William Ledeuil : « C’est au chef de savoir mettre le goût en scène. »

Fasciné par les goûts d’ailleurs qu’il mêle habilement aux saveurs d’ici, le chef étoilé William Ledeuil, à la tête du restaurant Ze Kitchen Galerie, est un virtuose des fourneaux. Cette semaine, il nous parle de ses inspirations, de sa galerie culinaire et de son amour du beau et du bon.

Vous êtes un chef français, qui travaille à Paris. D’où vous vient cette passion pour les inspirations asiatiques ?

William Ledeuil : Après une dizaine d’années de cuisine que je dirais « classique », j’ai voulu élargir mon territoire. Assez sensible aux parfums d’Asie, à ces goûts d’ailleurs, je suis parti là-bas et j’ai eu un déclic. Mon premier voyage a été la Thaïlande. J’ai pris des cours de cuisine dans trois hôtels à Bangkok. J’ai vu qu’ils étaient très sensibles aux parfums et aux herbes dans leur cuisine, à la citronnelle, au gingembre, au basilic thaï, à la coriandre. Je me suis dit qu’avec la qualité de matières premières à ma disposition en France (produits de la mer, coquillages, crustacés, poissons, viandes, volailles, légumes…), j’avais ma ligne de conduite. J’utilise tous ces ingrédients qui permettent de souligner, de mettre du relief. A moi de l’interpéter et de savoir comment je vais l’utiliser dans ma cuisine. J’ai travaillé sur les bouillons, sur les condiments, sur les assaisonnements. J’ai découvert une cuisine fraîche, spontanée, avec des ingrédients qui ont du goût. J’ai démarré Ze Kitchen Galerie avec ça.

(c) Rdv Communication

Pourquoi l’Asie ?

WL : Chaque voyage m’a permis de découvrir et d’enrichir ma palette de saveurs. La Thaïlande est sublime pour ses épices (curry, curcuma…) ; au Vietnam, c’est riche en bouillons ; le Cambodge c’est encore autre chose. Ce mélange m’a permis de créer la signature de Ze Kitchen Galerie. Ils ont une variété et une intensité de goût. C’est ce que j’appelle aujourd’hui une cuisine « bien-être ». On utilise beaucoup moins de sel mais beaucoup plus de condiments. En plus, c’est une cuisine spontanée. J’aime la cuisine spontanée et c’est ce que je fais dans mon restaurant. La technique, elle est uniquement dans les dosages, dans les équilibres des goûts et des parfums. Et on change les cartes régulièrement. Tout cela participe à la notion de bien-être. C’est beau, c’est frais, c’est parfumé, c’est riche en goût.

Votre cuisine est très esthétique. Comment mêlez-vous ce sens de l’esthétisme au goût ?

WL : Pour moi, c’est intimement lié. L’esthétique est très importante. La beauté, la fraîcheur et la couleur des produits vont déclencher tout de suite l’envie de cuisiner. On a une variété de légumes, on travaille beaucoup sur les agrumes, sur les herbes. On a des maraîchers différents qui nous amènent des légumes qui sont magnifiques. L’esthétique nous inspire et déclenche l’envie de cuisiner. A nous ensuite, avec tout un jeu de construction, de jouer avec les formes des ingrédients, les couleurs. C’est un petit peu ce côté « mise en scène architecturale », l’artistique, le côté « peintures », les couleurs, pour éveiller l’œil du client. Le rapport au design/cuisine intervient : on frappe l’œil. C’est à moi de savoir exprimer le goût d’un parfum, pouvoir le mettre en scène. L’esthétique et le goût sont intimement liés, on ne peut pas dissocier les deux.

(c) Rdv Communication

Quel est le concept de votre restaurant, Ze Kitchen Galerie, dans le 6ème arrondissement de Paris ?

WL : L’idée de base du restaurant est de recréer l’ambiance d’une galerie, dédiée à l’exposition permanente de quatre ou cinq artistes. Une « galerie », notamment au niveau de la cuisine : elle est ouverte sur la salle, on voit les cuisiniers travailler. Et une « galerie » au niveau des produits.

Pourquoi avoir créé cette galerie culinaire ?

WL : Le restaurant est un endroit où je veux passer du temps. Autant que ce soit un univers dans lequel je me sente bien, qui corresponde à mon état d’esprit. Cette idée d’avoir une cuisine ouverte était pour recréer l’univers des open space. C’est très agréable d’y travailler. On est là, on lève la tête, on a la lumière, des artistes exposés. En plus, on voit nos clients, on peut observer leurs réactions. Il y a une espèce d’intéraction qui se crée entre la cuisine, et les clients qui sont fascinés. C’est vraiment enrichissant. On a un contact direct avec ce que l’on fait et ce qui est dégusté.

