissons et sauces pimentées en tous genres… L’Asie n’a plus qu’à trouver la bonne route vers l’assiette.

Il ne reste plus que le moment le plus complexe d’une visite chez Sou Quan : faire son choix…
Retrouvez Sou Quan au 35 Place Maubert dans le 5ème arrondissement de Paris.

Visuels : © RDV Communication

Patrice Hardy : «Tout cuisinier tombe vite amoureux de la truffe. »

La truffe est un condiment qui se décline à l’infini : salé ou sucré, en soupe ou en soufflé, en sauce ou en rapé sur une salade. La truffe est également l’ingrédient premier du restaurant étoilé de Neuilly-sur-Seine, La Truffe Noire, et une source d’inspiration intarissable pour Patrice Hardy. Rencontre avec le chef pour parler de sa passion pour les Tuber

Comment êtes-vous entré en cuisine ?

Patrice Hardy: J’ai fait un apprentissage classique. J’ai commencé à 15 ans dans la région Nantaise et j’ai ensuite fait un Tour de France pour m’améliorer. J’ai eu la chance d’avoir quelqu’un d’assez exceptionnel comme patron d’apprentissage, le Président de la Chambre des Métiers de Nantes. Il était toujours au courant de tout et nous faisait faire beaucoup de concours dans toute la France, ce qui était rare en apprentissage. C’était déjà une grande ouverture d’esprit. Ensuite j’ai rencontré Monsieur Vilaire, le chef de l’Hermitage, à La Baule, qui tournait très fort. C’était la grande époque des saisons. On faisait 500 couverts par jour, on était une centaine en cuisine. C’était ma première rencontre avec Monsieur Vilaire avant l’armée. Ensuite, après des passages dans différentes maisons étoilées sur Paris, j’ai rencontré Jean-Paul Bonin au Crillon, avec qui j’ai fait deux années. Lui a également été conseiller dans certains restaurants où j’étais chef. Je suis ensuite retourné avec Monsieur Vilaire au Martinez à Cannes, pour refaire deux saisons en tant qu’adjoint. Suite à tout ça, je suis revenu sur Paris pour ouvrir le Zebra Square en 1995, la « Brasserie de l’an 2000 » comme la qualifiait la presse. Ensuite ça a été Ladurée avec Pierre Hermé et le fameux Korova, où Jean-Luc Delarue était associé. Suite à la fermeture, j’ai décidé de m’installer en 2004. J’ai fait du conseil, un livre, des démonstrations à l’étranger grâce à un produit : la truffe. La truffe reste toujours un mystère de la nature mais c’est un produit avec lequel on prend beaucoup de plaisir à travailler de différentes façons.

Quelle a été votre première rencontre avec la truffe ?

PH: J’ai la chance de passer mes vacances dans le Var. Et dans le Var, il y a le spécialiste de la truffe : Bruno, à Lorgues. J’allais régulièrement me régaler dans son restaurant sans savoir qu’un jour j’allais en racheter un qui s’appelle La Truffe Noire depuis une centaine d’années. C’est le hasard de la vie. Depuis, j’exploite la truffe de toutes ses façons, classique ou revisitée, en sachant que la truffe reste un condiment, et que la meilleure façon de la servir est le plus naturellement possible.

La cuisine de la truffe a donc évolué en passion ?

PH: A force d’en manipuler des kilos et des kilos, on arrive à reconnaître la truffe. On sait qu’en hiver, il n’y a pas que de la Melanosporum, mais aussi de la Brumale et de la Mesentericum. Tout cela se touche, se voit, se travaille différemment. En ce qui concerne la passion de la truffe, tout cuisinier tombe vite amoureux car c’est vraiment un produit exceptionnel à la saveur exceptionnelle. Il y a tout un savoir-faire avec la truffe. Et une vraie passion. On rentre aussi dans le vif du sujet grâce aux trufficulteurs. On va régulièrement sur le terrain, on va regarder la truffe. J’ai un ami qui cave encore avec un cochon, et ça c’est un rituel ! Tous les ans, on s’y rend et on passe une belle journée. Aller caver, c’est une chose qu’il faut aller faire une fois dans sa vie. Aller chercher la truffe, un après-midi, sous le soleil, c’est magnifique.

Comment sélectionnez-vous vos produits?

