Jean-Jacques Eucher-Lahon: « Avec mon Epicerie Anglaise, je vends du rêve »

« Yes, it’s here »! Elle est en effet là l’Épicerie Anglaise, installée depuis près de 20 ans dans la Cité du Wauxhall de Paris. Avec plus de 700 articles d’origine anglo-américaine, elle fait figure de « place to go » pour s’achalander en produits d’outre-Atlantique et d’outre-Manche. Jean-Jacques Eucher-Lahon, le propriétaire de la boutique, revient sur les raisons de la création de l’Épicerie Anglaise, les produits phares de sa boutique et l’existence d’une gastronomie anglaise…

Pourquoi avez-vous ouvert une Épicerie Anglaise à Paris?

Jean-Jacques Eucher-Lahon: Je me suis dit que c’était le meilleur moyen de draguer les petites anglaises ! (Rires) Je connais bien l’Angleterre, ses produits, son épicerie, sa gastronomie qui s’améliore d’années en années et dont la mauvaise réputation vient de ce qu’après-guerre, il n’y avait plus grand chose pour se nourrir. L’idée était de faire connaître quelque chose que je connaissais et qui avait tout mon respect. Et puis c’est un gag ! Pourquoi pas? Il faut faire ce que les autres ne font pas.

Quel genre de clientèle attendiez-vous en ouvrant cette épicerie? Plutôt française ou britannique?

JJEL: J’attendais une clientèle de gens curieux. D’ailleurs nous sommes situés dans une petite rue que seuls les curieux peuvent découvrir. Je parle d’avant Google! Maintenant, il suffit de chercher sur internet pour trouver l’adresse. Il y avait énormément de gens qui ne nous connaissaient pas, même en habitant le quartier. C’est quand même une épicerie pour les gens curieux, ce n’est pas pour le grand public. C’est pour des gens qui cherchent à s’échapper, à voyager, à découvrir, à rêver. Je dis souvent que je vends du rêve. Cette épicerie est aussi un moyen de voyager et de créer des recettes.

Les clients viennent-ils chercher un produit en particulier? 

JJEL: Parmi les 700 produits que nous avons, il y en a qui reviennent souvent! Nous sommes les seuls à faire des vraies « sausages », du bacon, des baked beans, du fromage fermier que les gourmets viennent chercher. Les gens viennent également pour la Clotted Cream et les scones. Et pour ce produit exceptionnel qu’est le Haggis et que je voulais absolument avoir sous sa forme gastronomique. Il y a quand même des gens des années 1950-60 ou leurs enfants qui ont entendu parler de ce produit grâce à Monsieur Jacques Bodoin (ndlr. chansonnier français auteur du titre « La Panse de Brebis Farcie ») ! Les gens viennent chercher ces produits spécialement chez nous.

Comment définiriez-vous l’art culinaire à la britannique?

JJEL: Très inventif, très imaginatif. Pourquoi inventif et imaginatif? Depuis que les Britanniques ont conquis l’empire des Indes, ils ont rapporté beaucoup de choses de là-bas, des plats de tradition qu’ils ont adapté à leur sauce. Mais l’art culinaire britannique est un héritage de la gastronomie européenne, normande, des produits du terroir qui sont les mêmes qu’en France. Les Anglais sont aussi inventifs et imaginatifs pour utiliser les produits du pays comme du gibier et du poisson. Ils ont également de l’appétit et une culture gastronomique dont ils sont très fiers. Aussi fiers que les Français! Et ils ont raison! Je recommande à chacun d’aller faire un tour en Angleterre pour s’apercevoir qu’on peut manger partout, bien et bon.

Visuels: (c) Louise Barillec et Aurore Lucas

La recette du jeudi: Pavé de saumon en écailles de gelée de whisky Ardbeg

Le saumon est indémodable. Qu’il soit cru ou cuit, fumé ou mariné, il trouve toujours une place de choix au sein des menus les plus variés, des plus simples aux plus élaborés. Jon Irwin, le chef du restaurant Alain Milliat propose pour cette recette du jeudi un pavé de Saumon d’Ecosse Label Rouge en écailles de gelée de whisky Ardbeg Ten.

Originaire de Telford en Angleterre, Jon Irwin refuse de se laisser bercer par les traditionnels puddings ou la jelly. Il fait ses débuts à 18 ans chez Brown’s et enchaîne les rencontres. Il travaille pour Andrew Turner (Kempinsky Hotel à Londres), avant de rejoindre la France et Alain Llorca (Hôtel Negresco), Pierre Gagnaire et Akrame Benallal, qui le présente à Alain Milliat pour la place de chef dans son premier restaurant Parisien.