(c) Rdv Communication

N’est-ce pas intimidant de cuisiner à la vue de tous ?

WL : Le fait d’être conscient de cette transparence, une sérénité, une discipline, une rigueur s’installent assez naturellement. Cette auto-discipline devient un plaisir.

Visuels : © Rdv Communication

Judith de Bailliencourt : « La maison est un lieu convivial. »

Judith de Bailliencourt s’est lancée dans la décoration et le textile il y a vingt-cinq ans. Elle a commencé par réaliser des dessins de nappes et à les faire tisser dans le Piémont. Toutes les matières nobles, en particulier le coton, l’intéressaient beaucoup. La qualité était là et le succès au rendez-vous. Rencontre avec une passionnée.

(c) Jean RiZ

Vos créations sont-elles uniques ?

Judith de Bailliencourt : Les créations sont uniques. Des hôtels comme le Ritz peuvent nous faire une demande du type : « J’ai un thème sur les bordures de mes assiettes, quelle nappe pourriez-vous me proposer en association ? » Je tisse la bordure exacte des assiettes sur la nappe et je propose au client.

En quoi consiste votre rôle ?

JDB : Je ne suis pas dessinatrice mais je suis partie prenante lors de la création. J’ai un contact direct avec le client, que ce soit en hôtellerie ou pour un particulier. Les clients me donnent le ton de ce qu’ils envisagent de faire d’ici quelques mois, puis on fait un mix de tout et des propositions par la suite. L’idée finale arrive au fil du temps. Par contre, je tiens à préciser que je ne fais rien toute seule, c’est toujours une équipe. Nous sommes trois et rien ne se fait sans l’accord de tout le monde.

Suivez-vous la demande des clients ?

JDB : Le client sait souvent ce qu’il veut, mais de temps en temps il vient nous voir et il n’a pas d’idées. Nous allons voir sa propriété, son hôtel, et en fonction de ce que je lui propose, on décide ensemble du résultat. Cependant, je laisse toujours décider en dernier le client. Pour nous, le client est à mettre au premier plan.

(c) Jean RiZ

Concernant les produits de la marque Quagliotti, pouvez-vous nous en dire un peu plus?

JDB : Nous nous occupons beaucoup de satin de coton pour le lit, avec des finitions spéciales, des coloris spéciaux. Nous ne faisons pas de broderies, trop sophistiquées pour nous. Les nappes c’est la même chose, même si elles sont souvent moins classiques que les draps. Nous sommes prêts à proposer de nouvelles idées: si on nous demande une housse pour un lit avec tel type de bordure, nous avons des tapissiers et nous pouvons répondre à n’importe quelle demande.

Pourquoi avoir choisi ce métier?

JDB : J’aime le contact avec les gens. Une maison c’est toujours plaisant. J’aime l’ambiance de la maison et recevoir. J’ai des origines slaves et orientales et pour moi la maison est un lieu convivial, à l’image de ma marque.

 Visuels : © Jean RiZ

Mathilde Dewilde : « Pour moi, la cuisine se goûte aussi visuellement.»

Cette semaine, Paris, l’une des capitales de la mode, accueille les défilés Haute-Couture de la saison printemps-été. A cette occasion, Mathilde Dewilde, « directrice de communication, auteur, blogueuse sur Mathilde’s Cuisine, PR addict, conteuse d’histoires culinaires, chocoholic… mais surtout passionnée », comme elle se décrit, nous explique les parallèles entre haute-cuisine et haute-couture. Entretien avec une véritable foodista qui croque chaque expérience de vie à pleines dents…

(c) Barbara Siegel

Qui est Mathilde ?

Mathilde Dewilde : Mathilde est une grande passionnée qui a plongé dans l’univers de la gastronomie et de la cuisine il y a quelques années, en 2008, quand elle a lancé son blog, Mathilde’s Cuisine. Ce blog est une plateforme d’expression sur le monde culinaire de manière générale. Je ne parle pas précisément de cuisine, car je trouve que le mot est très réducteur. Je préfère parler de monde culinaire. Le blog parle des nouveaux restaurants, des nouvelles tendances. J’essaie d’avoir une approche un peu différente des blogs classiques centrés autour des recettes. J’essaie toujours de raconter une histoire derrière un restaurant, une recette, ou un nouveau produit.

Quelle est votre définition d’une « foodista » ?

