Le coup de cœur de la semaine : le Château Bourillon

Outre sa gastronomie riche de terroir et de saveurs, la région Touraine produit un vin reconnu à l’international : le Vouvray. Mousseux, pétillant ou tranquille, brut, sec, demi-sec, et moelleux, le vin de Vouvray, dont l’Appellation est d’Origine Contrôlée depuis 1936, a su se faire une place de choix au sein du patrimoine vinicole français. Frédéric Bourillon, à la tête du Domaine Bourillon Dorléans, travaille chaque jour à perpétuer la tradition de sa famille. C’est notre coup de coeur de la semaine.

Classé patrimoine mondial par l’UNESCO, Vouvray se situe à quelques kilomètres de Tours. Riche d’un vignoble à la limite entre l’influence océanique et l’influence continentale, cette région, composée de 3000 hectares de coteaux, permet aux vignerons qui y sont établis d’élaborer des cuvées de fines bulles, des vins secs, demi-secs ou même moelleux, lorsque l’été indien accompagne les vendanges. Le Chenin, cépage roi du Val de Loire, s’exprime dans la région et sur le terroir comme nulle part ailleurs.

(c) Vin de Vouvray

Ce sont les accidents géologiques, formés il y a près de 90 millions d’années, qui ont conféré au terroir de Vouvray toute sa diversité. Parfois qualifié de « micro-terroir », on y retrouve des sols calcaires, des terrains argileux avec une couche de calcaire (appelés « aubuis »), ainsi que des terrains où se côtoient l’argile et le silex (appelés « perruches »).

Le vignoble historique et multiséculaire de Vouvray, façonné par le savoir-faire des hommes au fil des siècles, a deux singularités régionales.

(c) Vin de Vouvray

L’une, est la désignation des cultures par « clos » ou « lieu-dit ». Le « lieu-dit » désigne une entité cadastrale, que l’on retrouve à de multiples exemplaires sur l’aire d’appellation Vouvray, reflet d’une identité géologique. Cependant, tous les lieux-dits ne sont pas des « clos » mais tous les clos de Vouvray sont des lieux-dits. Ils sont clos, c’est-à-dire ceints de murs de pierre où le feu du silex se marie à la tendresse du calcaire. Captant la chaleur solaire ils affirment haut et fort la réputation de l’endroit, de son vin. Ils signent l’identité et la richesse séculaire des vins de Vouvray.

L’autre, est le fait que les coteaux de l’appellation Vouvray surplombent des caves troglodytes. Ces caves, creusées dans le tuffeau des coteaux, sont d’anciennes carrières de pierres de taille, extraites pour la construction des maisons, des églises et des murs des Clos. Elles procurent naturellement des conditions idéales de température et d’hydrométrie pour l’élevage et le vieillissement des vins issus des vignes qui les entourent.

(c) Château Bourillon

De fait, grâce à leur terroir caractéristique, les vins de Vouvray ont une belle capacité de vieillissement. Cinq à dix ans de garde leurs donnent une belle maturité. En effet, au fil du temps, la couleur devient plus ambrée, les notes de fruits exotiques, d’épices se développent, la richesse aromatique devient plus complexe et la texture devient encore plus soyeuse. Le vin s’arrondit mais son acidité naturelle maintient une bonne colonne vertébrale, il garde de la vigueur. Cette longévité s’explique par la qualité et la diversité du terroir, travaillé par les vignerons qui y exercent leur savoir-faire et confèrent aux vins de Vouvray une originalité et une personnalité incomparable.

Les vignerons de Vouvray, propriétaires depuis plusieurs générations ou nouveaux venus, écoutent la nature, respectent l’expression du terroir et recherchent avec acharnement le plus haut niveau de qualité. Leurs vins sont le fruit de leur travail et de leurs convictions.

Frédéric Bourillon, à la tête du Domaine Bourillon Dorléans, s’attache à perpétuer l’esprit traditionnel et la qualité de ses vins de Vouvray. Il doit sa passion et son savoir-faire à son grand-père, Gaston Dorléans, qui a fondé le domaine en 1921. Les vignes du domaine couvrent 26.5 hectares, sur les coteaux de la commune de Rochecorbon à l’appellation Vouvray et proviennent d’un seul cépage.

