Nathalie Vautrin Vancoillie : « Le vin c’est de la culture, de l’éducation. »

Nathalie Vautrin Vancoillie est une femme de vin. Depuis près de 20 ans, elle est à la tête du Clos d’Alari, un domaine agricole de dix hectares dans le Var. Rencontre avec une Eléonore de Provence, pour parler femmes et vin.

Présentez-nous le Clos d’Alari ?

Nathalie Vautrin Vancoillie : Le Clos d’Alari est un petit domaine agricole familial dans le Var. J’ai créé ce domaine avec ma mère en 1998. Nous avons des vignes (la partie la plus importante), des oliviers (nous pressons notre huile d’olive), des chênes truffiers (nous récoltons de la truffe fraîche en saison). Depuis un an et demi, nous accueillons des hôtes au domaine avec une activité chambre d’hôtes et une proposition de séjours à thème, autour de notre trilogie : le vin, l’huile d’olive, la truffe.

(c) Clos d'Alari

Vous faites partie des Eléonores de Provence. Quel est le but de cette association ?

NVV : Les Eléonores de Provence, c’est une association de femmes de vin, mais pas uniquement. Nous avons également des restauratrices au sein de l’association. Cette association fait partie de celle des Femmes de Vin de France. Il existe également les Vinifilles du Languedoc, les Aliénor d’Aquitaine, les Femmes du Rhône, Les Etoiles en Beaujolais, Les Femmes du Bourgogne… Je fais partie de cette association car je trouve toujours intéressant de se rencontrer, de discuter, de voir la problématique des autres. Cela permet également de faire des opérations ensemble.

En quoi être une femme est-il un avantage et/ou un inconvénient dans le monde du vin?

NVV : Je pense qu’il y des deux. C’est d’abord un avantage d’être une femme dans le business ! Un inconvénient, c’est le travail dur physiquement, dans le chai ou à la taille. Je pense cependant que l’on voit de plus en plus de femmes dans les vignobles, car il y a vraiment une idée de transmission. Cette qualité, me semble-t-il, est propre aux femmes. Et cette transmission est aussi l’esprit des Eléonores. Les femmes se mettent d’ailleurs au vin avec beaucoup de talent !

(c) Clos d'Alari

Vous avez créé ce domaine avec votre Maman. Avez-vous envie, à votre tour, de transmettre à vos enfants ?

NVV : J’espère ! J’ai une fille et un garçon, des nièces également. Je suis actuellement dans une période où l’on bâtit des choses. J’aimerais transmettre et que cela reste dans la famille.

En quoi apportez-vous une touche féminine à votre production ?

NVV : Mon étiquette par exemple, qui plaît beaucoup, a été dessinée par une amie graphiste. Mes vins aussi sont plutôt féminins. Les rouges, par exemple, ne sont pas musclés, ils sont beaucoup plus dans la longueur, dans la finesse. C’est très important pour moi dans le vin, cette élégance.

Assiste-t-on a une féminisation du vin ?

NVV : Oui ! Bien sûr. Après, il y a encore beaucoup de travail à faire. Je le vois en dégustation dans les salons. Les femmes passent chez les jeunes femmes. Mais les femmes restent en retrait par rapport à leur mari, qui lui « sait ». Alors on les mets très à l’aise, on leur fait goûter, et on leur demande si les vins leur rappellent des choses dans leur mémoire olfactive. Souvent, elles sont plus justes que les hommes qui ne s’y connaissent pas autant finalement ! Avant, les femmes n’étaient pas initiées au vin, et dans la mémoire collective, cela subsiste. Mais le vin c’est de la culture, de l’éducation. Ça s’apprend, ce n’est pas inné. On apprend à boire du vin, à déguster, à connaître les différents cépages et terroirs. Pour apprécier le vin, il faut y avoir eu une initiation.

Visuels : © Le Clos d’Alari

Mouni Abdelli : « La cuisine, c’est un véritable rendez-vous convivial, gourmand et chaleureux. »

Cette semaine, la gourmandise est à l’honneur sur les Rendez-vous des Arts Culinaires ! Nous avons discuté avec Mouni Abdelli, auteure du blog Rdv aux mignardises et photographe culinaire de talent. Elle nous parle de sa passion et de son plaisir de partager ses découvertes en cuisine…

Qui se cache derrière Rdv aux mignardises ?

Mouni Abdelli : Je m’appelle Mouni Abdelli, j’ai 28 ans et je vis à Paris ! J’ai lancé en 2007 mon blog culinaire « Rdv aux mignardises » pour partager mes aventures gourmandes, souvent autour de la pâtisserie et de la boulange maison.

