Iñaki Berhocoirigoin : « Défendre des produits, c’est défendre un savoir-faire, des gens, un territoire.»

Au Pays Basque, il existe une association qui œuvre pour une agriculture paysanne, sincère et citoyenne : l’Association des Producteurs Fermiers du Pays Basque. Cette association a créé IDOKI, qui signifie « cartes sur table », une charte fermière où les producteurs fermiers s’engagent à ne travailler que la matière première issue de leur ferme. Entretien avec Iñaki Berhocoirigoin, producteur fermier de tomme, pour parler de l’association et ses actions et de l’importance de faire vivre le patrimoine régional.

Qu’est-ce que l’Association des Producteurs Fermiers du Pays Basque?

Iñaki Berhocoirigoin : L’Association des Producteurs Fermiers du Pays Basque a été mise en place il y a 20 ans. Elle regroupe aujourd’hui environ 200 producteurs. Cette association a pour but de développer et promouvoir l’activité ou la filière fermière en Pays Basque, toutes filières confondues.

(c) IDOKI

Quelles sont ses actions ?

IB : Il y a toute une partie formation, proposée par l’association. Ces formations sont proposées en partenariat avec des structures, des établissements scolaires ou des centres de formation, que ce soit dans la maîtrise ou la transformation des matières premières et produits : la fabrication des différents fromages, la salaison de la charcuterie, la découpe des viandes, la transformation des confitures. Ça peut aussi être la formation à la commercialisation, l’aménagement d’un point de vente à la ferme, la création d’un site internet…

L’association promeut également des projets collectifs. L’année dernière, par exemple, un atelier de découpe a été mis en place dans une salle où se sont réunis une vingtaine d’agriculteurs producteurs de viande. La salle a été aménagée et agrée pour permettre à chacun d’utiliser à tour de rôle la salle dans les normes pour travailler sa viande. Toute la partie réflexion collective, réalisation, location et aménagement du bâtiment se fait avec l’association. Il y a également un saloir collectif et d’affinage de fromage. C’était aussi au départ une initiative de l’association. Les adhérents ont l’idée puis réussissent à organiser et concrétiser le projet via les structures de l’association.

Finalement, il y a la promotion collective des produits, qui se fait surtout sous le nom d’Idoki. Idoki est une marque commerciale qui est liée à l’association. L’association compte 250 membres dont une centaine respecte le cahier des charges Idoki et estampille le produit sous ce nom-là. L’association organise également des animations – marchés, visites à la ferme, salons, stands collectifs… – pour mettre en avant Idoki, marque de qualité des produits fermiers du Pays Basque.

(c) IDOKI

Parlez-nous de votre exploitation?

IB : Je me suis installé en 2009. Mes parents sont producteurs laitiers. Ils ont 25 vaches laitières et 26 hectares de terre. Quand je me suis installé, on a fait le choix de transformer le lait qui était vendu jusqu’alors en laiterie. On le transforme en tomme, fromage affiné, et en produits frais, type yaourt, fromage blanc ou fromage frais. On a également une petite plantation de kiwais, fruits de la famille des kiwis, que mes parents ont mis en place il y a 20 ans. Nous sommes les seuls à en faire au Pays-Basque. C’est un fruit qui demande énormément de main d’œuvre, qui est exigeant, et qui est difficile à faire à grande échelle. Je pense que c’est l’une des raisons pour laquelle le fruit ne se développe pas trop alors que c’est un fruit qui a énormément de vertus. Il vient à maturité et est cueilli en septembre. Nous le vendons frais en saison, et sinon en faisons de la confiture. On fait également un peu de viande, on transforme les veaux de la ferme et on a une dizaine de cochons pour revaloriser le petit lait du fromage. L’activité principale c’est le lait et sa transformation.

(c) IDOKI

Pensez-vous qu’il est important de faire vivre le patrimoine régional à travers les produits du terroir ?

IB : Oui, je pense. Ça fait partie de l’identité locale. Les produits fermiers sont les résultats de certaines activités. Si on défend des produits, on défend aussi un savoir-faire, des gens et des fermes derrière ces produits-là. Les gens font l’identité d’un territoire.