(c) Château Bourillon

Cette culture de la vigne respectueuse de la nature, garantit des produits d’une qualité optimale et régulière. La culture en lutte raisonnée et l’enherbement des vignes, l’utilisation des sarments broyés à la place des engrais chimiques et la réduction des rendements, optimisent la richesse aromatique des vins. De renommée internationale, les vins secs et moelleux du Domaine Bourillon Dorléans ont aussi la particularité de vieillir à température idéale dans les caves troglodytes du 15ème siècle. Chaque jour, Frédéric Bourillon puise sa philosophie et son amour du vin dans les millésimes vinifiés par le fondateur du domaine, afin que la tradition et la passion du beau produit se transmette encore longtemps…

Visuels : © Château Bourillon ; Vin de Vouvray.

Valérie Rousselle : «Les rosés Crus Classés sont l’élite des vins de Provence. »

Ça y’est, la belle saison prend doucement ses quartiers d’été ! Fruits et légumes gorgés de soleil, terrasses doucement caressées par les rayons déclinants d’une chaude journée, la période estivale est le moment idéal pour découvrir de nouvelles saveurs et dégourdir ses papilles, en particulier à l’apéritif. Valérie Rousselle, à la tête du Château Roubine, domaine Cru Classé, produit une boisson rarement dissociée de l’été : le rosé. Entretien ensoleillé avec la propriétaire, qui nous parle du rosé, de ses subtilités de couleur et de goût, et des associations aussi surprenantes qu’elles sont délicieuses entre mets et rosé…

Présentez-nous le domaine et le Château Roubine en quelques mots.

Valérie Rousselle : Château Roubine est un domaine Cru Classé depuis 1955. C’est une propriété qui est l’un des fleurons de l’appellation Côtes de Provence. Il a appartenu à l’histoire, puisqu’il est traversé par la voie romaine dite « Julienne », puis il a appartenu à l’Ordre de Saint-Jean de Jérusalem. C’est un domaine qui a une histoire très forte et marquée, ce qui est la force des grandes propriétés provençales. J’ai initialement une formation dans l’hôtellerie, j’ai fait l’école hôtelière de Lausanne, puis après avoir travaillé pour le Groupe Barrière, j’avais l’intention et l’envie de revenir vers ma région d’origine – je suis native de Saint Tropez et varoise de cœur. En voyant Château Roubine en 1994, je suis vraiment tombée en amour pour ce domaine qui est magnifique. C’est un domaine d’un seul tenant, entouré de pins et de chênes, un écrin de vignes situé dans ce joli arrière-pays varois, entre Lorgues et Draguignan. Château Roubine c’est également 130 hectares de propriété et 92 hectares de vignes pour une production de 800 000 bouteilles.

(c) Château Roubine

Un petit éclaircissement pour les néophytes : d’où vient la couleur rose du rosé ?

VR : Le rosé n’est pas coupé. Le rosé est véritablement une couleur de vin tout à fait identifiée et il faut énormément de technique pour le réussir. On a tendance à croire que pour faire du rosé c’est assez facile ; le réussir est extrêmement difficile. Le rosé nécessite une grande maîtrise des températures. Le rosé est un vin qui est fait à partir de baies noires, qu’ils proviennent des cépages Syrah, Cabernet Sauvignon, Grenache, Tibouren ou Cinsault. Quand vous ouvrez un grain de raisin noir et que vous pelez la peau, vous voyez que la chair est blanche ou pâle à l’intérieur. La richesse d’un rosé, sa complexité, est obtenue par ce contact pelliculaire. Nous récoltons les baies à très basse température, de nuit, afin d’être obligatoirement en dessous de 17°C – nous avons par ailleurs été les précurseurs de la vendange nocturne. Plus c’est frais, meilleur est le rosé. A ce moment-là, nous allons fouler et écraser les baies et laisser en contact l’eau, les jus et le raisin. C’est cette macération pelliculaire qui va donner de la complexité au vin. Il faut noter que les pigments qui sont contenus dans la peau rouge se diffusent par l’action de la chaleur. C’est pour cela que vendanger la nuit permet d’avoir la complexité du goût sans avoir la couleur.

La couleur a-t-elle une importance pour le goût ?

