« Dans la perfection et pour l’amour de l’ouvrage bien fait » ; c’est ainsi que Joseph Bertrand, fondateur de la distillerie alsacienne qui porte son nom, voyait la fabrication de ses eaux de vie de fruits. Presque 140 ans plus tard, la distillerie, héritière d’une longue tradition familiale, de patience et de savoir-faire, produit toujours ses eaux de vie incomparables et s’est depuis dix ans lancée dans l’aventure du whisky. C’est notre coup de cœur de la semaine.
En Alsace, la distillation est une tradition. En effet, protégée des vents dominants d’Ouest par le massif Vosgien, cette région bénéficie d’un terroir et d’un climat privilégiés: une forte chaleur en été avec peu de précipitations et un sol, de granit et de porphyre, recouvert d’alluvions très fertiles, qui favorise la culture et l’épanouissement des arbres fruitiers. La nature est d’ailleurs généreuse autour du village d’Uberach ; elle est l’une des sources de matières premières pour la fabrication des eaux-de-vie.
L’effervescence est à son comble à la distillerie pendant l’été. Des centaines de kilos de fruits, frais et mûrs à point, sont rentrés, contrôlés puis mis en cuves. Tassés sous leur propre poids, ils forment rapidement une masse sucrée et parfumée sur laquelle les levures entrent en action. Ces levures transforment les sucres naturels des fruits en alcool. Cette étape essentielle est surveillée attentivement par le Maître de chai car la qualité du produit final se joue en quelques jours. Après fermentation, les purées de fruits reposent pendant plusieurs mois. Dans ce milieu vivant, des arômes vont se créer, évoluer et se fondre pour donner les futures senteurs des eaux-de-vie.
Autre étape tout aussi importante que la fermentation dans l’élaboration des eaux-de-vie : la distillation. En hiver, les fruits fermentés sont déposés dans un alambic. Doucement, la flamme va volatiliser l’esprit du fruit, concentrer ses arômes et permettre, très lentement, l’écoulement d’une eau-de-vie claire et riche de saveurs. Les premières et dernières fractions de la chauffe, plus lourdes et moins fines sont éliminées. A la Distillerie Bertrand, seul le cœur de chauffe, pur, fin et raffiné est travaillé.
La période de maturation est le dernier échelon dans la fabrication de l’eau-de-vie. Conservée au frais dans des cuves et régulièrement dégustée, l’eau-de-vie évolue avec le temps et s’affine au fil des mois.
Depuis plus de 135 ans, la distillerie Bertrand est une invitation au voyage au royaume des arômes. Les eaux-de-vie « Tradition », les « Très Vieilles Réserves » (cuvées d’exception) et les cuvées « Célébration » composent un panel exceptionnel de produits, où la subtilité des arômes est un véritable terrain d’expression : eau-de-vie de framboise, florale et féminine ; eau-de-vie de mirabelle, pleine de caractère et de générosité ; eau-de-vie de poires Williams gorgées de soleil, délicate et puissante ; Kirsch d’Alsace, la plus renommée des eaux-de-vie d’Alsace, obtenue à partir de cerises noires à gros noyaux dont les arômes sont puissants et corsés ; le Quetsch, une eau-de-vie florale et fraîche ; la vieille Prune, issue de la distillation des Prunes et de Quetsch d’Alsace, une eau-de-vie aux senteurs vanillées et boisées ; la fleur de bière, unique, élaborée à partir d’une bière de garde maltée distillée en alambic de cuivre, aux nuances de fleur de houblon et de fruits exotiques.
Même si la tradition est une référence pour cette distillerie d’Uberach, elle n’occulte en rien le besoin d’évolution de la maison. La génération Bertrand n’étant plus présente, Jean Metzger, désormais à la tête de la distillerie, a décidé en 2003 de faire évoluer la maison et de se lancer dans l’aventure du whisky.
Douillettement nichée dans les vallons de l’Alsace du Nord, la distillerie du village semblait prédestinée à la fabrication du single malt : Uberach signifie «au-delà de la rivière» et l’eau qui coule dans ses cours est d’une pureté idéale et indispensable à l’élaboration du whisky. L’activité brassicole existe par ailleurs depuis des années dans tous les villages aux alentours d’Uberach et dans le Val de Moder.