Visuels : © IDOKI

Iñaki Berhocoirigoin
UHARTIA
64 220 GAMARTE

Côté Plage : Saint-Jean-de-Luz

Cet été, les Rendez-vous des Arts Culinaires font le tour de France des plus belles plages ! De Deauville à l’île de Ré, du Cap Ferret à Saint-Tropez, nous irons chaque semaine à la découverte d’une ville côtière française ! Chaque étape sera l’occasion d’explorer la région, rencontrer les artisans et les grands chefs, déguster les spécialités culinaires et retenir les plus belles adresses… Cette semaine, cap sur le sud-ouest de la France pour découvrir Saint-Jean-de-Luz et le Pays Basque…

Saint Jean de Luz est habité dès le Paléolithique. Les premiers habitants sédentaires se groupent d’abord sur les hauteurs d’Acotz et de Bordagain, baignées à marée haute par les eaux de l’embouchure de la Nivelle, beaucoup plus vaste qu’aujourd’hui et bourbeuse à marée basse. Quelques temps plus tard, au bord de la baie bien protégée des vents du large et de la houle par des falaises et une dune côtière, les hommes s’installent malgré les marécages. Ce sont ces mêmes marécages qui donnent à Saint-Jean-de-Luz son nom basque « Lohizune ou Lohitzun », qui signifie lieu boueux. La population composée de pêcheurs et de pasteurs y mène une existence paisible, malgré l’occupation romaine présente dans la région, notamment à Lapurdum, ancêtre de Bayonne, et le déferlement de hordes de barbares.

(c) Saint Jean de Luz

Vers 581 les Vascons quittent les plaines de l’Ebre et par migrations successives, mais pacifiques, se répandent dans le pays. Créé en 682 le « duché de Vasconie » devient en 884 « duché de Gascogne » avant d’être incorporé à l’Aquitaine au IXe siècle. Le duc de Gascogne remet en 1020 Lapurdum au roi de Navarre qui l’érige en Vicomté pour un de ses parents. Devenu Vicomte du Labourd, Loup-Sanche fonde la baronnie et la paroisse de Saint-Jean à Lohitzun en 1023.

En 1186, dans le cartulaire de Bayonne, il est fait mention de la paroisse de « Sanctus Johannes de Luis ». A cette époque, la ville est, depuis 1152 comme toute l’Aquitaine, possession anglaise. Située à quelques lieues de l’Espagne elle est assiégée, pillée et son église incendiée lors des conflits qui pendant la guerre de Cent Ans opposent Navarrais et Castillans, alliés des Anglais, aux Français.

Redevenu français en 1451, le Labourd connaît quelques années de paix. En 1463, Louis XI, choisi comme médiateur par les rois de Castille et d’Aragon pour régler un différend au sujet de la Navarre, vient à « Sainct Johan de Luz » rencontrer le roi de Castille. L’entrevue qui a lieu au château d’Urtubie ne résoud pas la question navarraise, mais la visite royale est bénéfique pour la ville : Louis XI lui accorde pour neuf ans des lettres patentes (ancêtres des décrets) l’exemptant du droit d’entrée des marchandises arrivant par terre et par mer. La cité use des faveurs royales de Louis XII et Henri II (affranchissement «de tout droit par tout le royaume de leurs marchandises et autres leur appartenant» et «permission de vendre les pêches de morues et autres») pour relancer son commerce. Dès la fin du quinzième siècle, la guerre reprend entre la France et l’Espagne. La paix signée en 1559 permet à la ville de panser ses plaies. Charles IX, qui y réside en 1565 pour rencontrer sa sœur la reine d’Espagne, offre 18000 livres pour la reconstruction du quai et du pont sur la Nivelle. Le commerce d’accessoires de pêche fleurit. Cette embellie économique permet à la ville de racheter son indépendance.

(c) Saint Jean de Luz

Le XVIIe siècle, l’âge d’or de la ville, a pourtant bien mal débuté. A cette époque, la prospérité de la cité attire plusieurs ethnies : Juifs et Morisques expulsés d’Espagne et du Portugal, bohémiens, cagots. D’étranges rumeurs courent d’ailleurs sur le comportement de ces «étrangers», et sur la façon de vivre des femmes pendant que les hommes sont en mer, notamment des «cascarotes», cartomanciennes, guérisseuses, aux mœurs très libres pour l’époque, rapidement considérées comme sorcières et violemment chassées.

En 1635, les Luziens font la « guerre de course » : les corsaires sont autorisés par une lettre de course à attaquer, en temps de guerre, tout navire battant pavillon d’États ennemis, et particulièrement son trafic marchand. A cette époque, Saint Jean de Luz est connue sous le nom de « Cité des Corsaires ». Certains hommes à la tête de ces expéditions très lucratives ont d’ailleurs donné leurs noms à quelques rue de Saint Jean de Luz : Darganaraitz, Ducasse, Harismendy, Larreguy, Dalbarade, Dufourcq, Sépé, Sopite… A la fin du XVIIe siècle le nombre de vaisseaux capturés est si important que le duc de Gramont écrit à Louis XIV que « sa Majesté peut aller de Saint-Jean-de-Luz à Ciboure, sans se mouiller les pieds en empruntant les ponts des bateaux pris à l’ennemi ». Enrichis par leur négoce et par les profits de la course, les armateurs font ériger de vastes demeures. Les deux plus belles, « Lohobiaguenea », maison à tourelles édifiée vers 1644 par Joannis de Lohobiague, et « Joanoenea », bâtie avant 1640 par Joannot de Haraneder, ont l’honneur d’accueillir Louis XIV, sa mère et l’infante en 1660. On les appelle, depuis cette époque, « Maison Louis XIV » et « Maison de l’Infante » ».