VR : Absolument. On peut avoir une couleur pâle tout en ayant de la complexité. Travailler le vin à basse température lui permet d’avoir de la complexité. Il est vrai que dès lors qu’un rosé sera un peu plus soutenu en couleur, il sera plus fort en goût puisque la macération pelliculaire va être plus intense. Le rosé plus foncé sera peut-être moins léger, moins complexe, moins délicat, légèrement plus grossier. Ensuite, cela dépend des goûts. Les personnes qui préfèrent des rosés plus soutenus en bouche, ceux qui ont plus de corps, vont également préférer des rosés plus soutenus en couleur. Tout dépend aussi des marchés. Les marchés nordiques, par exemple, préfèrent des rosés aux couleurs plus soutenues. Ce rosé pâle est une tendance très Côte d’Azur, très Paris, très mode. C’est tendance. Les autres appellations productrices de rosé cherchent à copier la Provence, car celle-ci reste un modèle en matière de rosé. C’est en Provence que le premier rosé est né, nous en sommes vraiment les précurseurs, les Pères et les Mères du rose. C’est d’ailleurs la Provence qui a lancé la tendance et nous en sommes très fiers.

(c) Château Roubine

Le vin rosé est souvent associé à du vin bas de gamme. Le rosé a pourtant une appellation de Cru Classé ?

VR : J’ai la chance d’avoir été présidente, de 2005 à 2008, des Crus Classés. Nous étions 23 en 1955, nous ne sommes plus que 18 aujourd’hui. Nous représentons vraiment les locomotives de l’appellation. Les domaines Crus Classés ont été les pionniers en matière de progrès en vinification. Il n’y avait pas que des Crus Classés, mais ceux qui l’étaient faisaient partie de ces pionniers. Aujourd’hui ce sont les leaders de l’appellation qui restent Crus Classés, même si certains ne le revendiquent pas forcément. Les domaines de Crus Classés sont vraiment l’élite des vins de Provence.

En quoi le rosé est-il un vin associé à l’été ?

VR : Je pense qu’il l’est de moins en moins. On s’aperçoit qu’il est plutôt devenu une boisson à la mode. La grande tendance à présent se trouve dans les boîtes de nuit à Paris : les jeunes se mettent au rosé. Je trouve cela bien, car ça évite évidemment de s’orienter vers des spiritueux dont l’alcoolisation est plus forte et dont la consommation est bien plus dangereuse. La tendance, la mode maintenant, c’est de commander du rosé en boîte de nuit ou de prendre l’apéritif au rosé. Ça permet tout de même, d’un point de vue éducatif aussi, d’amener tout doucement les jeunes générations à comprendre le vin de manière simplifiée. Le rosé décomplexe un petit peu. On a moins besoin d’être expert pour apprécier un rosé. Dans l’esprit, ça ne veut pas dire que ce n’est pas compliqué ; cela décomplexe les gens qui veulent aborder l’œnologie. En démarrant par le rosé, cela semble plus facile. De même pour les dames : elles ont tendance à aimer le rosé car c’est à la fois le symbole d’une boisson de convivialité, de simplicité, d’amitié, de partage tout en ayant un champ très large d’alliances.

(c) Château Roubine

Justement, quelles sont, pour vous, les meilleures associations mets et vin rosé ?

VR : Le rosé est un vin qui peut s’associer à toutes sortes de cuisines, y compris les cuisines du monde, ce qui est également la tendance aussi un peu partout. Cela peut vraiment être très varié. Il y a des rosés qui seront des rosés « de plage », d’apéritif, que l’on peut apprécier à l’image du rosé piscine. Ils sont des rosés beaucoup plus légers, qui ont moins de complexité. Vous avez aussi des rosés de grande gastronomie, qui peuvent s’associer avec de la truffe, comme le fait mon voisin Bruno à Lorgues, qui sert mon rosé Tibouren Cuvée Inspire avec des truffes. Cela peut paraître surprenant mais ça tient très bien. Ce même rosé peut vraiment être servi sur de la belle gastronomie. On peut aussi imaginer un rosé Terre de Croix avec un très beau homard au poivre rose, ou avec un magret de canard et une sauce au miel, ou sur un cabri miellé. Avec le Terre de Croix on peut même aller sur du roquefort. Cela peut paraître troublant d’imaginer un rosé sur un fromage mais ça marche très bien ! Le Château Roubine, la cuvée traditionnelle, comme vin de plage peut être apprécié sur des tapas, sur des nems à l’apéritif, sur de la tapenade, sur des choses conviviales d’apéritif. On peut vraiment imaginer plein de choses et faire toutes sortes d’alliances avec le rosé.