MD : La « foodista » c’est celle qui s’intéresse à l’univers de la cuisine de manière générale, qui va être à la recherche de la dernière adresse qui vient d’ouvrir, du dernier produit qu’il faut absolument avoir dans ses placards. C’est aussi quelqu’un qui aime beaucoup recevoir chez soi et cuisiner pour ses invités. C’est quelqu’un également à l’affût des dernières émissions culinaires, qui va agrandir sa pile de livres à la maison… C’est une passionnée du monde culinaire.

(c) Mathilde Dewilde

En quoi la gastronomie et les tendances sont-elles similaires, complémentaires ?

MD : Il y a un beau parallèle à faire. Ce qui est important pour la foodista, c’est de travailler et d’utiliser les produits de saison. La mode a ses saisons ; les produits également. On ne va pas manger des tomates en hiver et des poireaux en été, mais plutôt le contraire. Il faut être capable d’identifier quel est le produit ou la tendance du moment. On a vu par exemple la folie des macarons et la folie des cupcakes, le kimchi (ndlr. mets traditionnel coréen composé de piments et de légumes fermentés, souvent à base de chou chinois) qui a fait son entrée sur les étals des marchés l’année dernière, le fameux kale (ndlr. chou sauvage) qui prend également de l’ampleur… Ce côté tendances et mode on le retrouve dans les produits mais chez la foodista elle-même car c’est quelqu’un qui aime prendre soin de soi, et qui prend du plaisir à bien recevoir !

La gastronomie est-elle donc un laboratoire de tendances, un reflet de la société ?

MD : Complètement ! Je pense qu’on le voit de plus en plus avec les chefs qui se mettent en avant, dans les nouvelles campagnes de communication. Le BHV Marais par exemple a mis en avant des chefs pour Noël. Cette folie autour du fooding met en lumière la jeune génération. On le voit également avec des campagnes de communication. UNIQLO, par exemple, a travaillé sur les tendances autour des couleurs et de ses représentations en cuisine…

Il y a vraiment un parallèle entre le monde de la cuisine, qui s’est démocratisé avec toute cette médiatisation, au travers d’émissions culinaires comme « Top Chef » ou « Le Meilleur Pâtissier ». Cet engouement autour de la cuisine n’est plus réservé à des experts, à des chefs. Tout le monde peut faire de la cuisine. Elle n’est plus une cuisine de grand-mère mais une cuisine où chacun peut s’exprimer avec récréation.

Les créateurs et designers ont tous leurs pièces ou collections emblématiques. Quel est votre plat signature ?

MD : Je suis une chocoholic ! (Rires) Comme toute mode, je suis quelqu’un qui ne répète pas les choses et j’ai beaucoup de mal à faire plusieurs fois le même plat. Je vais toujours aller dans la créativité, dans l’innovation et aller cuisiner quelque chose de différent à chaque fois. C’est vrai, ceci dit, que j’ai toujours un retour vers le monde du chocolat, en particulier les sphères en chocolat que j’aime beaucoup réaliser ! Je les avais faites lorsque j’ai participé à l’émission « Un Dîner Presque Parfait » et plus récemment pour un dîner de Noël. Je trouve ce travail du chocolat particulièrement intéressant !

Avant de réaliser une nouvelle œuvre culinaire, passez-vous par un processus créatif comme le font les créateurs et designers ?

MD : Complètement ! J’ai réalisé un dîner dernièrement pour une dizaine de personnes et je me suis surprise à sortir mon cahier, dessiner mon dessert, et réfléchir aux différentes recettes et à la manière dont elles pouvaient prendre forme ! Il y a non seulement un processus créatif dans la cuisine, mais également dans la réception. Ce que j’aime beaucoup, c’est penser à la manière dont un plat va s’exprimer dans une assiette, quelle assiette je vais choisir pour mettre sur ma table, à quoi va ressembler ma table, quel type de nappe et de couverts je vais choisir, la couleur ou les motifs des serviettes, quelles fleurs vont aller avec l’ambiance de la table… C’est vraiment tout un ensemble qui donne au monde culinaire son expression. Du véritable « art culinaire » !

(c) Mathilde Dewilde

Justement, comment pensez-vous l’art de la table ? Est-ce le contenu de l’assiette qui va définir l’ambiance et la mise en scène, ou au contraire, la décoration qui détermine les plats dégustés par les invités ?

MD : C’est une combinaison des deux. Je vais plutôt partir du plat et réfléchir à sa présentation dans l’assiette, puis construire ma table. Ce qui est très intéressant, c’est justement d’être en permanence inspirée et en permanence dans une ébullition d’idées !

En quoi l’art culinaire est-il une forme de design ?

MD : Je pense qu’il l’est surtout dans la présentation des plats. Aujourd’hui, on ne sert plus la purée à la louche mais avec un emporte-pièce pour former un rond sur l’assiette. Au restaurant, le dressage d’une assiette est devenu aussi important que le plat. Pour moi, la cuisine se goûte aussi visuellement. Le premier rapport que l’on va avoir avec le plat est visuel, il doit donc être intéressant à regarder pour qu’il mette l’eau à la bouche.