«Commercialiser un whisky qui porte le nom d’un village est le moyen de faire transparaître une véritable identité locale et de travailler étroitement avec la production locale et les brasseurs,» explique Jean Metzger, «Ce single malt a vite plu. Les gens étaient curieux de savoir quel goût ce whisky d’Alsace pouvait avoir. Certains amateurs de whisky pensaient qu’il allait être tourbé, ou iodé, mais en fait non. Chaque whisky a sa touche personnelle, chaque whisky a son propre goût. Bien sûr, il y a des points communs à tous les whiskys, mais ils sont tous uniques. »
Couleur dorée, un nez aux arômes d’abricots, d’épices chaleureuses et de fruits secs, des notes de bière brune, de raisins secs et de confiture d’orange, le single malt d’Uberach ravit les palais des connaisseurs, même les plus avertis. Forte de son succès, la distillerie prévoit d’ailleurs une édition spéciale pour célébrer les 10 ans de la fabrication de son premier single malt.
Comme quoi un petit coin de terroir alsacien peut devenir l’ambassadeur du bon goût français à travers le monde…
1 million de pintes en sont vendues chaque jour en Irlande et 5 millions de pintes dans le monde, soit un total de 25 000 hectolitres quotidiennement… De quelle boisson s’agit-il ? De la Guinness, bien évidemment ! Cette bière noire coiffée d’une mousse blanche a fait le tour du monde depuis sa création grâce à sa saveur et son aspect si particuliers. Première boisson alcoolisée vendue en Irlande, la Guinness est aussi le symbole d’un pays qui fête cette semaine la Saint Patrick ; c’est notre coup de cœur de la semaine.
HISTOIRE
La Guinness est née en 1759 à Dublin, en Irlande. Arthur Guinness signe cette année-là un bail de 9 000 ans pour une brasserie désaffectée de St. James’s Gate. En contrepartie, il doit initialement verser £100 puis un loyer annuel de £45 – ce qui inclut les droits d’accès à la voie navigable. La brasserie a une superficie de 4 acres et comprend une chaudière à houblonner, un moulin, deux malteries, une écurie de douze chevaux et un grenier pour entreposer 200 tonnes de foin. Arthur Guinness commence à produire une bière de type « porter », bière de fermentation haute et ancêtre de la Guinness, ainsi qu’une « ale », autre bière de fermentation haute. En 1769, six barils et demi de bière Guinness quittent Dublin à bord d’un voilier à destination de l’Angleterre. Vu le succès de son breuvage, Arthur Guinness produit en 1799 la dernière « ale » à Dublin et décide de se concentrer uniquement sur la production de « porter », bière de plus en plus populaire.
Profitant de l’expansion de l’Empire britannique, la Guinness s’exporte aux quatre coins du globe : en 1811 elle atteint Lisbonne, au Portugal, en 1820 elle s’établit à Guernesey, Barbade,Trinité-et-Tobago et au Sierra Leone, en 1840 elle met le pied à New York et en 1858 c’est la Nouvelle Zélande qui profite de cette boisson maltée. Dès 1870, 10 % des ventes de la société s’effectuent hors d’Irlande et en 1886, la brasserie Guinness s’impose comme la plus importante brasserie au monde avec une production annuelle de 1,2 million de barils et presque 3 millions de barils en 1914.
En 1929, la première publicité Guinness portant le slogan « Guinness is good for you » est publiée dans la presse nationale britannique. La campagne « My Goodness, My Guinness » (Mon Dieu, Ma Guinness), créée par John Gilroy – série d’affiches d’un gardien de zoo affolé et de ses animaux espiègles – fait la renommée de Guinness et pose les fondations d’une communication basée sur l’humour et l’originalité.
Encore aujourd’hui, Guinness dispose d’une forte identité publicitaire et use des caractéristiques gustatives et esthétiques de la boisson pour s’associer à des valeurs de force, de patience et bon vivre. Guinness a d’ailleurs reçu de nombreux prix lors de concours publicitaires internationaux.
Depuis novembre 2000, l’ancienne brasserie de St. James a été reconvertie en musée et en magasin. Outre un espace en forme de pinte géante au centre de l’édifice, le visiteur peut découvrir l’histoire de la Guinness, une collection de publicités (films et affiches), une exposition sur l’artiste John Gilroy et profiter des espaces de dégustation et de relaxation pour pleinement comprendre le processus de fabrication de la boisson.
SECRETS DE FABRICATION
La Guinness est un stout, bière de fermentation haute issue des bières « porter », produite à partir d’eau, de malt d’orge, de houblon et de levure de bière. Sa couleur brune presque noire et sa saveur proviennent de l’utilisation de malts hautement torréfiés et de grains d’orges cuits à la vapeur puis grillés. L’orge utilisée provient exclusivement d’Irlande, tout comme l’eau qui est pompée à la source Lady’s Well dans les montagnes de Wicklow. La couche de mousse couleur crème caractéristique de la Guinness est le résultat d’un ajout d’azote durant le tirage (le service à la pression).