Quel est votre dernier coup de cœur vinicole ?

VR : J’ai un coup de cœur, qui est un grand classique et également un clin d’œil, car j’ai eu la chance de goûter un Pichon Longueville de 1990, qui m’a fait penser à mon fils aîné Adrien qui aura bientôt 23 ans ! Cette dégustation s’est faite en très bonne compagnie, avec le meilleur sommelier du monde. J’ai un autre coup de cœur aussi pour un domaine qui m’est très cher, le domaine Ampelidae en Val de Loire. J’apprécie beaucoup son Sauvignon Bio, notamment le Millésime 2009 qui est vraiment d’une grande subtilité. En coup de cœur rosé, je vais prêcher pour ma paroisse, c’est la Cuvée Inspire Rosé, qui a été médaillé d’argent au Concours Général Agricole et que j’ai récemment eu l’occasion d’apprécier sur des truffes et sur des beignets de fleur de courgette. Ce qui était simplement délicieux ! Mais j’ai des coups de cœur très souvent !

(c) Château Roubine

Visuels : © Château Roubine

L’abus d’alcool est dangereux pour la santé. A consommer avec modération.

Le coup de cœur de la semaine : le Domaine des Terres Dorées

Pour conclure cette thématique Lyonnaise sous l’égide de Bacchus, direction le Domaine des Terres Dorées, dans le beaujolais. Depuis près de 30 ans, Jean-Paul Brun, à la tête du domaine, produit un vin selon des méthodes naturelles, afin que le terroir exprime ses multiples facettes. C’est notre coup de cœur de la semaine.

La viticulture en France et dans le Beaujolais a vu le jour lors de l’occupation romaine du sol français. En effet, c’étaient les légionnaires qui plantaient les pieds de vigne pour motiver et faire avancer les légions. Lyon détenait alors le monopole du commerce du vin, la plupart des échanges se faisant grâce aux voies fluviales. Dès 59 av. J.-C, la consommation de vin fleurit au bord des grandes routes qui traversent le territoire. Grâce à son terroir favorablement orienté, la proximité de la Saône et du Rhône navigables et l’accroissement des villes, le Beaujolais intensifie son activité viticole au XVIIe siècle.

(c) Daniel Gillet

Au lendemain des guerres de seigneuries de Beaujeu, les transactions viticoles, les sociétés d’agriculture, les écoles, les solutions mécaniques et chimiques, l’arrivée du chemin de fer puis de la route incarnent le dense cheminement historique du vignoble beaujolais. Dès les années 1600, la vigne, qui pousse au milieu des prés de pâture, attire la bourgeoisie lyonnaise. Jouissant d’un droit de vente sans taxe, les notables se valorisent auprès de Paris avec ce vin «clairet » de « bons pays ». Les classements commencent à voir le jour au moment de la révolution.

Les premières Appellations d’Origine Contrôlée (AOC) sont concrétisées en 1936 et ne concernent alors que Chiroubles, Fleurie, Chénas, Morgon et Moulin-à-vent. Attribuées par l’Institut national de l’origine et de la qualité (INAO), elles sont encouragées par les viticulteurs qui désirent asseoir une identité et une qualité contrôlée de leurs produits. La démarche AOC indexe au départ l’ensemble des conditions de fabrication : de la parcelle à la cave, de la vinification à l’embouteillage. Elle a ensuite concerné, en septembre 1937, l’appellation régionale Beaujolais, répartie sur les cantons de Villefranche, Anse et du Bois d’Oingt, et sur plusieurs villages des cantons de l’Arbresle et Tarare. Le même jour étaient signés les décrets officiels du Beaujolais blanc. Vinrent au final les appellations du Juliénas en mars 1938, du Brouilly et de La Côte de Brouilly en octobre 1938. Le Saint-Amour rejoint la grande famille des crus en février 1946, avant que Régnié n’obtienne la consécration en décembre 1988.