(c) Rdv aux mignardises

Pourquoi avoir créé Rdv aux Mignardises ? En sept ans, comment votre blog a-t-il évolué ?

MA : J’ai d’abord créé le blog pour apprendre à pâtisser et à faire de bonnes viennoiseries et des pains maison! Je rêvais de réussir à faire des macarons, d’obtenir une belle brioche à la mie filante ou encore de savoureuses pâtes feuilletées !

Je pense que le blog a surtout évolué par la qualité des photos qui accompagnent les recettes, au fil des années je me suis améliorée et je ne rate aucune occasion d’en apprendre plus sur la photographie culinaire. Je pense que les lecteurs apprécient cela, et ont du plaisir à parcourir les recettes quand elles sont joliment illustrées. J’essaie également d’être la plus précise possible afin que le lecteur puisse les reproduire sans trop de difficulté !

Aujourd’hui, en quoi votre blog est-il devenu un point de rendez-vous et de rencontre gastronomique en ligne ?

MA : Les recettes sont surtout proposées pour donner envie, envie de cuisiner et faire plaisir à ses proches et aux gourmands en général ! Un caramel coulant, du chocolat fondu, une crème généreuse… Tout cela fait que lorsqu’ils se rendent sur le blog, les gourmands peuvent y trouver leur bonheur!

(c) Rdv aux mignardises

Rencontrez-vous des challenges en cuisine ? Lesquels ? Comment les dépassez-vous ?

MA : J’adore tenter de nouvelles recettes, surtout quand celles-ci sont très techniques ! Je n’ai pas peur de m’attaquer à une recette qui nécessite plusieurs heures ou plusieurs jours de préparation. Tout est une question d’organisation ! Le plus gros challenge est de trouver du temps quand on travaille toute la semaine, je pense alors qu’il suffit de bien organiser sa réalisation pour tout faire sans « trop » de difficulté !

Quel est le mets que vous adorez préparer pour un rendez-vous ?

MA : Quand je dois préparer un gâteau par exemple, je demande toujours ce que la personne rêverait de goûter. Parfois, ça peut être quelque chose de très simple, comme des sablés, mais le plus souvent, on me demande la tarte au citron meringuée ou le mille-feuilles !

(c) Rdv aux Mignardises

Pour vous, en quoi la cuisine est-elle un « rendez-vous » ?

MA : Je cuisine très rarement pour moi même, j’aime cuisiner pour les autres! Pour moi, c’est un véritable rendez-vous convivial, gourmand et chaleureux quand on se retrouve pour déguster un bon dessert ou un bon petit plat!

L’art culinaire en trois mots ?

MA : Gourmandise, partage, esthétique!

Visuels : © Rdv aux mignardises

Agnès Richer de Forges : « Laurent-Perrier est l’ambassadeur de l’art de vivre à la française »

Laurent-Perrier est aujourd’hui l’une des références dans le monde en termes de champagne. Fondée en 1812, cette maison concilie la qualité des vins et le respect du terroir. A l’occasion de cette période festive, rencontre avec Agnès Richer de Forges, chargée de communication de la maison, pour parler champagne, transmission et passion.

Quelle est l’histoire de la maison Laurent-Perrier ?

Agnès Richer de Forges : Laurent-Perrier a été fondé en 1812. Nous avons fêté les 200 ans de cette belle maison l’année dernière ! C’est une maison située en plein cœur de la champagne, dans un petit village à Tours-sur-Marne. Nous avons un attachement au terroir qui est très fort : nous sommes aujourd’hui la seule grande maison de négoce encore située à la campagne. La maison Laurent-Perrier appartient à la famille de Nonancourt. Les actuelles propriétaires, Alexandra et Stéphanie, ont pris la suite de leur père il y a trois ans, et sont garantes du style de la maison et du style que leur père, Bernard de Nonancourt, avait insufflé à cette « petite » maison de l’époque. Je me permets de dire « petite », car lorsque la famille de Nonancourt à racheté la maison Laurent-Perrier, en 1939, elle produisait 800 000 bouteilles par an ; nous sommes aujourd’hui à 7 millions de bouteilles par an. La maison a véritablement vécu une grande expansion en 60 ans sous l’impulsion de cet homme visionnaire.

(c) Jean RiZ

Quels sont les caractéristiques des vins Laurent-Perrier ?

ARDF : Bernard de Nonancourt a su créer toute une gamme de vins très particuliers. Tous sont porteurs des valeurs et de la signature de la maison, ainsi que la patte de notre chef de caves, Michel Fauconnet.

D’abord, le Laurent-Perrier brut sans année, signature de la maison, une constance dans le style, produit chaque année. Un champagne caractérisé par sa finesse, son élégance, sa fraîcheur, plutôt servi à l’apéritif puisqu’il éveille les papilles.