Visuels : © Mathilde Dewilde – Mathilde’s Cuisine ; DR.

Le coup de cœur de la semaine : le jambon ibérique

La légende raconte que le premier jambon est né après qu’un porc se fut noyé dans une rivière dont les eaux avaient une forte teneur en sel. Après avoir récupéré le porc, les bergers le firent rôtir et découvrirent alors que sa viande était délicieuse. Focus sur le jambon ibérique, un trésor gastronomique à découvrir.

© patanegriamor

Considéré comme l’un des meilleurs du monde, le jambon ibérique est un jambon cru espagnol traditionnel, tenant un rôle prépondérant dans la gastronomie du pays. Il est obtenu à partir de porcs de race ibérique (cerdo ibérico) de couleur noire. Il ne doit pas être confondu avec le jambon serrano, obtenu dans les mêmes conditions et souvent aux mêmes endroits, mais à partir de porc blanc.

Les porcs noirs, qui constituent la base du jambon ibérique, se nourrissent presque exclusivement de glands. Ils possèdent une chair incomparable : le gras est présent, sans pour autant dominer le goût. De succulentes charcuteries sont confectionnées à partir de porc ibérique, comme le chorizo ou le saucisson.

Il existe des variétés de jambons ibériques classées par qualité. Le « jamón ibérico de cebo » est obtenu par des porcs de gavage, de moins bonne qualité que le « jamón ibérico de bellota », dont les porcs consomment presque exclusivement des glands des forêts de la Sierra.

Concernant le mode de fabrication, les jambons devront passer par plusieurs phases :

La salaison
Cette première phase consiste à ajouter du sel à la masse musculaire du jambon. Cela permet de détruire le développement des bactéries indésirables et de pouvoir conserver la viande naturellement. Chaque pièce est introduite dans du sel à raison de tant de jours que de kilos de viande. Il se produit alors un phénomène de sortie de jus de la musculature, et le sel entre à l’intérieur et se diffuse. Ce procédé a lieu entre 2° et 4°C.

La post salaison
Une fois la salaison terminée, les jambons sont lavés à l’eau froide afin d’éliminer le sel accroché à leur superficie. Par la suite, ils sont moulés, profilés, affinés et suspendus. Suit alors une période d’équilibrage durant laquelle la température et l’humidité sont contrôlées pour que le sel atteigne toutes les parties du jambon. Cette phase dure environ 60 jours.

© spanishtaste.fr

Le séchage naturel
Cette phase a lieu à l’air libre pour conditionner l’existence de la flore bactérienne, favorable à la maturation de la viande. Les jambons sont pendus dans des salles de séchage naturel. Elles sont équipées de moustiquaires, de volets, de ventilateurs et de chauffages. Petit à petit, les jambons suspendus vont perdre leur humidité grâce à un contrôle rigoureux de la température, qui doit être comprise entre 15°C et 30°C. Ils y resteront de 6 à 9 mois.

La maturation
Dans des caves, les jambons continuent à perdre leur humidité, pour atteindre après une période de 36 mois, ce goût si caractéristique et incomparable des jambons de bellota.

© jambon-iberique-de-bellota-grande-reserve

Pour bien choisir un jambon ibérique, il existe plusieurs prérequis :

– Un jambon ibérique n’est jamais très gros, il est étroit, mince, l’os est long et stylisé. La longueur doit toujours dominer par rapport à la largeur.

– La partie intérieure, là où le jambon a été dépecé, doit être irrégulière, jaunâtre et tachetée.

– La graisse jaunâtre de la croûte du jambon ibérique ne doit pas gêner l’achat. Cette couleur est due à l’oxydation de la viande et à son temps de maturation. Si cette graisse tire sur le blanc, cela signifie que le jambon est encore trop frais.

– Comme tout produit exceptionnel, le jambon ibérique de bellota est cher. Méfiez-vous des prix trop bon marché !

© lacaveaterroirs

Côté nutrition, le jambon ibérique est plus qu’un simple produit gastronomique : il contient d’innombrables vertus pour notre santé. Sa viande, peu calorique, réduit le cholestérol ; elle contient de nombreuses vitamines et de l’acide folique, particulièrement bon pour le système nerveux et le cerveau. De plus, le jambon est riche en minéraux, indispensables à la bonne conservation de nos os et de nos cartilages ; c’est aussi un antioxydant et un excellent protecteur du système cardio-vasculaire. Alors, régalez-vous !

Visuels : © DR