(c) Daniel Gillet

Sur 55 Km du sud au nord, le vignoble beaujolais est enserré entre Lyon et Mâcon, appuyé à l’ouest par le Massif central et à l’est, par la plaine de la Saône. Ce vignoble de coteaux forme un tapis serré dont les teintes varient au gré des saisons, des températures, de l’ensoleillement et de la luminosité. Orientés globalement du nord-est au sud-ouest, les rangs de vigne couvrent les monts du Beaujolais à une altitude moyenne de 300 m, sous des sommets qui culminent à 1 000 m. Influencée par cette topographie où l’eau abonde, la viticulture du beaujolais répond surtout de caractéristiques géologiques singulières : des terrains argilo-calcaires et gréseux peu profonds au sud, des sols cristallins légers et acides sur les hauteurs, et granitiques au nord.

(c) Daniel Gillet

La particularité du Beaujolais réside dans son cépage unique, à l’origine de la création de 12 appellations : le Gamay noir à jus blanc. Présent en Beaujolais depuis le début du XVIIe, ce cépage a su accompagner les évolutions du vignoble et des traditions culturales collectives Aujourd’hui, près de 70% des 36 000 hectares plantés en Gamay noir à jus blanc à travers le monde appartiennent au vignoble beaujolais.

Dans le beaujolais, il faut distinguer plusieurs appellations: les Beaujolais et Beaujolais villages, déclinés pour grande partie en vin primeur à travers le Beaujolais nouveau et le Beaujolais-villages nouveau, et les dix crus indexés au terroir – Chiroubles, Fleurie, Saint-Amour, Brouilly, Côte de Brouilly, Juliénas, Régnié, Chénas, Morgon et Moulin-à-Vent.

(c) DR

Souvent réduits aux seuls « beaujolais nouveaux » (dont les arômes rappelleraient ceux de la banane…), les vins du beaujolais sont qualitatifs, goûteux, se savourent et accompagnent divinement les plaisirs de la table. Les Beaujolais nouveaux et Beaujolais-Villages nouveaux s’apprécient à 12°C, une température où la tenue en bouche est optimale, et s’accordent avec une grande variété de plats : charcuteries, fruits de mer, pommes de terre gratinées avec des oignons ou encore tartare de poisson.

Les Beaujolais et Beaujolais-Villages se dégustent, après les primeurs, à 13/14°C, un seuil qui exalte opportunément la richesse aromatique du cépage Gamay. Leurs compléments gastronomiques idéaux sont issus des traditionnels bouchons lyonnais (tripes, boudins, andouillettes, cervelas…) ou des spécialités régionales (poulet de Bresse, escargots de Bourgogne, fromages de chèvre…). Beaujolais et Beaujolais-villages sont également parfaits lors de la saison estivale pour accompagner barbecues, terrines de poisson ou de légumes, fromages de chèvre frais et salades de fruits rouges.

Les crus du Beaujolais approuvent une moyenne de 16°C qui peut être légèrement abaissée, vers 15°C, pour un cru d’une ou deux années, ou inversement légèrement rehaussée pour un vin de trois à cinq ans (17°C est tout à fait recommandé). Plus corsés et charpentés, les dix crus du Beaujolais s’accordent quant à eux merveilleusement avec les grillades de bœuf, le pot-au-feu, le foie de veau (avec sauce au Beaujolais !) mais également la volaille ou l’agneau de lait. Longs en bouche, ils s’associent également aux terrines et poissons de rivière et ne déparent nullement avec un plat de quenelles ou un coq au vin. Ils sont également irrésistibles avec des desserts, tels que le crumble aux fruits rouges, le sorbet ou encore les figues au vin ou la tarte aux noix.

(c) RDV Communication

Cependant, les vins du Beaujolais ne seraient pas ce qu’ils sont sans l’âme attentionnée de leurs vignerons. Alors que la densité des vignes en Beaujolais est l’une des plus fortes du monde (de 13 000 à 7 000 pieds à l’hectare), les artistes du vin soignent leurs pieds au fil des saisons pour conduire leurs plants vers le meilleur. C’est le cas de Jean-Paul Brun, à la tête du Domaine des Terres Dorées, l’un des meilleurs vignerons de la région qui parvient à retranscrire dans ses cuvées les qualités des terroirs du Beaujolais.