(c) Laurent-Perrier

La cuvée Rosé Laurent-Perrier, la référence des champagnes rosés dans le monde, créée en 1965 et lancée en 1968, lors des mouvements étudiants, époque où le champagne rosé était quasiment inexistant. Bernard de Nonancourt voulait en faire un vin noble à part entière, selon la technique dite de macération (les peaux macèrent avec les jus, colorent les jus, et sont retirées à l’obtention de la couleur désirée), plus technique, mais nettement plus intéressante pour les arômes. En termes d’accords mets/vins, cette cuvée a une palette très large, puisqu’elle peut aller avec du jambon ibérique, des plats assez relevés, des desserts, bien évidemment, à base de fruits rouges, et certains gibiers.

(c) Laurent-Perrier

Nous avons également des millésimés. Nous ne sommes pas une maison qui millésime très souvent. Nous ne millésimons que les années rares qui nous semblent exceptionnelles. La caractéristique du millésime est qu’il est éphémère, et qu’il montre les caractéristiques de l’année.

La cuvée Ultra-Brut Laurent-Perrier est un vin très atypique mais absolument fabuleux ! L’un de mes préférés de la gamme. (Rires) C’est un champagne non-dosé, c’est-à-dire que l’on ne rajoute pas de sucre à son élaboration, on utilise uniquement la maturité naturelle du raisin. On ne produit que les années où on a une belle maturité lors des vendanges et en même temps une belle acidité, colonne vertébrale du vin. C’est un vin très minéral en bouche, très droit, et qui se marie de manière fabuleuse avec les fruits de mer, les huîtres – on y retrouve d’ailleurs un petit côté iodé au nez. Il se marie très bien également avec des poissons à chair blanche, des Saint-Jacques, ou avec des fromages comme le parmesan. Si vous aimez la cuisine à base de fleurs, on peut utiliser des fleurs de bourrache pour la décoration de certains plats, car dans la fleur de bourrache on retrouve le côté iodé de notre vin.

(c) Laurent-Perrier

La dernière cuvée phare de la maison est la cuvée Grand Siècle, notre cuvée de prestige, élaborée pour la première fois en 1954. Cette cuvée Grand Siècle, possède un nom très atypique et une histoire particulière. L’histoire de Bernard de Nonancourt a confronté l’Histoire de France. Il a eu l’occasion de rencontrer différentes personnalités, dont le Général de Gaulle. Il s’est permis d’envoyer au Général de Gaulle une sélection de noms auxquels il pensait pour nommer cette cuvée. Le Général de Gaulle lui a renvoyé un télégramme en lui disant « Grand Siècle, bien sûr », car le « Grand Siècle » évoque le siècle de Louis XIV, siècle où la cour de Versailles rayonnait dans le monde entier. Avec Grand Siècle, Bernard de Nonancourt a voulu faire de ce vin l’ambassadeur de l’art de vivre et l’art de recevoir à la française. C’est vraiment la vraiment qui tire vers le haut l’ensemble de la maison, et qui prône les valeurs d’excellence et d’exigence de la maison : exigence de qualité supérieure, exigence de sélection des baies des raisins. Bernard de Nonancourt a également fait des recherches sur la forme des bouteilles qui étaient servies à la cour de Louis XIV. En consultant des tableaux et des archives, il a reproduit la forme de la bouteille de l’époque pour la cuvée « Grand Siècle ».

(c) Laurent-Perrier

En quoi la transmission est-elle une valeur importante pour la maison Laurent-Perrier ?

ARDF : Le fil conducteur de la maison a toujours été la famille et la transmission. L’objectif d’Alexandra et Stéphanie de Nonancourt est de pouvoir un jour transmettre à leurs enfants, s’ils se destinent à cet univers-là. Elles ont cette volonté de transmission de la maison et du savoir-faire. Depuis 1939, se sont succédés trois chefs de cave. Le chef de cave est un élément indispensable dans une maison de champagne, étant le détenteur de toutes les recettes de la maison. C’est lui le garant du style de la maison et celui qui valide l’assemblage final. Notre actuel chef de cave a passé plus de 20 ans aux côtés du précédent, qui lui a transmis ses savoirs. Le précédent avait fait la même chose. Cette notion de famille est très importante. De plus, il a récemment été découvert que la famille de Nonancourt a un lien avec le tout premier propriétaire, Alphonse Pierlot. La boucle est donc bouclée ! Il y a vraiment une dimension très familiale. Il y a une transmission dans le temps, également, et un travail au niveau du vignoble et du terroir, en viticulture durable, l’idée étant de transmettre à la génération future un terroir de qualité. A chaque étape de notre métier, il y a cette projection dans l’avenir et cette volonté de transmettre.