La Guinness Draught est la variété phare de la gamme Guinness et la bière la plus vendue en Irlande. Peu alcoolisée et rafraîchissante, elle est brassée à partir d’un moût dont la teneur en grains hautement torréfiés lui donne une couleur foncée ainsi qu’un goût de café ou de cacao. L’autre gamme de la maison Guinness est les Extra Stout, plus forte, plus « corsée », à l’amertume plus marquée. Actuellement, la Extra Stout est brassée sous licence dans certains pays à travers le monde. Cependant, la matière première est préparée à Dublin puis envoyée afin d’être mélangée avec de la bière produite localement.
LE SAVIEZ-VOUS ?
• La Guinness est une bière particulière qui supporte mal le transport. Pour l’exporter vers un pays à climat tropical, il est nécessaire d’en augmenter le degré d’alcool ; une Guinness irlandaise fait 4,2° alors qu’une Guinness antillaise en fait 7,5°. La Guinness a également une saveur et une caractéristiques différentes selon le pays (variation du degré d’alcool), le conditionnement (bouteille, canette, fût), le service (pression ou non) et la variante du produite (draught, extra cold, gold, pilsner,…).
• En dépit de sa réputation de «repas dans un verre», la Guinness ne contient que 125 kilocalories par pinte, ce qui est inférieur à une portion égale de lait écrémé ou de jus d’orange.
• Une équipe de chercheurs d’une université du Wisconsin aurait mis en évidence un effet bénéfique pour le cœur de la consommation de Guinness, comparativement à la consommation de lager. Ils attribueraient cet effet à la présence dans cette bière d’éléments antioxydants similaires à ceux trouvés dans certains fruits et légumes, ralentissant le dépôt de cholestérol dans les artères.
CONSOMMATION
Idéalement, la Guinness est servie fraîche, à 6 °C dans une pinte en verre. Servie à la pression, il lui faut une tireuse spécifique à azote, les autres bières utilisant principalement du dioxyde de carbone. L’action de l’azote exige plus de temps que le dioxyde de carbone et forme de plus petites bulles. Ces bulles forment une mousse dense, crémeuse et relativement persistante. Selon les « règles » du service d’une Guinness, une pinte demande près de 2 minutes – 119,53 secondes selon la brasserie – pour être tirée. Traditionnellement, les barmen remplissent la pinte aux ¾, attendent que les bulles se stabilisent et que le chapeau de crème redescende avant de terminer de servir la pinte. Guinness a d’ailleurs fait de ce service particulier un slogan: « Good things come to those who wait. » (Les bonnes choses viennent à ceux qui savent attendre). Normalement, lorsqu’une Guinness est servie à la pression, on doit pouvoir dessiner un trèfle dans la mousse, celle-ci devant être épaisse. Si le trèfle s’efface ou qu’il est impossible de le dessiner, le client peut, s’il le veut, ne pas payer sa Guinness…
La Guinness est aussi une base idéale à l’élaboration de cocktails, baptisé « Black Stuff » (du noir) ou « Devil’s Nectar » (nectar du diable) par les barmen. Le plus célèbre cocktail est le Black Velvet, fait à base de Guinness et de champagne brut. Cette boisson célèbre vit le jour en 1861 au Brook’s Club à Londres. Le Prince Albert venait de mourir et tout le monde était en deuil. L’histoire raconte que le stewart du club, saisi par l’’émotion, ordonna que même le champagne devait porter le deuil et il y ajouta de la Guinness. Le goût se révéla si délicieux que le Black Velvet ne tarda pas à devenir extrêmement populaire.
Autre cocktail populaire, le Guinness Shandy. Ce cocktail aurait été inventé par hasard par les All Blacks, l’équipe de rugby à XV de Nouvelle-Zélande, pendant une tournoi mondial. Après un match, les joueurs auraient commandé de la Guinness avec de la limonade en guise de panaché. L’équipe trouva le mélange très rafraîchissant et l’adopta immédiatement !
Historique, symbolique d’une culture et d’un patrimoine culinaire, versatile dans son utilisation et sa dégustation, riche en couleur et en saveurs, la Guinness est aujourd’hui l’une des « stout » les plus vendues et les plus appréciées au monde, et ses arômes caramélisés ne cessent de ravir les gosiers des amateurs du monde entier. My Goodness, get me a Guinness !