Exploitation familiale, le Domaine des Terres Dorées est situé à Charnay-en-Beaujolais, à 5 kilomètres au sud-ouest de Villié-Morgon et couvre 44 hectares répartis sur plusieurs territoires. Vigneron consciencieux et passionné, Jean-Paul Brun travaille les cépages Gamay et Chardonnay avec le plus grand soin, toujours soucieux que son terroir exprime ses multiples facettes. «Le Gamay est un cépage fragile, très peu répandu au-delà du Beaujolais, hormis quelques régions,» explique-t-il, «C’est un cépage qui demande de petits rendements, des vignerons consciencieux et passionnés.» Le cep est ainsi accompagné du premier bourgeon jusqu’à la cueillette, avec un minimum d’intervention. «La vendange ne se fait qu’à pleine maturité,» continue-il, «Nos sols calcaires d’origine jurassique très proche des terroirs de la Côte d’Or nous ont orientés vers une vinification en méthode bourguignonne. Le Gamay donne là le meilleur de lui-même: un vin authentique.»

(c) DR

Les gestes et les pratiques de Jean-Paul Brun mettent en avant le respect de l’environnement, avec un vif intérêt pour les méthodes bio. Les sols sont labourés à la charrue et le cuivre ainsi que le soufre sont préférés aux produits chimiques pour préserver les vignes. Les vendanges sont manuelles et ne se font qu’à pleine maturité. Les raisins sont triés puis égrappés et mis en cuve. Dans la cave, le raisin fermente avec ses propres levures. La fermentation s’étale sur trois semaines à un mois, accompagnée de pigeage (ndlr. action de mélange du raisin dans la cuve pour une amélioration de sa macération). Cette longue macération est nécessaire pour communiquer aux vins les informations du terroir et ainsi, produire un vin fin, complexe, élégant et authentique. Jean-Paul Brun conclut : « Le Domaine des Terres Dorées, c’est une quinzaine de vins originaux et authentiques. Vinifiés dans la plus grande tradition bourguignonne, ils prouvent la diversité et la qualité de nos terroirs Beaujolais. »

Le Beaujolais n’a donc pas dit son dernier mot …

Source : Beaujolais.com
Visuels : © Beaujolais.com; RDV Communication.

Rémy Gresser : « L’Alsace est un patchwork de vins »

Situé à Andlau, à mi-chemin entre Strasbourg et Colmar, se trouve le domaine Rémy Gresser. Pour Rémy Gresser, le plus important dans le métier de vigneron est d’avoir la passion de la terre. En effet, à ses yeux, le vigneron  se doit d’être un paysan et un artisan qui a un respect inaltérable pour son environnement et son lieu de travail. Vigneron hors-norme, Rémy Gresser nous raconte l’histoire de son vignoble, nous dévoile les particularités du vin d’Alsace et met en lumière une technique de production en harmonie avec la nature: la biodynamie.

Comment êtes-vous tombé dans le vin ?

Rémy Gresser : Je suis né dans une famille de vignerons. C’est tout naturellement que j’ai pris la succession du domaine. C’est une question que je ne me suis jamais posée.

Quelle est l’histoire de votre vignoble ?

RG : Les documents les plus anciens que nous ayons trouvés remontent au XVIème siècle, en sachant qu’à cette époque-là, dans un village viticole comme Andlau, chacun avait un petit peu de vigne. La période de 1400 jusqu’à 1789 était particulièrement marquée par la présence dans mon village de l’Abbaye, qui est une abbaye princière, et d’une commanderie teutonique qui étaient composée de propriétaires des grands terroirs. C’étaient eux qui géraient le village. Mes ancêtres à l’époque étaient vignerons. Ils avaient une activité professionnelle et des vignes comme tout le monde. Le document le plus ancien que nous possédons appartenait à mon ancêtre, Thiébaut Gresser, qui était Prévôt, maire d’Andlau en 1594. Ce qui est amusant, c’est que dans le document que nous avons trouvé, document qu’il a signé en tant que Prévôt, il bien marqué ses deux fonctions : « Prévôt et Vigneron ». Nous sommes donc ici depuis cette époque-là. Ceci dit, quand on dit « le vignoble est dans ma famille », c’est une autre manière de voir les choses. En Alsace, nous n’avons jamais eu le droit d’aînesse ; à chaque génération, la propriété des parents était divisée par le nombre d’enfants. Je ne sais donc pas combien du domaine que j’occupe aujourd’hui était déjà dans ma famille il y a un, deux ou trois siècles. Ce fut partagé et ensuite racheté. Je rachète aujourd’hui des vignes de cousins et de petits cousins qui ne sont plus dans la viticulture. C’est une évolution très alsacienne où à chaque période il a fallu partager et diviser les vignes en nombre d’héritiers. Ce qui n’est pas le cas dans le sud de la France ou de l’Europe, où le droit d’aînesse était en vigueur : l’aîné recevait l’ensemble du domaine. On peut dire que le domaine dans sa totalité, ou au moins le cœur du domaine, appartient à la famille depuis des siècles. Nous sommes certains d’être là depuis 1575 et mêmes certains que les premiers sont arrivés en 1399. Cependant, dire que le pied de vigne ou la parcelle que je taille aujourd’hui est toujours dans ma famille depuis cette époque-là, je ne m’avancerais pas.