(c) Laurent-Perrier

Visuels : © Jean RiZ ; Laurent-Perrier.

L’abus d’alcool est dangereux pour la santé. A consommer avec modération.

Xavier Pauly : « La gastronomie d’une région, c’est son identité.»

Xavier Pauly est un artiste des produits de saison. Chef au parcours atypique, il se tourne aujourd’hui vers une cuisine saine, savoureuse, où le produit se révèle en toute simplicité. Le chef revient sur son parcours, sur son amour des produits de saison et sur la gastronomie comme identité première d’une région…

Quel est votre parcours ?

Xavier Pauly : Je viens d’une famille de restaurateurs, mais à la base, j’étais prothésiste dentaire ! (Rires) Mes parents avaient un restaurant étoilé et j’ai décidé de revenir vers la restauration. Je ne voulais pas seulement faire de la restauration donc j’ai décidé de rajouter une partie traiteur, puis la partie traiteur a pris le dessus. Ensuite, je me suis orienté vers un autre projet, basé sur le développement durable, qui mêlait l’écologie, le bâtiment et la cuisine. Ce concept était basé dans un bâtiment très basse consommation énergétique (bardage bois, pompe à chaleur, recyclage d’eau…), et sur une cuisine basée au jour le jour sur des produits frais de saison, où les formules se renouvelaient chaque jour (entrée, viande, poisson, dessert). On faisait donc marcher un maximum les produits locaux tout en donnant un cachet contemporain à la cuisine. J’ai de nouveaux projets aujourd’hui qui vont se mettre en place dans les prochains mois !

(c) Xavier Pauly

Vous aimez travailler les meilleurs produits que vous trouvez quotidiennement sur le marché. Pensez-vous donc que les chefs cuisiniers sont les artistes des produits de saison ?

XP : Bien sûr. Aujourd’hui, si on veut aller vers une évolution de la cuisine, il faut vraiment se pencher sur ces choses-là. Il faut vraiment que l’on arrête d’être dans un principe de consommer tout, tout le temps et n’importe comment. On retourne un petit peu à ce qu’il se faisait avant, utiliser les produits de saison qui sont, de fait, moins chers. Nos grand-mères cuisinaient la cueillette du jardin, n’étaient pas dans l’opulence et faisaient le panier par rapport à ce qu’il y avait. On y revient de plus en plus, à cette manière de vivre, car c’est une nécessité économique, et nous sommes aussi dans une optique de « manger sain et de saison ».

(c) Xavier Pauly

Aimez-vous revisitez des plats traditionnels d’une région ?

XP : Oui, bien évidemment ! Quand j’étais en Lorraine, j’aimais retravailler la potée lorraine, la quiche lorraine… Je pense qu’aujourd’hui, en cuisine, on n’invente plus grand-chose. Les aliments que l’on connaît ont été travaillés depuis plusieurs siècles. Quand on regarde la culture de la cuisine et la gastronomie, on n’a vraiment rien inventé. Sauf, ces derniers temps, la cuisine moléculaire, où la cuisine a une approche scientifique. Ceci dit, le produit reste le même. On n’invente pas de nouveaux produits. On réinterprète de manière plus actuelle. Aujourd’hui, on va avoir, une approche plus diététique, une cuisine plus « santé » où on travailler avec moins de sucre et de gras, où l’on mange pour se faire du bien. On va vers une cuisine saine, où l’aliment guérit. De plus, on essaie vraiment de ne pas trop travailler l’aliment, car plus on le travaille, plus on le dénature, et plus on va perdre d’oligo-éléments, de vitamines. Même au niveau énergétique, travailler moins l’aliment signifie réduire sa consommation en énergie. De plus, le résultat est vraiment meilleur au niveau du goût, et conserve la qualité du produit. C’est vraiment la tendance actuelle.

Pensez-vous qu’il est important de partager le patrimoine d’une région à travers sa gastronomie ?

XP : Bien sûr, c’est très important. Je pense que ça fait partie de l’identité d’une région. Justement, chaque région devrait garder ses traditions, son identité, ses produits, ses différences, sa technique, sa façon de faire. Pour moi, ça fait véritablement partie de la culture de la région. C’est indispensable. On ne peut pas séparer les deux. Dans une région, on parle de son terroir, de sa gastronomie, de tout ce qu’il peut apporter d’autre. C’est l’identité même et c’est indispensable. Je pense d’ailleurs que c’est ce qui fait la valeur de la région : son identité.

Visuels : © Xavier Pauly