PH: J’ai des courtiers qui me livrent régulièrement. A côté de ça, j’ai d’autres réseaux. Pour la truffe, il faut avoir plusieurs réseaux. Cette année par exemple, c’est la plus mauvaise de toutes les années, à mon sens, depuis 9 ans, donc si je n’avais pas eu deux ou trois réseaux à côté, ça aurait été très difficile d’avoir de la truffe. J’en ai toujours 4 ou 5 kilos d’avance dans le frigo. Nous ne nous fournissons pas exclusivement en France. En Italie, il y a la truffe blanche d’Alba et de Borgi. Si ça ne vient pas d’Italie, ça peut aussi venir d’Espagne ou de Croatie mais il faut se méfier car elles n’ont pas toujours la même odeur, la même puissance que celles d’Alba. Il faut arriver à faire la différence. Comme avec les fameuses truffes de Chine qui arrivent par tonnes en France. On arrive à la reconnaître mais une truffe de Chine mise en boîte avec des Mélanosporum, une fois stérilisée, je ne suis pas sur qu’on arrive à faire la différence, à moins d’être un grand spécialiste.

Votre utilisation des truffes varie-t-elle au fil des saisons ?

PH: Oui et la carte varie également en fonction des saisons. Nous allons bientôt arrêter la truffe blanche d’Alba, changer la carte et faire à 100% de la Melanosporum. Si tout va bien, fin février/ début mars, on va remettre la Borgi, une autre truffe blanche d’Italie et on va rechanger la carte. Ensuite, on recommence avec la truffe d’été puis la truffe de Bourgogne. On change la carte au minimum cinq fois par an car on travaille cinq variétés de truffes fraîches tout au long de l’année et uniquement des produits de saison. En pleine saison, comme en ce moment entre le 15 janvier et le 15 février, on va stériliser nos propres truffes pour pouvoir travailler de la Mélanosporum sur certains plats tout au long de l’année. On ne vous la présentera pas, on ne la râpera pas à votre table, comme selon notre habitude, mais elle sera présente dans les plats. Nous faisons aussi notre propre huile de truffe. Toutes celles que vous trouvez dans le commerce, qui sont plus ou moins bonnes, voire très mauvaises, ont toutes des additifs, des conservateurs et des arômes synthétiques. Elles ne contiennent rien de naturel. C’est pour ça que certaines personnes n’aiment pas la truffe, justement à cause de ces très mauvais produits dérivés.

Quels sont les meilleurs accords entre les vins et les truffes ?

PH: Il existe de nombreux accords. Bien évidemment, les goûts personnels entrent en jeu. Il est d’usage d’accorder les truffes avec les Bordeaux ou les Pommerol, car ils ont des goûts terreux, de champignons. Les truffes vont aussi très bien avec de vieux champagnes, avec des Condrieu. Je pense que la truffe, en accord avec les mets et les vins, est assez exceptionnelle. C’est aussi selon le produit. Si l’on met de la truffe avec du lièvre, c’est mieux de mettre un vin approprié. On trouve toujours le vin idéal pour un produit à base de truffe. Ce n’est pas un problème. Ça se cherche, ça se goûte et l’on arrive finalement à une palette assez large de combinaisons et d’accords. Cela varie aussi selon le type de truffe. Avec une truffe blanche, on n’aura pas le même vin qu’avec une truffe noire. Avec un soufflé à la truffe ou une glace à la truffe, plutôt un vin de dessert. C’est évident. Mais on arrive à trouver les accords qui vont sublimer d’autant plus ce champignon et son parfum.

Vous avez nommé votre restaurant la Truffe Noire. Vous travaillez la truffe à l’année. Ce produit pourrait-il finir par vous lasser ?

PH: Non car il y toujours un moyen innovant de la travailler. Je me sers de la truffe comme condiment et c’est assez exceptionnel d’avoir un tel accord avec tant de produits. La seule particularité, dans ma cuisine, c’est que je n’utilise plus d’épices. La truffe est mon épice à moi. On propose évidemment des plats sans truffe, mais elle est présente à 95%, et les gens viennent pour la manger. Avec les vins je pense que c’est pareil : l’inspiration avec la truffe est infinie.

Brillat-Savarin disait de la truffe qu’elle est un « diamant noir ». Qu’en pensez-vous ?

PH: La truffe est un produit rare et exceptionnel. Forcément, tout ce qui est rare est cher. Surtout cette année, où il n’y en a pas. Mais cette rareté et cette exception font que les gens se déplacent pour la truffe. C’est à nous de ne pas la maltraiter.

Visuels: (c) RDV Communication, Loran Dherines.