Quelles sont les particularités du vin d’Alsace ?

RG : Deux grands concepts de vinification caractérisent le vin d’Alsace: le concept français basé sur les terroirs et le concept allemand basé sur les cépages. C’est pour cela que quand vous achetez un vin en Alsace, vous avez toujours, sur la même étiquette et pour le même vin, le nom de son origine géographique et de son cépage. Quand ce sont des assemblages, soit il porte le nom « Edelzwicker » qui est le nom alsacien d’un assemblage, soit tous raisins que vous pouvez retrouver. C’est cette conciliation de deux concepts qui caractérise l’Alsace depuis des dizaines d’années. Il y a encore 5 ou 10 ans, les autres vignobles français autour de la Savoie n’utilisaient pas les noms des cépages. Aujourd’hui tout le monde le fait. Nos voisins Allemands, il y a 15 ou 20 ans, qui utilisaient à peine les noms des terroirs, que ce soit « village », « lieu-dit », ou « lieu-dit Grand Cru», aujourd’hui le font aussi. C’est intimement lié à notre situation au cœur de l’Europe.

Il y a un deuxième élément qui marque tout à fait l’Alsace : nous sommes sur une deuxième frontière, celle entre les Latins et les Anglo-Saxons. Avant que la cuisine française n’aille conquérir tout le nord de l’Europe, on avait clairement deux manières de boire le vin. Les Latins ont toujours eu des repas en famille. L’ensemble de la famille était assise autour d’une table pour le déjeuner et le dîner. On servait un vin sec, pour les vins blancs, ou avec une finale de tanins, pour les vins rouges, pour garder les papilles gustatives en éveil et pour exciter et provoquer l’appétit. Dans les pays anglo-saxons, on buvait soit des vins légers et fruités au « wine bar » avant de rentrer chez soi, le principe même du « Winstub » à Strasbourg, ou alors on ouvrait avec le dessert un vin liquoreux ou moelleux quand on recevait des amis. D’ailleurs, encore aujourd’hui, 50% des Anglais n’ont pas de table à la maison où tout le monde peut s’asseoir, prendre place et manger ensemble. Il y a trente ou quarante ans, les Allemands n’invitaient pas à déjeuner, ils invitaient au dessert. Automatiquement, avec un dessert, on sert des vins moelleux liquoreux, alors que sur les entrées, les suites ou les poissons on va mettre des vins secs. C’est pour cette raison que l’Alsace produit des vins de style français ou latin qui conviennent extrêmement bien aux repas, et ceux moelleux et liquoreux aux grains nobles qui sont dégustés en dehors des repas. Nos ancêtres ont eu l’intelligence de conserver des deux côtés du Rhin ce qui est le plus intéressant.

Vous protégez votre vignoble par la biodynamie. Qu’est-ce exactement ? Est-ce l’avenir de la viticulture ?

RG : C’est une particularité très alsacienne. En 1971, la France a choisi de construire une centrale nucléaire sur le Rhin (ndlr. Fessenheim). A l’époque, en France, il n’existait pas de mouvement écologiste. Nous n’avions pas en France, à ce moment-là, cette sensibilité, cette attention liée à l’environnement. En 1971, autour du chantier de construction de la centrale, se sont organisées des manifestations avec des partis écologistes, dont les Verts allemands, les Verts suisses. C’est là que s’est créé le parti des Verts en France. Ici, en Alsace, nous sommes dans une vallée qui connaît une grande densité de population et la plus grande densité industrielle en Europe. Nous sommes aussi sur la nappe phréatique l’une des plus importantes réserves souterraines en Europe. Tout ces éléments font que les Alsaciens ont pris conscience de l’importance de la nature et se sont posés la question de comment à la fois assurer des revenus, des productions et mieux respecter l’environnement. La seule voie possible est celle de consacrer plus de temps à observer sa vigne, observer la nature et adapter ses procédés de production aux particularités de l’environnement.