La cuisine de Jon Irwin (d)étonne: jeux de textures subtils, cuissons maîtrisées et utilisation produits rares comme la daurade rosée, le basilic-cannelle ou la menthe dite chocolat. Parmi ses plats signatures l’on retrouve l’œuf à 62° et une surprenante crème de pop-corn et caramel glacé au beurre. Dynamique et passionné, le chef transmet chaque jour, dans son restaurant, le goût d’une cuisine inventive et créative.

Pour cette recette du jeudi, le chef Jon Irwin a décidé de travailler le saumon écossais Label Rouge, poisson qui se pêche dans la région des Highlands and Islands en Ecosse. Cette région au nord de la Grande-Bretagne, au climat rude et inhospitalier pour l’homme, est une terre de prédilection pour l’élevage du Salmo salar, ou saumon de l’Atlantique, et en particulier du Saumon écossais Label Rouge. L’eau des torrents et des rivières vient des sommets et elle fournit les ressources idéales à la croissance du jeune poisson dans les bassins d’eau douce jusqu’au transfert en mer. L’eau froide des lochs salés prend ensuite le relais. Brassés par les courants et les marées, les saumons doivent constamment nager dans cet environnement dynamique, ce qui contribue à leur assurer une chair ferme et un taux de lipide limité, deux éléments qui concourent à la qualité supérieure du produit.

Grâce à cette qualité, le saumon écossais a été en 1992 le premier poisson et le premier produit étranger à obtenir le prestigieux Label Rouge attribué par le Ministère de l’Agriculture français, label accordé à un produit agricole ou une denrée alimentaire sur des critères de qualité supérieure gustatifs. Le saumon a également obtenu en 2004 l’Indication Géographique Protégée (IGP) octroyée par les autorités européennes à un produit ou une denrée alimentaire ayant un lien fort à son origine géographique.

Ces reconnaissances s’obtiennent par l’homologation d’un cahier des charges très strict mis en place par un groupe de producteurs, afin que le saumon soit toujours d’un niveau de qualité supérieure. Il présente l’ensemble des exigences auquel le produit devra répondre, notamment en termes de techniques d’élevage (dans le respect du bien-être du poisson, de l’environnement et sa durabilité), d’alimentation (composée exclusivement de produits d’origine marine, d’ingrédients végétaux, de vitamines, minéraux et caroténoïdes), d’équipements et de locaux (densité maximale de 15 kg par m² de bassin), d’hygiène et de formation du personnel.

C’est pour ces raisons que le chef Jon Irwin a préparé cette semaine une recette 100% British: un pavé de saumon en écailles de gelée de whisky Ardbeg

Pavé de saumon en écailles de gelée de whisky Ardbeg

Pour 4 personnes :
– Tailler 4 petits pavés de saumon, enlever les arêtes avec une pince à épiler.
– Faire cuire au four vapeur (cuisson basse) jusqu’à ce que la température arrive à cœur à 38°.

Pour la gelée de whisky :
– 15 cl de whisky
– 5 gr de poudre « agar agar »
• Mélanger la poudre « agar agar » avec le whisky et faire bouillir dans une casserole.
• Faire flamber, puis étaler la préparation sur une plaque et laisser refroidir au frigidaire.
• Une fois refroidit, tailler des ronds à l’emporte pièce et les mettre sur un papier sulfurisé.

Dressage :
– Mettre dans une assiette le pavé chaud et le recouvrir avec les ronds de gelée de whisky comme des écailles.
– Servir avec un verre de whisky ayant servi à la gelée.

Visuels: (c) Louise Barillec et Aurore Lucas

Interview : Jon Irwin, chef anglais du Alain Milliat

C’est une idée préconçue que l’Angleterre n’a pas de gastronomie. En effet, loin des traditionnels puddings ou de la Jelly, la cuisine anglaise se définit par sa qualité et son audace, comme le prouve Jon Irwin, le chef anglais du restaurant Alain Milliat. Au Rendez-vous des Arts Culinaires, il a exploré les produits du terroir britannique – saumon écossais, clotted cream, angus beef, chutney épicé et lemon curd – en y ajoutant une pointe de « French Touch » à l’anglaise. Rencontre express entre deux préparations avec le chef.

Qu’aimez-vous dans la cuisine?

J’aime beaucoup de choses: l’inspiration, la qualité des produits, même si les produits anglais commencent à atteindre une qualité équivalente. C’est mon métier, ma passion. Ce n’est pas forcément une passion de la cuisine française, mais de la cuisine, tout simplement. J’aime utiliser mon cerveau, pour faire des plats. Je ne fais jamais la même chose deux fois, je change tout le temps.

Nous sommes aujourd’hui au Rendez-vous des Arts Culinaires. Quelle est pour vous la définition de l’art culinaire?

Pour moi, l’art culinaire c’est la créativité, la passion du bon produit, l’amour du métier. C’est aussi ce besoin de renouvellement permanent. La cuisine, pour évoluer et vivre, doit toujours être mouvement.

Visuels : (c) Louise Barillec et Aurore Lucas