(c) Saint Jean de Luz

En 1843, la municipalité décide de suivre l’exemple des communes voisines et de former un établissement de bains pour attirer les étrangers. Des baraques sont établies sur une plage très fréquentée par les Luziens, à l’abri du promontoire de Sainte-barbe. Cette décision relance l’économie et modifie profondément la ville et la vie des Luziens. Le nombre des baigneurs attirés par la modicité des prix, augmente régulièrement chaque année. En 1856, une jolie maison de bains chauds avec salon de lecture est construite pour accueillir et fidéliser cette clientèle bourgeoise de fortune modeste, à laquelle la ville doit une nouvelle prospérité. La fermeture de la rade, commencée à la fin du règne de Napoléon III, modifie les courants marins. L’établissement est détruit et reconstruit, en 1880, à proximité de l’hôpital, plus près du centre ville. Un bâtiment de bains chauds et d’hydrothérapie aménagé à proximité complète le nouvel établissement de bains en 1882.

Classée en 1912 « station balnéaire et climatique », Saint-Jean-de-Luz devient une station à la mode, fréquentée, de 1880 à 1939, par une riche clientèle cosmopolite et aristocratique. Deux casinos sont édifiés de 1881 à 1885 : le « Grand casino », Boulevard Thiers, qui ferme dès 1895, et le « Petit casino» appelé aussi de « la Plage ». Les jeux autorisés en 1907 sont transférés au Casino municipal, à « la Pergola », petite construction en bois ajoutée au-dessus de l’établissement de bains. Deux golfs sont ensuite créés en 1908 et 1928.

En une cinquantaine d’années, Saint Jean de Luz se développe et devient une station balnéaire incontournable sur la côté Atlantique.

(c) Saint Jean de Luz

En termes de culture, la cuisine basque est restée proche de ses origines paysannes et pastorales. Cependant, bordé par la mer, Saint-Jean-de-Luz a une gastronomie traditionnelle très orientée vers le poisson. Le Merlu de ligne, par exemple, typique de la région, se doit d’être goûté. Cette pêche artisanale se pratique à bord d’un « ligneur » (petit bateau équipé de lignes à hameçons) qui privilégie la sélection qualitative plutôt que quantitative. Merlu, daurade, thon et morue peuvent être servis avec de délicieuses sauces vertes ou « pil pil », ou en Ttoro, fricassée basque de poisson. Les chipirons, petites seiches farcies, sont généralement accompagnées de tomates.

Spécialité pâtissière locale, le macaron. Ce mélange de pâte d’amandes, de sucre, de blanc d’amandes et de blanc d’œuf a été créé par Monsieur Adam en 1660. Lors du mariage de Louis XIV avec l’Infante d’Espagne à Saint-Jean-de-Luz, Monsieur Adam en offre au jeune roi. Celui-ci les trouve fort à son goût, ce qui provoque immédiatement leur succès à la Cour. La pâtisserie Adam existe toujours à Saint-Jean-de-Luz et le secret de fabrication continue de se transmettre, de père en fils, pour le plaisir de tous.

(c) Maison Pariès

Autre spécialité culinaire, le Mouchon, inventé vers 1950 par Robert Pariès : des petits macarons légers et moelleux, riches en amandes et pauvres en sucre, enrobés d’une fine couche craquante et accolés deux à deux. Il est dit que les Mouchous sont si exquis que rien ne leur est comparable, sinon les « muxu », « baisers » en basque. La Maison Pariès est à l’origine d’une autre spécialité luzienne, le Kanouga. Inventé en 1914, cette douceur est un caramel mou au chocolat noir ou café, qui peut être agrémenté de noix ou de noisettes grillées.

Saint-Jean-de-Luz, équilibre parfait entre chic urbain, cadre naturel et spécialités culinaires régionales …

Visuels : © Mairie de Saint Jean de Luz ; Ville de Saint Jean de Luz
Source : © Mairie de Saint Jean de Luz ; Ville de Saint Jean de Luz