La biodynamie repose essentiellement sur un constat simple : tous les êtres vivants sur la Terre sont influencés par les astres. La biodynamie, c’est prendre et respecter le calendrier lunaire pour des travaux spécifiques, comme la plantation. Ensuite, à chaque mois, on a le périgée et l’apogée, les moments où la lune est la plus éloigné ou la plus proche de la terre. On va alors éviter pendant les deux heures qui entourent ce périgée ou cet apogée de travailler le vin ou la vigne. Mais la biodynamie, c’est un ensemble qui repose particulièrement sur une production bio : premièrement, il faut être certifié en agriculture biologique, donc ne plus utiliser de molécules de synthèse ; deuxièmement, il faut compléter cette agriculture bio avec la biodynamie. Cependant, il ne faut pas tomber dans les extrêmes celle-ci. Le père de cette réflexion, le docteur Rudolf Steiner, fondateur de l’anthroposophie (ndlr. science de l’esprit qui tente d’étudier, d’éprouver et de décrire des phénomènes spirituels avec la même précision et clarté avec lesquelles la science étudie et décrit le monde physique) était assez extrémiste dans sa démarche.

Les diverses techniques de production influent-elles sur la qualité et la saveur du vin?

RG : Bien entendu. Nous vignerons, notre seul objectif est de créer autour de la plante et du pied de vigne les meilleurs conditions pour que cette plante puisse travailler, c’est-à-dire extraire de la minéralité du sol, produire du sucre, faire mûrir les acides et produire la matière aromatique. Toutes les conditions néfastes, si les pieds concurrencent avec les mauvaises herbes, s’il y a un problème de déséquilibre entre la vigueur du pied et le nombre de raisins, défavorisent ce travail de la vigne et seront négatives pour la qualité du vin. Notre objectif c’est créer les meilleures conditions pour la vigne. Ensuite, nous pourrons conserver la qualité de la vigne que la nature a bien voulu nous donner.

Est-il juste de dire que la production et la dégustation du vin est un art ?

RG : Bien entendu, dans la production du vin, comme dans celle de la dégustation. Dans les leçons de dégustation de vin, il est clairement dit qu’il faut faire appel à tous ses sens. Il y a déjà la vue, le premier contact avec le vin : est-il perlé, est-ce un crémant, un effervescent ? Ensuite la couleur : est-il clair, rosé, blanc ? Ensuite vous allez faire appel au nez, pour tout ce qui est aromatique, puis au palais. Il y a tout un plaisir à déguster. Cette culture du vin, c’est ce que l’on qualifie d’art. Et c’est ce qui fait toute la différence entre un vin industriel et un vin de terroir. Le statut juridique n’a pas grande importance, que ce soit un vigneron, un négociant ou une coopérative. Le tout est de savoir si la structure d’entreprise permet d’observer et de créer les meilleures conditions à chaque pied de vigne. Et ensuite les meilleures conditions de récolte et de transformation du vin, suivie de cette fermentation alcoolique qui va transformer le raisin en vin. Mon seul objectif, mon devoir, c’est de donner à la vigne la possibilité de créer la meilleure matière première, et de pouvoir couper le raisin et l’amener dans le verre du consommateur sans perdre de qualité en cours de route. Il est vrai que comme l’on fait appel à de nombreux sens, le vin est un art dans la mesure où la qualité dépend du raisin, et le terroir dépend de la terre, mais tout dépend aussi de la personnalité du vigneron. Chaque vigneron, en fonction de se priorités et de sa manière de travailler va influencer d’une façon ou d’une autre son vin. C’est ce qui fait la richesse des vins de terroir : chaque vin est unique. Et ce qui est extraordinaire, et c’est là où la nature est extrêmement bien faite, c’est qu’à chaque producteur, à chaque vin, correspond un consommateur. Cette diversité de cépages, cette diversité de terroir, cette diversité de climat et la diversité de personnalité des vignerons, car nous avons tous nos habitudes, nos caractères, nos manières de travailler, font que l’Alsace est un patchwork de vins, où chacun y trouve son plaisir, à condition de trouver le vin qui lui plaît.

Visuels : © Rémy Gresser

L’abus d’alcool est dangereux pour la santé. A consommer avec modération.